(Paris) Les vedettes américaines en majesté, une place record aux réalisatrices en compétition : le 76e Festival de Cannes a annoncé jeudi sa sélection officielle, à cinq semaines de la course à la Palme d’Or.

Dix-neuf films sont en lice pour succéder à Sans filtre, sacré l’an dernier et dont le réalisateur, le Suédois Ruben Östlund préside cette année le jury.

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Le festival aura un parfum d’Hollywood : Julianne Moore et Natalie Portman monteront les marches pour le nouveau film de Todd Haynes (Carol, Dark Waters), en compétition, où l’on attend aussi une galaxie de vedettes emmenée par Wes Anderson pour son Asteroid City avec Scarlett Johansson, Adrien Brody et Margot Robbie.

Hors compétition, Johnny Depp assurera le spectacle dès l’ouverture le 16 mai avec Jeanne Du Barry de la Française Maïwenn, qui marque son grand retour à l’écran après le feuilleton judiciaire qui l’a opposé à son ex-épouse Amber Heard.

Sa fille, Lily-Rose Depp, devrait aussi monter les marches, aux côtés de la popstar The Weeknd pour The Idol, un projet entre film et série signé du créateur d’Euphoria.

Ces vedettes s’ajoutent à celles dont la venue a d’ores et déjà été annoncée, à commencer par Harrison Ford, pour le cinquième Indiana Jones qui promet, comme Top Gun : Maverick l’an dernier, de créer l’évènement. Ethan Hawke et Pedro Pascal, vedette de la série The Last of Us, seront aussi de la partie, pour un court métrage signé Pedro Almodovar.

Cette présence américaine prouve que Cannes, dont la nouvelle présidente Iris Knobloch vient de Warner, ne compte pas laisser à la Mostra de Venise le rôle de rampe de lancement pour Hollywood.

Reste à convaincre Martin Scorsese, Palme d’or en 1976 avec Taxi Driver de se frotter à nouveau à la compétition. Son dernier film, Killers of the Flower Moon, avec Leonardo DiCaprio et Robert De Niro, prévu hors compétition, pourrait encore rejoindre en dernière minute la course à la Palme d’Or. « La demande en a été faite », a précisé le délégué général du Festival de Cannes, Thierry Frémaux ; charge aux producteurs, Apple TV et Paramount, de se décider.

D’une manière générale, Cannes « est un extraordinaire tremplin pour le cinéma » et prouve que « rien ne peut remplacer l’évènement que représente une sortie en salles », a déclaré Mme Knobloch, qui prend la suite de Pierre Lescure.

Plus de parité

Cette dernière est la première femme à présider le festival, qui envoie cette année le signal qu’il compte avancer un peu plus sur le long chemin de la parité.

Thierry Frémaux a souligné le « nombre jamais atteint » de réalisatrices qui concourent pour la Palme d’Or, remporté seulement deux fois par des femmes : elles seront six sur les rangs, contre cinq l’an dernier.

Parmi elles, la présence d’Alice Rohrwacher témoigne de la vitalité retrouvée du cinéma italien, qui place trois cinéastes en compétition, avec Marco Bellochio et Nanni Moretti. La compétition voit également le retour au cinéma de la sulfureuse Catherine Breillat, dix ans après son dernier film Abus de faiblesse et de graves problèmes de santé.

« C’est encourageant de voir qu’il y a des progrès, mais on adorerait arriver un jour à la parité », a réagi auprès de l’AFP le collectif 50/50, en pointe sur les questions d’égalité.

L’arrivée en compétition d’un premier film, réalisé par une cinéaste sénégalaise, Ramata-Toulaye Sy, ou de la Tunisienne Kaouther Ben Hania, signe aussi une volonté d’accorder une place plus importante au cinéma africain.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Le réalisateur Wim Wenders

Les grands noms du cinéma, habitués de la Croisette, ne sont pas oubliés : le Japonais Hirokazu Kore-eda, l’Allemand Wim Wenders, avec deux films dont l’un en compétition, le vétéran britannique Ken Loach aux deux Palmes d’Or, ou encore le Japonais Takeshi Kitano, pour une « comédie de samouraï historique » hors compétition.

Le festival sera aussi marqué par le retour, après la crise sanitaire, de films iraniens et chinois, dont deux films du documentariste Wang Bing, et l’arrivée pour la première fois en sélection officielle de la Mongolie.

