Au moment où l’Impérial est menacé de fermeture, notre journaliste part sur les traces d’anciens cinémas. Aujourd’hui, l’histoire bien vivante du Théâtre Denise-Pelletier, anciennement le Granada.

« Le plus que nous permettaient mes parents était d’aller au cinéma, donc, on y allait beaucoup ! », raconte Rolande Provençal.

Mme Provençal est née en 1942 dans ce qu’on appelait le quartier Maisonneuve. Elle garde de précieux souvenirs de ses sorties au cinéma à l’âge de 15 ans avec l’homme qui allait devenir son mari.

« À pied de ma demeure, il y avait cinq cinémas, raconte la femme aujourd’hui âgée de 81 ans. Le Maisonneuve, l’Orléans, le Nelson, le Mercier et le Granada. »

Tous les dimanches, Mme Provençal et son amoureux Gilles fréquentaient le cinéma Mercier. Pour 99 sous, ils pouvaient voir plusieurs films et un vaudeville avec des vedettes comme La Poune, Manda Parent et Claude Blanchard. « Ensuite, mon copain venait me reconduire et des fois, mes parents l’invitaient pour souper. De beaux souvenirs ! »

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Le Théâtre Denise-Pelletier dans l’ancien Granada en 1976

La salle du Cinéma Mercier n’existe plus depuis longtemps sur la rue Sainte-Catherine Est, mais celle du Granada attire toujours les foules quelques coins de rue plus loin. Or, les acteurs se produisent désormais en chair et en os devant le public.

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La fastueuse salle du Théâtre Denise-Pelletier en montage pour la pièce L’éveil du printemps

Le Granada a fermé dans les années 1970 pour ensuite devenir le Théâtre Denise-Pelletier. Comme le Rialto et le Théâtre Outremont, il fait partie des anciens cinémas de type « palace » qui ont toujours une vocation artistique.

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Stéphanie Laurin (à droite) a succédé à Rémi Brousseau à la direction générale du Théâtre Denise-Pelletier.

« Le Théâtre Denise-Pelletier souligne son 60e anniversaire cette année », rappelle son directeur de 1995 à 2022, Rémi Brousseau. Une salle qui comptait pas moins de 1650 places à l’époque du Granada, et dont l’architecte Emmanuel Doucet a signé les plans.

Emmanuel Briffa : encore !

Comme d’autres anciens cinémas (l’Empress, le Château, le Théâtre Snowdon), le Théâtre Denise-Pelletier doit son somptueux décor intérieur à Emmanuel Briffa.

Comme le Théâtre Granada de Sherbrooke (qui existe toujours en tant que salle de spectacle !), l’ancien Granada de la rue Sainte-Catherine recréait l’ambiance d’une cour espagnole avec des blasons, de faux balcons, des feuilles dorées, etc.

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La touche d’Emmanuel Briffa

« Gilles Pelletier a été le défenseur d’Emmanuel Briffa. Il le connaissait. Il a dit aux architectes : tout ce qu’on peut conserver, on va le faire », raconte Rémi Brousseau.

Quand la Nouvelle Compagnie théâtrale, fondée par Gilles Pelletier, Françoise Graton et Georges Groulx, a acquis l’ancien Granada en 1976, d’importants travaux ont été entrepris. Le balcon a été retiré, les régies, ajoutées, et la scène, agrandie, de sorte que la salle soit ramenée à 900 places. On a aussi fait construire l’annexe pouvant accueillir une salle de répétition, un espace pour le dégagement de scène, mais surtout la salle Fred-Barry.

« C’est la première boîte noire à Montréal, soit une salle modulable à géométrie variable », souligne Stéphanie Laurin, qui a succédé en 2022 à Rémi Brousseau à la direction générale du Théâtre Denise-Pelletier.

