Micha Raoutenfeld fait partie de la nouvelle cohorte d’artistes ayant obtenu une bourse du Fonds de dotation Michelle-Rossignol pour la création de Papeça, son solo actuellement à l’affiche du Théâtre d’Aujourd’hui. L’artiste queer et non binaire fera aussi partie de la distribution du spectacle La fin de l’homme rouge, au Quat’Sous, cet hiver. Rencontre.

Un journaliste averti en vaut deux. Avant l’entrevue, on a reçu un courriel de la relationniste du spectacle pour nous rappeler « à nouveau l’importance d’utiliser les bons pronoms pour iel et les bons termes pour la transidentité » de Micha Raoutenfeld.

« C’est normal, le langage évolue vite. Mais c’est une bonne chose, parce que le langage aide à ouvrir des portes et à accéder à d’autres univers », nous dit gentiment Raoutenfeld, lorsque (malgré notre bonne foi), on utilise un mauvais terme durant notre entretien. « Il y a des nuances à faire entre identité de genre, expression de genre et orientation sexuelle. L’évolution du langage permet de préciser ce qui nous différencie comme être humain, parce que c’est une expérience complexe, être humain. »

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Micha Raoutenfeld, artiste queer non binaire d’origine slave

Dans le milieu du théâtre contemporain, la création semble parfois avancer plus vite que le langage. Lorsqu’iel étudiait à l’École nationale de théâtre, en interprétation, Micha s’identifiait encore comme une femme et s’appelait Charlotte. À sa sortie en 2021, Charlotte est devenue Cha, artiste transdisciplinaire queer (la promotion du spectacle affiche d’ailleurs ce prénom). Aujourd’hui, Micha vit sa transition dans l’ouverture, l’acceptation et le bonheur.

Dans les médias, on associe souvent les personnes trans au mal de vivre. Dans mon cas, c’est tout le contraire. Ma transition est une libération, un épanouissement !

Micha Raoutenfeld

Sa double identité fait partie de sa démarche artistique, liée à la marge, à la déconstruction et à « une remise en question des schémas dominants ». « J’ai autant de masculinité que de féminité en moi. Je ne m’identifie ni comme femme ni comme homme. La non-binarité, c’est une manière de voir et d’expérimenter le monde. En déconstruisant les codes, on aborde le genre comme un spectre », dit Micha en faisant un geste de la main pour illustrer un arc-en-ciel.

Une promesse de liberté

« La non-binarité, c’est aussi une promesse à moi-même que je me réitère chaque jour. Soit de me donner la permission d’être qui je suis, au-delà des codes sociaux… que je n’ai PAS choisis ! Je donne aux autres la même permission, et je les laisse tranquilles ! Personne n’est libre tant que tout le monde n’est pas libre », résume-t-iel.

Si son travail est influencé par ses identités multiples, son spectacle ne parle pas vraiment de transidentité. Du moins, pas de front. « Ça fait partie de la trame, sans être mis de l’avant. Papeça est un récit initiatique qui s’inspire des mythes et de l’intangible pour explorer le désir. Il y a des éléments de mon vécu, mais la proposition dépasse mon expérience intime. Pour moi, la scène reste un endroit de transcendance. Un rituel collectif. »

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Micha Raoutenfeld, artiste transdisciplinaire non binaire

Pour en finir avec la désinformation

Papeça fait partie d’une trilogie de récits initiatiques, propulsés par le corps, la musique et les mots. Avec ses créations, l’interprète, qui signe aussi le texte et la mise en scène, souhaite aller à la rencontre du public, au-delà des biais et des préjugés sur les personnes transgenres. « En ce moment, il y a beaucoup de désinformation par rapport à l’identité de genre. C’est un débat de société. Mais l’existence d’une personne ne devrait jamais être un débat. Je suis une personne. J’existe. Pourquoi questionner mon existence sur toutes les tribunes ?! »

D’où l’importance des arts vivants, selon iel, pour briser des barrières et mettre le public en contact avec la diversité. « Je trouve ça révélateur que la déconstruction des genres provoque autant de remous chez les gens. Si [la théorie des genres] suscite des réactions aussi fortes, ça prouve que le genre est dur, rigide, dictatorial », estime Raoutenfeld.

Iel nous confie avoir été influencé-e par l’œuvre de Nelly Arcan, lue à l’adolescence. « Je pense que si Nelly Arcan vivait toujours aujourd’hui, elle aurait pu trouver une “salvation” [un salut] dans la transidentité. Lorsqu’elle parle de “la prison de la féminité”, je comprends fort bien. Je l’ai subi, cet enfermement. Jusqu’au jour où je m’en suis libéré-e. Sinon, mon destin aurait été le même que Nelly Arcan… »

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Papeça

Papeça

Texte, mise en scène et interprétation
de Micha Raoutenfeld

À la salle Jean-Claude Germain
du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui
, Jusqu’au 10 février

À ne pas manquer

Semaine de la dramaturgie autochtone

PHOTO RICHMOND LAM, FOURNIE PAR LA LICORNE

Charles Bender et Jean-Frédéric Messier agissent comme commissaires à la toute première Semaine de la dramaturgie autochtone.

