Une candidate républicaine au poste de secrétaire d’État du Missouri suscite la controverse après avoir brûlé au lance-flammes un livre québécois jeunesse traitant de questions liées à la sexualité. Estomaquée, l’autrice de l’ouvrage ne cache pas que de tels discours lui font « vraiment peur » pour la suite.

Dans une vidéo diffusée sur le réseau social X, Valentina Gomez affirme qu’une fois élue comme secrétaire d’État, elle compte brûler tous les ouvrages qui « endoctrinent et sexualisent nos enfants ». Elle reprend ensuite le slogan « MAGA » (Make America Great Again), popularisé par Donald Trump.

On peut voir dans la vidéo que le livre en question s’intitule Naked, traduction anglaise du livre québécois Tout nu !, publié en mars 2019 chez Cardinal. L’ouvrage, conçu comme un dictionnaire sur la sexualité, s’adresse aux jeunes et aux adolescents. Au Québec, l’œuvre a remporté le Prix du livre jeunesse des Bibliothèques de Montréal en 2020. On retrouve la traduction dans des bibliothèques et des librairies aux États-Unis.

Écrit par Myriam Daguzan Bernier et illustré par Cécile Gariépy, ce répertoire de 150 mots aborde de près ou de loin des concepts comme l’avortement, les infections transmises sexuellement (ITSS), la masturbation, la grossophobie, l’image corporelle ou encore le marketing genré.

Plusieurs autres questions comme la découverte, l’acceptation de soi et le plaisir sexuel y sont aussi abordées, rapportait une entrevue de La Presse avec l’autrice1.

« Ça me fait vraiment peur »

L’autrice Myriam Daguzan Bernier ne cache pas qu’elle est estomaquée par cette affaire. « Ça me fait vraiment peur, parce qu’il n’y a aucune intelligence derrière ça. C’est justement que de la peur. Ça ne peut pas donner de bons résultats, tout ça », a-t-elle confié. Elle dit surtout être bouleversée par le fait que les jeunes membres de la communauté LGBTQ+ « vont probablement voir cette vidéo ».

Mon livre a été écrit pour que ces jeunes-là se sentent acceptés. Ça me rend malade. Chaque geste comme celui-là est une cible de plus qu’on place sur leur dos. C’est de l’incompréhension et de la mauvaise foi.

Myriam Daguzan Bernier, autrice

Déjà, quand le bouquin avait paru, « il y avait des gens qui m’avaient traitée de pédosataniste sur les réseaux sociaux », confie-t-elle. « On savait ce que ça allait provoquer […], mais je ne me serais jamais attendue à ce que mon livre soit brûlé », ajoute la sexologue de profession.

« Tous mes collègues sont abasourdis aujourd’hui. Et surtout, tout le monde se demande jusqu’où ça va se rendre. L’arrivée de [Donald] Trump a provoqué énormément de danger pour les personnes trans et non binaires. Et on a tous des craintes, comme il a de bonnes chances d’être réélu », ajoute l’autrice.

Celui qui signe la préface de l’ouvrage, le DRéjean Thomas, avait dit espérer lors de la parution que ce dictionnaire offre « aux jeunes la possibilité de se construire, sans préjugés, dans le respect et la dignité, et de contribuer activement au développement de leur société ».

Une mention inscrite, puis retirée

De nombreux internautes n’ont pas manqué de dénoncer la situation. « Allez-y et nommez-moi une époque historique où les gens qui brûlaient des livres étaient les gentils », a illustré l’un d’eux. « Brûler des livres, c’est mal. Brûler n’importe quel livre est une erreur », a jugé un autre, suivi par d’autres.

Le réseau social X a dans un premier temps restreint la visibilité de ladite publication, en précisant que celle-ci « pourrait enfreindre les règles contre les conduites haineuses ». Cette mention a toutefois ensuite été retirée ; Mme Gomez a d’ailleurs remercié le patron de X, Elon Musk, « de protéger la liberté d’expression ».

Dans un courriel envoyé au média américain NBC mercredi, le directeur de campagne de la candidate, Maicoll Gomez, a quant à lui fait valoir qu’il faut à tout prix arrêter « de mettre dans les bibliothèques des livres sur la sexualisation, l’endoctrinement et la manipulation des enfants ». Ces derniers « doivent apprendre les mathématiques, les sciences, développer leurs compétences relationnelles, se mettre en forme, tout en protégeant leur innocence », a-t-il persisté.

Ce n’est pas la première fois que des livres brûlés attirent l’attention dans l’État du Missouri. En septembre dernier, le sénateur Bill Eigel avait déclaré après la diffusion d’une vidéo où on le voyait brûler des boîtes en carton qu’il n’hésiterait pas à brûler des livres qu’il trouve pernicieux. « Cependant, je tiens à souligner que je ne crois pas que nous en arriverons là », avait noté M. Eigel.

1. Lisez « Un dictionnaire de la sexualité “bienveillant” pour les ados »