Les 19 films en compétition

  • Club Zero de Jessica Hausner Remarquée en 2019 avec Little Joe, qui avait valu un prix d’interprétation à son actrice Emily Beecham, la cinéaste autrichienne se penche sur la jeunesse avec Club Zero. Mia Wasikowska y incarne une enseignante dans une école préparatoire huppée, qui noue des liens très forts avec cinq de ses élèves.
  • The Zone of Interest de Jonathan Glazer
    Basé sur un livre du Britannique Martin Amis, le réalisateur d’Under the Skin fait son entrée en compétition avec une histoire située à Auschwitz. Celle d’un officier nazi qui s’est épris de la femme du commandant du camp d’extermination.
  • Les feuilles mortes d’Aki Kaurismaki
    Le cinéaste finlandais de L’homme sans passé (Grand Prix en 2002 à Cannes), De l’autre côté de l’espoir ou Le havre, maître de la mélancolie, revient pour son 19e film avec deux acteurs finlandais, Jussi Vatanen et Alma Pöysti.
  • Les filles d’Olfa de Kaouther Ben Hania
    La réalisatrice tunisienne fera son entrée en compétition avec un film « à la lisière de l’essai » selon le délégué général du Festival, Thierry Frémaux. En 2017, son film La bête et la meute, sur les violences faites aux femmes, avait été présenté dans la catégorie Un certain regard.
  • Asteroid City de Wes Anderson
    Deux ans après The French Dispatch et sa brochette de vedettes qui avait illuminé le tapis rouge, le réalisateur américain réunit Adrien Brody, Jason Schwartzman, Tilda Swinton ou encore Margot Robbie et Tom Hanks dans une ville fictive américaine qui rassemble parents et étudiants pour des compétitions savantes.
  • Anatomie d’une chute de Justine Triet
    Après Sibyl en 2019, la Française Justine Triet est de retour en compétition. Son quatrième long métrage raconte l’histoire une femme accusée du meurtre de son mari, avec dans le rôle-titre l’Allemande Sandra Hüller qui avait conquis la Croisette en 2016 avec Toni Erdmann.
  • Monster d’Hirokazu Kore-eda
    Retour au Japon pour le cinéaste, Palme d’or en 2018 avec Une affaire de famille, après des échappées en France et en Corée (Les bonnes étoiles, en compétition l’an dernier).
  • ll Sol dell’avvenire de Nanni Moretti
    Tourné aux studios Cinecitta à Rome, le nouvel opus de l’Italien, après Tre piani, promet de parler de « cinéma, de cirque et des années 50 ». Avec son actrice fétiche Margherita Buy et le Français Mathieu Amalric.
  • La Chimera d’Alice Rohrwacher
    L’Italienne, habituée de la compétition, revient avec La Chimera qui met en scène un Josh O’Connor presque méconnaissable dans le rôle d’un jeune archéologue mêlé à un groupe de pilleurs de tombes dans l’Italie des années 80.
  • Les herbes sèches de Nuri Bilge Ceylan
    Le cinéaste turc, Palme d’or en 2014 avec Winter Sleep, revient sur la Croisette avec un drame se déroulant en Anatolie au centre duquel un professeur est confronté à des accusations de harcèlement.
  • L’été dernier de Catherine Breillat
    Dix ans après son dernier film Abus de faiblesse, et de graves problèmes de santé, la sulfureuse réalisatrice se penche sur une mère de famille dont la vie bascule suite à une liaison avec son beau-fils.
  • La passion de Dodin Bouffant de Tran Anh Hung
    Français d’origine vietnamienne qui avait signé L’odeur de la papaye verte dans les années 90, Tran Anh Hung adapte un roman consacré à la gastronomie, avec Juliette Binoche et Benoit Magimel.
  • Rapito de Marco Bellocchio
    L’année de la Palme d’or pour le géant italien ? Palme d’honneur d’honneur en 2021, le réalisateur du Traître n’a encore jamais reçu la distinction suprême malgré des films régulièrement sélectionnés en compétition. À 83 ans, Rapito revient sur l’histoire vraie d’Edgardo Mortora, un enfant juif de 6 ans kidnappé par l’Église catholique et converti de force au XIXe siècle.
  • May/December de Todd Haynes
    L’Américain renoue avec une de ses actrices fétiches, Julianne Moore (Loin du paradis), et enrôle Natalie Portman pour un drame autour d’un couple ayant une importante différente d’âge.
  • Firebrand de Karim Aïnouz
    Le réalisateur brésilien de La vie invisible d’Eurídice Gusmão, pour lequel il avait remporté le prix Un certain regard en 2019 est de retour à Cannes, après Marin des montagnes, film à la lisière du documentaire sur sa découverte de l’Algérie (pays de son père), qu’il avait présenté à Cannes en 2021.
  • The Old oak de Ken Loach
    « Tu es sûr ? », a demandé le vétéran britannique (86 ans) en apprenant sa nouvelle entrée en compétition pour un drame social et réaliste, son genre de prédilection. Tourné dans le nord-est de l’Angleterre, le film raconte la rencontre d’un propriétaire de pub et d’une réfugiée syrienne.
  • Banel et Adama de Ramata-Toulaye Sy
    Jeune réalisatrice sénégalaise, Ramata-Toulaye Sy fait son entrée directement en compétition avec ce premier film.
  • Perfect days de Win Wenders
    Également présent hors compétition avec un documentaire sur le plasticien Anselm Kiefer, Win Wenders (Les ailes du désir », Paris, Texas, Buena Vista Social Club) promet de surprendre avec un film sur « l’idéal des toilettes publiques japonaises ».
  • Jeunesse de Wang Bing
    Le grand documentariste chinois, habitué des films-fleuve sur les laissés-pour-compte de son pays, est doublement présent à Cannes en sélection (compétition et séance spéciale avec Man in black).

Comme chaque année, quelques films pourraient encore s’inviter dans la sélection d’ici le début des festivités. La composition du jury, dont on ne connaît pour l’instant que le président, doit encore être dévoilée, ainsi que l’affiche de cette 76e édition.