Simple comme Sylvain, troisième long métrage de Monia Chokri à titre de réalisatrice, sera lancé le mois prochain à Un certain regard, une section officielle du Festival de Cannes. Quatre ans après avoir obtenu un prix coup de cœur grâce à La femme de mon frère, la cinéaste québécoise sera de retour sur la Croisette pour présenter sa nouvelle offrande.

Monia Chokri, à qui l’on doit aussi Babysitter, porte cette fois à l’écran un scénario original qu’elle signe seule. « C’est une comédie chokrienne québécoise », a d’ailleurs indiqué le délégué général Thierry Frémaux au moment de l’annonce de la sélection officielle, jeudi.

« Ce n’est pas précisément une comédie, a nuancé la cinéaste, jointe quelques heures après l’annonce de sa sélection. Je garde mon style d’écriture, mais il y a quand même quelque chose de plus mélancolique, en tout cas, moins caustique. C’est plus mature peut-être. Cela dit, ça me fait très plaisir qu’on me donne un adjectif pour parler de mon cinéma ! »

PHOTO FRED GERVAIS, FOURNIE PAR IMMINA FILMS

Magalie Lépine-Blondeau et Pierre-Yves Cardinal sont les têtes d’affiche de Simple comme Sylvain, un film de Monia Chokri.

Aucun élément déclencheur particulier n’a été à la source de Simple comme Sylvain, sinon l’envie d’une rencontre entre deux mondes différents, à travers une histoire d’amour. Mettant en vedette Magalie Lépine-Blondeau et Pierre-Yves Cardinal, le long métrage relate le parcours sentimental d’une professeure de philosophie âgée de 40 ans, qui vit tranquillement depuis 10 ans en couple avec un professeur de sciences politiques, malgré une vie sexuelle en veilleuse dont ils ne se plaignent ni l’un ni l’autre. La vie de cette femme bascule pourtant le jour où elle rencontre Sylvain, un entrepreneur des Laurentides aux antipodes de son mode de vie, auprès de qui elle vivra une passion brûlante. Francis-William Rhéaume, Steve Laplante, Marie-Ginette Guay, Micheline Lanctôt et Christine Beaulieu font également partie de l’imposante distribution.

« J’ai voulu voir comment ça se passe quand deux êtres venant de milieux qui n’ont rien à voir l’un avec l’autre s’aiment soudainement de manière démesurée. »

Ils n’ont pas le monde contre eux comme dans Roméo et Juliette, mais ce sont des gens issus de classes sociales qui ne se côtoient jamais. Ce fut là mon point de départ.

Monia Chokri, réalisatrice

Cannes avec Magalie

Sur Instagram, Monia Chokri a écrit qu’elle était ravie de vivre cette fois l’aventure cannoise avec Magalie Lépine-Blondeau, vedette de son film et aussi sa plus grande amie. « J’ai pensé à Magalie très rapidement à l’écriture, ajoute-t-elle, mais j’ai quand même eu des appréhensions avant de lui offrir le rôle. Je craignais un peu que le travail vienne corrompre notre amitié. Or, l’inverse s’est produit. Nous nous comprenions tellement bien que nous n’avions pas besoin de nous parler beaucoup. Et Magalie est une très grande actrice à la base. »

Ayant déjà monté les marches du Palais à titre d’actrice et de cinéaste, mais aussi comme membre du jury des courts métrages, Monia Chokri a-t-elle l’impression de s’habituer au Festival de Cannes ?

« Non, je ne crois pas. Il ne faut pas ! Cela dit, j’ai pu y passer une semaine l’an dernier avec le jury des courts métrages et il est certain que le festival se vit alors de façon plus sereine. On dirait que le fait d’avoir eu l’occasion de faire plusieurs tapis rouges m’a beaucoup détendue par rapport à toute la machine, en fait. Mais est-ce que je le serai au moment du jour J ? On verra bien ! »

Un menu alléchant

Précisant que d’autres films seront ajoutés à la sélection d’ici la soirée d’ouverture, le 16 mai, Thierry Frémaux, accompagné d’Iris Knobloch (première femme à occuper la fonction de présidente du Festival), a par ailleurs dévoilé jeudi les titres des 52 longs métrages retenus jusqu’à maintenant dans sa sélection, dont 19 sont en lice pour la Palme d’or.

