Pour son premier grand plateau en carrière, Gabrielle Lessard met en scène une figure mythique de l’art contemporain, Judy Chicago. La dramaturge s’est inspirée de cette artiste féministe avant la lettre, à laquelle elle s’identifie dans ses combats contre les institutions culturelles dirigées par des hommes.

Judy, la nouvelle pièce de Gabrielle Lessard autour de l’œuvre de Judy Chicago, une pionnière de la deuxième vague du mouvement féministe aux États-Unis et une figure marquante de l’art contemporain, prendra l’affiche mardi à la salle Michelle-Rossignol du Théâtre d’Aujourd’hui.

Le spectacle met en scène six personnages confrontés à des conflits intérieurs qui voient leurs certitudes s’effriter au contact de l’œuvre de l’artiste féministe, connue entre autres pour sa célèbre installation The Dinner Party, qui fait partie de la collection du Brooklyn Museum. La pièce est portée par une solide distribution, dont Louise Cardinal, Noémie O’Farrell, Victor Andres Trelles Turgeon et Louise Laprade. Cette dernière joue Judy, toujours active à 84 ans, qui sera le catalyseur de la métamorphose des protagonistes au deuxième acte.

PHOTO GABRIELA CAMPOS, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Judy Chicago avec sa sculpture Grand Bronze Head with Golden Tongue, photographiée dans son studio de Belen, au Nouveau-Mexique, en septembre 2023

« Dans les années 1960 et 1970, Judy Chicago avait prédit que rien n’allait changer si on ne changeait pas fondamentalement notre rapport au monde, explique l’autrice, qui a découvert l’artiste visuelle il y a quelques années en lisant ses autobiographies. On n’est pas face au mur, mais dans le mur ; à un point de non-retour ! Judy a une vision écoféministe, c’est-à-dire l’égalité de tous les êtres vivants : humains, animaux et végétaux. D’une diversité culturelle, ethnique, de genre, etc. »

À la suite du choc de sa rencontre avec cette « artiste révolutionnaire », Lessard a entamé cette pièce chorale qui expose « la violence de la société de consommation capitaliste ; l’inconfort du confort », résume-t-elle dans une belle formule.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Gabrielle Lessard : « Judy Chicago avait prédit que rien n’allait changer si on ne changeait pas fondamentalement notre rapport au monde. »

Judy [Chicago] symbolise la résistance face aux forces antagonistes de la société.

Gabrielle Lessard

Alors que le premier acte se déroule dans l’attente, Judy arrive dans le second acte. Sa présence va bouleverser les personnages qui vont éclater littéralement devant la force transformatrice de l’art. Judy nous présente alors, aussi, quelques-unes de ses œuvres projetées dans le théâtre.

Snobée par le milieu des arts visuels

« Judy Chicago était snobée par les galeries, les musées. Avec ses dialogues très punchés, très directs, Gabrielle [Lessard] a décidé d’infuser la personnalité de l’artiste dans le destin des personnages de sa pièce. Ce qui permet de s’inscrire dans une trajectoire historique, de s’appuyer sur le passé pour nous construire », a souligné Sylvain Bélanger, le directeur artistique du CTD’A, en annonçant les productions de sa saison, en mai dernier.

Gabrielle Lessard propose donc une réflexion sur la liberté artistique et l’identité culturelle. « Judy souligne l’importance de l’art en tant que force de changement et célèbre la capacité de l’individu à se réinventer et à défier les normes sociales établies », conclut Lessard avant de retourner en salle, rejoindre le concepteur Cédric Delorme-Bouchard, pour terminer les intensités d’éclairages de son spectacle.

Judy, de Gabrielle Lessard, du 29 janvier au 17 février, à la salle Michelle-Rossignol du CTD’A

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Qui est Judy Chicago

PHOTO GABRIELA CAMPOS, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Judy Chicago

  • 1939 : Naissance à Chicago sous le nom de Judy Cohen, dans une famille intellectuelle et militante juive.
  • 1978 : elle expose pour la première fois The Dinner Party au San Francisco Museum of Modern Art. Son œuvre la plus célèbre fait partie d’une exposition permanente du Brooklyn Museum depuis 2007.
  • 2009 : en collaboration avec Frances Borzello, elle publie le livre Frida Kahlo : Face to Face.
  • 2019 et 2020 : elle expose The End : A Meditation on Death and Exctinction au National Museum of Women in the Arts puis collabore avec la maison Dior pour la collection printemps-été 2020.

Source : Centre du Théâtre d’Aujourd’hui