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La salle Fred-Barry

À l’époque du Granada, les gens entraient dans la salle au rez-de-chaussée par ce qu’on appelait le vomitoire – où se trouve aujourd’hui le bar. Maintenant, on accède à son siège à l’étage (côté cour ou côté jardin), dans ce qu’on surnomme « le pénitent », puisque c’est là qu’allaient les trouble-fêtes et les retardataires avant de trouver leur place. C’est aussi là que se trouvait l’ancienne cabine de projection dotée d’une ouverture au plafond pour évacuer la fumée toxique émanant des projecteurs.

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L’un des trois vitraux d’origine du « pénitent » a été retrouvé dans le costumier et restauré par un maître verrier lors des travaux de 2008.

En 2008, d’autres importants travaux de rénovation ont modernisé les installations du Théâtre Denise-Pelletier, en plus de surélever le parterre de la salle principale et de retrancher une centaine de places. La firme d’architecture Saia Barbarese Topouzanov avait le mandat de préserver l’héritage patrimonial des lieux, ce qui lui a valu le Prix du jury au gala de l’Ordre des architectes dans la catégorie Conservation et restauration.

  • Le foyer du Théâtre Denise-Pelletier est d’origine. À l’époque du Granada, on retrouvait un powder room, soit une salle de maquillage destinée aux femmes, et un smoking room (fumoir), réservé aux hommes.

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    Le foyer du Théâtre Denise-Pelletier est d’origine. À l’époque du Granada, on retrouvait un powder room, soit une salle de maquillage destinée aux femmes, et un smoking room (fumoir), réservé aux hommes.

  • Des foyers permettaient véritablement aux gens de se réchauffer.

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    Des foyers permettaient véritablement aux gens de se réchauffer.

  • Cette fenêtre reproduit l’angle qu’avait l’ancienne rangée de sièges du balcon.

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    Cette fenêtre reproduit l’angle qu’avait l’ancienne rangée de sièges du balcon.

  • Rémi Brousseau montre la pente d’origine de la salle de cinéma. Dans une perspective théâtrale, il fallait l’accentuer.

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    Rémi Brousseau montre la pente d’origine de la salle de cinéma. Dans une perspective théâtrale, il fallait l’accentuer.

  • À l’arrière-scène, les rideaux noirs marquent l’ouverture de l’ancien cadre de scène du cinéma. Lors des travaux d’agrandissement, le cadre a été avancé.

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    À l’arrière-scène, les rideaux noirs marquent l’ouverture de l’ancien cadre de scène du cinéma. Lors des travaux d’agrandissement, le cadre a été avancé.

  • Dans ce qu’on appelle les trappes, sous le plancher entièrement ouvrable de la scène, on peut voir la structure en béton armé fort solide de l’édifice.

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    Dans ce qu’on appelle les trappes, sous le plancher entièrement ouvrable de la scène, on peut voir la structure en béton armé fort solide de l’édifice.

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Perpétuer l’histoire

En mettant en valeur l’histoire du 4353, rue Sainte-Catherine Est, le Théâtre Denise-Pelletier joue un rôle de « gardien », mais aussi de « passeur » auprès de son jeune public. On vous invite par ailleurs à visionner la vidéo qui permet une visite virtuelle de chaque pièce, dont l’impressionnant costumier.

Voyez la visite virtuelle du Théâtre Denise-Pelletier

Comme l’était le Granada, le Théâtre Denise-Pelletier est un lieu de beauté, de rêve et de liberté pour les gens de l’est de Montréal, souligne Stéphanie Laurin. « Nous sommes l’un des théâtres les plus accessibles du point de vue des tarifs », ajoute-t-elle en citant l’initiative TDP, votre théâtre de quartier, qui permet à des gens de s’initier gratuitement au théâtre et de prendre part à une marche historique dans le quartier.

Conclusion ? Il n’y a peut-être plus cinq cinémas dans l’ancien quartier Maisonneuve, comme nous le racontait Mme Provençal, mais la mémoire du Granada demeure « vivante et accessible ».

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