Deux fois par mois, La Presse présente les actualités dans le monde du théâtre, du cirque et de la danse, à Montréal et à Québec.

Christian Lapointe aime les défis au théâtre. Les spectacles marathons et casse-cou, les œuvres éclatées, les auteurs inclassables, les univers symbolistes… Tout cela motive le metteur en scène et sa compagnie de Québec, Carte blanche, qui a un automne montréalais chargé.

Le mois prochain, Christian Lapointe s’attaque à Parents et amis sont invités à y assister d’Hervé Bouchard, un auteur important, couronné de prix, mais dont les pièces sont réputées impossibles à produire. Depuis près de 20 ans ! « Hervé Bouchard est le plus grand défi, en matière de répertoire contemporain, lancé au milieu du théâtre québécois », a d’ailleurs écrit Paul Lefebvre dans la revue Liberté.

Un matériau dramatique idéal pour Lapointe ! Ce dernier a réduit le texte de 280 pages à 65 pages. En gardant les principaux personnages de cette vaste fresque familiale, à la fois déroutante et proche de nous. À mi-chemin entre le récit, le poème, le roman et le théâtre, « cette œuvre démesurée met en scène une parole très riche », selon Lapointe.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

L’auteur Hervé Bouchard, lors de la remise des prix littéraires du Gouverneur général en 2009

La pièce de Bouchard raconte la disparition d’un monde, pour en inaugurer un nouveau, à travers une histoire de deuil autour d’une veuve « manchée », une mère sans bras, coincée dans « une robe en bois », avec ses quatre enfants désormais orphelins de père. On retrouve dans la distribution Lise Castonguay, Ève Pressault, Sylvio Arriola, Gabriel Szabo, et une nouvelle venue, Tiffany Montambault.

Parents et amis… invite donc le public à assister à une cérémonie débordante, dans une langue polyphonique, tissée de monologues puissants entrecroisés de dialogues à la Beckett

C’est une œuvre novatrice et démesurée qui, en racontant la disparition d’un monde, en inaugure un nouveau.

Christian Lapointe, metteur en scène, au sujet de Parents et amis sont invités à y assister

« On est à la fois dans l’onirisme, le jeu de masques et les mécanismes de la fabrique du théâtre », résume le metteur en scène, heureux de pouvoir enfin porter à la scène (il y pense depuis… 2007 !) l’univers iconoclaste et tragi-comique de l’auteur du Saguenay.

Du côté de chez Crimp

En plus de la création au Quat’Sous, Lapointe présente à l’Usine C, dans le cadre du Festival international de la littérature (FIL), Pas une de ces personnes. La quatrième pièce de Martin Crimp qu’il monte est à l’affiche seulement jusqu’au 30 septembre.

Crimp est un auteur britannique assez familier en nos terres : « Je dirais que c’est l’auteur étranger le plus joué au Québec, abonde Lapointe. Toutes nationalités confondues. Il a un humour un peu acide qui se déploie bien dans notre langue. »

Grâce à l’intelligence artificielle, Crimp fait parler dans sa pièce 300 figures fictionnelles sorties de son imagination. « Un genre de vox pop d’un questionnaire qu’un auteur aurait pu poser. C’est un jeu de masques “digital”. Puis Crimp, qui n’est pas un acteur, s’est prêté au jeu », dit Lapointe, qui remplacera l’auteur pour jouer en français.

Pas une de ces personnes aborde aussi la légitimité de la fiction. Crimp a été frappé « par l’anxiété » des jeunes dramaturges d’aujourd’hui à propos de ce qu’ils sont « autorisés » à écrire. « En tant que dramaturge – dont le travail consiste à créer des conflits entre des humains inventés, aux caractéristiques et aux biographies diverses, et de points de vue opposés, mais tout aussi valables –, je me disais que leur anxiété n’était pas fondée ; mais plus j’y pensais, plus je sentais que ma réponse à leur question n’était pas adéquate », écrit Crimp dans une note de production.

