Avec Hexa, Gabrielle Filteau-Chiba ose s’aventurer dans le roman d’anticipation, tout en continuant à approfondir les thématiques qui lui sont chères. En résulte une œuvre qui prend au cœur, à la résonnance puissante avec les troubles de notre époque.

Avec Encabanée, Sauvagines puis Bivouac – un triptyque campé dans les bois du Kamouraska –, le public a pu découvrir la plume empreinte de poésie de Gabrielle Filteau-Chiba. Ce vibrant plaidoyer est traversé d’une révolte sourde, pour un retour aux sources, pour une existence en harmonie avec la nature, pour qu’arrêtent la déforestation et l’appauvrissement du vivant. Dans Hexa, la romancière arpente de nouveaux territoires. Mais ce qu’elle a à nous dire n’a pas changé : pour sauver la planète – et nous-mêmes –, nous ne pouvons plus ignorer que l’humain s’inscrit dans plus grand que lui, qu’il fait partie de cet écosystème, qu’il pourrait en être le gardien bienveillant.

C’est beau, mais c’est aussi terrible, car dans ce monde que déploie Hexa, qui se passe quelque part dans un avenir (un peu trop) rapproché, les hommes ont clairement failli. Dans la Cité de Sainte-Foy, Thalie, 16 ans, arpente les rues enceintes du Mur ; nul ne peut en sortir sans autorisation ; les arbres ont laissé la place à des capteurs de CO; les drones surveillent les allées et venues. Au-delà de cette enceinte, c’est la dévastation, l’anarchie, le danger. Du moins, c’est ce qu’on dit.

Thalie vit avec ses parents, Gabriel et Sandrine. Cette dernière est entourée de mystère. Chaque printemps, elle part en mission : reboiser le Nord. Mais cette année sera différente : Thalie se voit offrir l’occasion de l’accompagner. Et le monde qui se révélera à elle la changera à jamais, à commencer par ces planteuses d’arbres acharnées, increvables, qui ont créé, loin de toute forme de civilisation, une véritable sororité, et un lien intime avec cette nature qu’elles mettent tout en œuvre pour faire revivre. Comme dans tous les romans de l’autrice, mais de façon sans doute encore plus assumée, la féminité se fait puissante, quasi mystique, passeuse de savoirs ancestraux, gardienne de Gaïa.

Du haut de ses 16 ans, Thalie vit aussi les émois de l’adolescence, des questionnements, des révoltes. Habilement, l’autrice change de narratrice en fin de parcours, délaissant le récit initiatique afin de dévoiler une perspective nouvelle. Alors que le suspense s’installe et que les masques tombent, se dévoilent les racines profondes qui relient tous les personnages, et leurs destinées.

Hexa

Hexa

XYZ

320 pages

8/10