Jeanne du Barry, de Maïwenn (avec Johnny Depp dans son premier rôle en français), aura l’honneur de lancer, hors compétition, le bal cannois. Parmi les 19 longs métrages retenus dans la course au plus prestigieux laurier du cinéma mondial, 6 sortent de l’imagination de réalisatrices. L’Autrichienne Jessica Hausner (Club Zero avec Mia Wasikowska), les Françaises Justine Triet (Anatomie d’une chute avec Sandra Hüller et Swann Arlaud) et Catherine Breillat (L’été dernier avec Léa Drucker et Olivier Rabourdin), l’Italienne Alice Rohrwacher (La chimera avec Isabella Rossellini et Josh O’Connor), la Sénégalaise Ramata-Toulaye Sy (Banel e Adama est son premier film) et la Tunisienne Kaouther Ben Hania (Les filles d’Olfa est un docudrame) tenteront en effet de succéder à Jane Campion (The Piano en 1993) et à Julia Ducournau (Titane en 2021), jusqu’ici les deux seules réalisatrices à avoir obtenu le suprême honneur.

Cinq anciens lauréats font aussi partie de la compétition. Le Japonais Hirokazu Kore-eda (Une affaire de famille, lauréat en 2018) est de retour avec Monster, l’Italien Nanni Moretti (Palme d’or en 2001 avec La chambre du fils) proposera Il sol dell’avvenire (Mathieu Amalric y donne la réplique au cinéaste), le Turc Nuri Bilge Ceylan (primé en 2014 grâce à Winter Sleep) lancera Les herbes sèches, l’Allemand Wim Wenders, dont le Paris, Texas avait obtenu la Palme en 1984, reprend du service avec Perfect Days (Wenders présentera aussi Le bruit du temps, Anselm Kiefer en séance spéciale), sans oublier Ken Loach avec The Old Oak. Le vétéran britannique, lauréat en 2006 grâce à The Wind that Shakes the Barley, ainsi qu’en 2016 grâce à I, Daniel Blake, pourrait marquer l’histoire en devenant le tout premier cinéaste à obtenir la Palme d’or une troisième fois.

Cette sélection « renouvelée ponctuée de grands auteurs », telle que la décrit le délégué général, propose aussi dans sa compétition les nouveaux films de pointures comme Wes Anderson (Asteroid City avec Jason Schwartzman et Scarlett Johansson), Marco Bellochio (Rapito), Todd Haynes (May December avec Natalie Portman et Julianne Moore), Aki Kaurismäki (Fallen Leaves) et Jonathan Glazer (The Zone of Interest). Elle est aussi riche de primeurs attendues, présentées hors compétition.

PHOTO FOURNIE PAR LA SOCIÉTÉ EL DESEO

Ethan Hawke et Pedro Pascal dans Strange Way of Life, un court métrage que Pedro Almodóvar lancera au Festival de Cannes.

Aux grands évènements déjà annoncés – Killers of the Flower Moon, de Martin Scorsese (que Thierry Frémaux espère toujours intégrer à la compétition), et Indiana Jones and the Dial of Destiny, de James Mangold – s’ajoutent notamment les nouvelles productions de Sam Levinson (The Idol avec Lily Rose-Depp et The Weeknd), Katell Quillévéré (Le temps d’aimer avec Anaïs Demoustier et Vincent Lacoste), Takeshi Kitano (Kubi), Steve McQueen (Occupied City, un documentaire sur Amsterdam à l’époque de la Seconde Guerre mondiale), Kleber Mendonça Filho (Portraits fantômes), sans oublier Pedro Almodóvar avec Strange Way of Life, un court métrage qu’il a tourné avec Pedro Pascal et Ethan Hawke.

Les sélections de la Quinzaine des cinéastes et de La semaine de la critique, les deux sections parallèles, seront annoncées au cours des prochains jours.

Le 76e Festival de Cannes aura lieu du 16 au 27 mai.

Consultez la liste complète des films de la sélection officielle du 76e Festival de Cannes