« Pour moi, l’enjeu derrière l’appropriation culturelle est un problème de justice distributive », avance Lapointe, bien conscient que la question est délicate et complexe. « Lorsque la France fait un film sur Céline Dion, il n’y a pas de problème. Si un créateur met de la musique bavaroise dans une pièce, il n’y a pas de problème. Les Québécois, les Bavarois ont eu (et ont encore) les moyens de raconter leurs histoires. Mais les Autochtones au Canada, par exemple, n’ont jamais vraiment reçu des millions de dollars pour raconter partout leurs histoires. Si la culture à laquelle tu puises n’a pas pu jouir des moyens et de la visibilité dont jouit ta propre culture, tu as un problème de justice distributive. »

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Aussi à l’affiche

Les arcanes

PHOTO MATHIEU PREZELIN, FOURNIE PAR LE PROSPERO

Étienne Pilon est seul en scène dans la pièce Les arcanes.

Figure marquante de la danse québécoise, le chorégraphe Paul-André Fortier signe avec Les arcanes sa toute première mise en scène théâtrale. Il dirige ici l’acteur Étienne Pilon, seul en scène pour incarner Fred, un programmeur informatique hanté par des bribes de souvenirs. La pièce, au croisement de la danse et du théâtre, se veut une réflexion sur la transmission et les empreintes laissées sur la mémoire. Le texte de Tristan Malavoy navigue de son côté entre plusieurs temporalités, multipliant les allers-retours entre le passé et le présent.

Dans la salle intime du Prospero, du 26 septembre au 14 octobre

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Équinoxe

PHOTO VALÉRIE REMISE, FOURNIE PAR LE CTD’A

Les interprètes d’Équinoxe, captés lors d’une répétition

Après avoir présenté plusieurs spectacles dans les espaces publics de Montréal, le créateur Hugo Fréjabise débarque sur une scène institutionnelle, en l’occurrence celle de la salle Jean-Claude-Germain du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui. La pièce Équinoxe, qu’il a écrite et mise en scène, s’attarde aux questionnements d’une troupe de théâtre rassemblée dans un chalet. Ensemble, les acteurs s’interrogent sur le sens du théâtre, son apport dans la société et sur la façon dont l’art se pratique selon que le pays soit en guerre ou en paix.

Au Théâtre d’Aujourd’hui, du 25 septembre au 14 octobre

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Koulounisation

PHOTO MARIE-VALENTINE GILLARD, FOURNIE PAR LE PROSPERO

Salim Djaferi, l’un des artistes à suivre de la scène théâtrale belge, s’amène à Montréal avec Koulounisation.

La pièce Koulounisation a tourné dans plusieurs villes d’Europe et fait un passage remarqué au festival OFF Avignon en 2022. Elle arrive dans la salle principale du Prospero en grande première nord-américaine. Le texte signé par l’auteur, acteur et metteur en scène belge Salim Djaferi aborde l’épineuse question de la colonisation française en Algérie, avec une approche tel un trait d’union entre le théâtre documentaire et les arts visuels.

Au Prospero, du 26 septembre au 7 octobre

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Battements

PHOTO JÉRÉMIE BATTAGLIA, FOURNIE PAR ESPACE LIBRE

Espace Libre a donné carte blanche à deux créatrices pour la conception du spectacle évènement Battements.

Le nouveau directeur d’Espace Libre, Félix-Antoine Boutin, a donné carte blanche à Evelyne de la Chenelière et Morena Prats pour la création de deux spectacles regroupés sous le titre Battements. Vois mes yeux, où Evelyne de la Chenelière conjugue son talent à celui du musicien Vincent Legault, est présenté du 26 au 30 septembre. Suivra, du 3 au 7 octobre, cet intervalle, pièce imaginée par Morena Prats et rassemblant huit interprètes. Deux propositions poétiques, installées dans cet espace intangible qui existe entre chacun de nous.

À Espace Libre

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L’Inframonde

PHOTO FOURNIE PAR LE THÉÂTRE DENISE-PELLETIER

Igor Ovadis fait partie de la distribution de L’inframonde.

Le thriller dystopique L’inframonde est de retour à la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier après un premier passage en 2020. Mélangeant drame et science-fiction, ce texte de l’Américaine Jennifer Haley, traduit par Étienne Lepage, explore l’impact des technologies sur notre société. Campée dans un avenir imminent, la pièce mise en scène par Catherine Vidal rassemble cinq interprètes, dont Rose-Anne Déry et Igor Ovadis.

Au Théâtre Denise-Pelletier, du 3 au 21 octobre

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