Un nouvel évènement théâtral va prendre son envol le 29 janvier prochain à La Licorne. Son nom : la Semaine de la dramaturgie autochtone. C’est l’occasion pour le public de découvrir des textes de la dramaturgie autochtone anglophone traduits en français et présentés sous cette forme pour la première fois. Trois lectures publiques suivies de rencontres avec les artistes sont prévues. Dans le lot, on retrouve plusieurs interprètes autochtones souvent présents sur nos scènes, dont Charles Bender (l’un des commissaires de l’évènement), Dominique Pétin, Étienne Thibeault, Dave Jennis et Alexia Vinci. Du 29 au 31 janvier.

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Stéphanie Morin, La Presse

Membrane

PHOTO JODI HEARTZ ET ALEX BLOUIN, FOURNIE PAR LE PROSPERO

Larissa Corriveau interprète le rôle-titre de la pièce Membrane.

Le tout premier roman de science-fiction queer publié en langue chinoise, Membrane, de l’écrivain taïwanais Chi Ta-wei, arrive sur la scène du Prospero dans une adaptation théâtrale signée Rébecca Déraspe. Le metteur en scène Cédric Delorme-Bouchard dirige une distribution de six acteurs, dont Larissa Corriveau (qui interprète ici le rôle principal), Evelyne de la Chenelière et Sébastien René. Le spectacle, sis entre dystopie et utopie, s’attarde à une question essentielle : qu’est-ce qui définit l’être humain ? Du 23 janvier au 10 février.

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Stéphanie Morin, La Presse

L’éveil du printemps

PHOTO STÉPHANE BOURGEOIS, FOURNIE PAR LE THÉÂTRE DENISE-PELLETIER

L’éveil du printemps s’attarde à l’éveil sexuel adolescent.

L’éveil sexuel adolescent, avec ses tabous et ses tiraillements, est au cœur de la pièce L’éveil du printemps, présenté au Théâtre Denise-Pelletier. Le texte signé par le dramaturge David Paquet (et largement inspiré de l’œuvre de Frank Wedekind) est porté par une distribution de 10 acteurs qui campent ces jeunes tentant maladroitement de décoder leurs pulsions naissantes ou débordantes. Olivier Arteau signe une mise en scène qui mêle « l’acrobatie, le burlesque et le tragique », selon le collègue Luc Boulanger. Du 23 janvier au 17 février.

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Stéphanie Morin, La Presse

La dérape : l’histoire d’un blues band (national slide)

IMAGE FOURNIE PAR LES PRODUCTIONS MARTIN LECLERC

La dérape : l’histoire d’un blues band (national slide) est un spectacle alliant chansons et dialogues.

Mélange de chant et de dialogues, le spectacle La dérape : l’histoire d’un blues band (national slide) retrace la quête de Stevie Burnett, un Québécois à la recherche de son père biologique. De Montréal à La Nouvelle-Orléans en passant par Chicago, ce road trip théâtral se déploie sur des airs de gospel, de country ou de blues, interprétés par sept acteurs/musiciens. Dans le lot : Stéphane Brulotte, Normand D’Amour et Frédérike Bédard. Ce conte musical est présenté à la Cinquième Salle de la Place des Arts le 31 janvier. Une tournée à travers le Québec suivra.

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Stéphanie Morin, La Presse

Soul chain

PHOTO ANDREAS ETTER FOURNIE PAR DANSE DANSE

Soul chain

Voilà une proposition qui risque de décoiffer ! D’abord connue pour son travail au sein de l’incroyable Batsheva Dance Company, la chorégraphe Sharon Eyal poursuit son chemin comme chorégraphe indépendante depuis une quinzaine d’années. Elle s’allie ici à l’artiste Gai Behar, figure de proue de la vie nocturne à Tel-Aviv et comme commissaire d’évènements artistiques multidisciplinaires. Ensemble, ils ont créé Soul chain pour tanzmainz, compagnie de danse contemporaine du théâtre Staatstheater Mainz en Allemagne, qui foule pour la première fois le sol montréalais grâce à Danse Danse. Lauréate du prix allemand Der Faust, la pièce pour 17 danseurs explore l’amour et ses forces vitales viscérales, sur les rythmes technos hypnotiques du DJ Ori Lichtik. Un ballet libérateur sur demi-pointes, qui vous transportera quelque part dans une boîte de nuit où les corps palpitent et exultent. Du 23 au 27 janvier, au Théâtre Maisonneuve.

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Iris Gagnon-Paradis, La Presse

Face-à-face

PHOTO FABRICE GAETAN FOURNIE PAR L’AGORA DE LA DANSE

Louise Bédard dans Face-à-face

Création à huit mains de deux chorégraphes et deux metteurs en scène-Jérémie Niel, Catherine Gaudet, Louise Bédard, Félix-Antoine Boutin-Face-à-face devait être présentée en 2020, mais la pandémie en a décidé autrement. Finalement présentée en 2021, mais avec jauge réduite et mesures de distanciation, la pièce arrive enfin à sa forme souhaitée avec cette nouvelle série de représentation à l’Agora de la danse. Sur scène, Louise Bédard et Félix-Antoine Boutin dessinent une mise en abyme autour de l’acte créateur, en équilibre sur la frontière qui sépare la réalité de la représentation, foulant les territoires mixtes du théâtre et de la danse. Une proposition qui floute les perceptions et joue avec le spectateur, à voir ou à revoir, du 31 janvier au 3 février.

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Iris Gagnon-Paradis, La Presse