Le film sorti en 1970 est devenu un classique, notamment en raison de son côté coquin. Voilà qu’une relecture signée Catherine Léger arrive sur les planches de La Licorne pour apporter un éclairage nouveau sur un sujet qui ne se démode pas : l’émancipation sexuelle des femmes.

Au cinéma comme au théâtre, Deux femmes en or raconte l’histoire de deux voisines dont la vie de couple bat de l’aile. Leurs maris étant loin, ou distants, elles cherchent à retrouver le désir sexuel perdu en couchant avec les hommes qui passent chez elles.

« Le film avait un certain voyeurisme que nous ne reproduisons pas dans la pièce, prévient Catherine Léger. Notre objectif n’est pas de titiller ! J’ai voulu garder vivant l’esprit très libre de l’œuvre originale, dont le propos reste profondément féministe pour moi, puisqu’il traite de la liberté sexuelle des femmes. C’était inédit à l’époque. Et ce l’est encore aujourd’hui. »

Sophie Desmarais et Isabelle Brouillette incarnent Violette et Florence, ces deux voisines coincées dans des vies trop étriquées pour elles. La première est en congé de maternité ; la seconde est en arrêt de travail après ce qu’on imagine être une dépression.

« Catherine Léger a gardé les personnages archétypaux du film pour en faire un duo comique féminin, explique Isabelle Brouillette. Il y a la leader qui va entraîner sa voisine plus naïve dans son sillage. » En séduisant tous ceux (voire celles) qui passent le seuil de leur porte, Violette et Florence sont en quête de plaisir, certes, mais elles cherchent aussi à faire éclater les carcans dans lesquels la société les a placées.

Car si les époques ont changé, les carcans, eux, continuent d’exister, estime Catherine Léger. « Il y a une grande rigidité qui reste autour de ce qui est attendu des femmes. Cette rigidité est différente des années 1970, où on tenait pour acquis que les femmes n’avaient aucune ambition quant à leur carrière, mais elle n’a pas disparu. Je pense aux mères, qui peuvent ou ne peuvent pas faire ceci ou cela. Tu dois réussir tes enfants, leur faire des lunchs santé, ne pas briser ta famille… Il y a une pression de pureté qui est très intense. »

Une pruderie certaine plane aussi autour de la question de la sexualité féminine, dit la dramaturge.

Même en 2023, il est rare en fiction que la sexualité féminine soit abordée sous un angle positif. Souvent, il est question de grossesses non désirées ou d’agressions. La sexualité des femmes, on ne fait pas de blagues avec ça !

Catherine Léger

Or, la dramaturge (à qui on doit notamment la pièce devenue film Baby-sitter et le film Charlotte a du fun) signe ici une franche comédie, doublée d’une critique sociale légère, mais bien assumée. « Selon moi, la comédie permet d’aller plus loin dans la critique de la rigidité ambiante. Oui, je veux déstabiliser et provoquer, mais je veux aussi que les spectateurs passent un bon moment. »

Rire de l’éveil du désir

Pour Isabelle Brouillette et Sophie Desmarais, la mécanique comique de la pièce représente un des grands bonheurs qu’elles ont à porter sur scène Deux femmes en or. « Je suis un public difficile pour l’humour et j’ai beaucoup ri en lisant le texte, lance Sophie Desmarais. Il y a une grande rigueur de la part de l’autrice pour les punchs, le rythme, le jeu. C’est une vraie partie de tennis qui se joue entre nos deux personnages. »

« C’est très sportif, renchérit Isabelle Brouillette. Surtout que la partie de tennis se joue aussi entre la scène et la salle. »

Cette dernière renoue pour la troisième fois avec l’univers particulier de Catherine Léger. Elle a notamment joué plus de 100 représentations de la pièce Baby-sitter. « Catherine est plus drôle et plus intelligente que la plupart des êtres humains ! C’est extraordinaire de retrouver son écriture. Elle campe toujours les femmes dans un état galvanisant. Ses personnages féminins sont à la recherche de liberté, elles font des pieds de nez à la société, elles veulent casser les structures. Surtout, elles ne veulent pas faire ce qu’on attend d’elles. »

Outre les deux comédiennes, Mathieu Quesnel, Steve Laplante et Charlotte Aubin font partie de la distribution de la pièce mise en scène par Philippe Lambert.

Deux fois, la pandémie a forcé le report de la pièce, qui va enfin pouvoir éclore après de longs mois d’attente. « Le timing est extraordinaire, estime Isabelle Brouillette. La pièce parle d’éveil, de printemps, d’appétit qui revient. Elle crie : reviens en nous, désir ! »

À noter : le tournage de l’adaptation cinématographique du scénario de Catherine Léger doit s’amorcer à l’automne. La distribution n’a pas encore été dévoilée. La sortie du film est prévue en 2024.

Deux femmes en or est présentée à La Licorne du 18 avril au 15 mai et des supplémentaires devraient être annoncées sous peu.

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