La sagesse populaire affirme que si on se retrouve par mégarde prisonnier de la vase, il ne faut surtout pas bouger pour éviter de s’enfoncer davantage.

Dommage qu’Alex – la protagoniste du plus récent roman d’Emma Cline (Les filles, Daddy) – semble l’ignorer.

La jeune femme a quitté New York en catastrophe, laissant derrière elle une vie compliquée et des comptes pas réglés. Le passé d’Alex est un peu trouble : on devine qu’elle a été escorte, que l’argent lui brûle entre les mains et qu’elle souffre d’un problème de dépendance, pour ne nommer que celui-là… Ah, et elle a un jugement très discutable.

En quittant la Grosse Pomme, la jeune femme au début de la vingtaine fuit donc quelques situations problématiques qui vont toutefois la poursuivre tout au long de ses pérégrinations, ce qui ajoute une bonne dose de suspens au roman.

Alex s’imaginait passer tout l’été dans la luxueuse maison de Simon, son riche nouveau copain qui doit bien avoir une trentaine d’années de plus qu’elle. Mais chassez le naturel, il revient au galop… La jeune femme est bannie après un faux pas dans une fête huppée.

Plutôt que de prendre ses cliques et ses claques et de quitter Long Island, Alex s’accroche et décide de rester une semaine, jusqu’à la fête que doit organiser Simon pour marquer la fin de l’été. C’est ce soir-là, se convainc-t-elle en plein déni, qu’elle le reconquerra.

Telle une parasite, elle erre et réussit à s’incruster, en marge de la haute société qu’elle fréquentait grâce à Simon. Mais rien n’est facile. Et la jeune femme a un talent indéniable pour se mettre dans le trouble.

Les mauvaises décisions et les malchances se succèdent, à un point tel qu’on pousse quelques cris d’exaspération au fil des pages.

En toile de fond de la dérive d’Alex, les plages des Hamptons, les belles demeures et les clubs privés où le succès financier existe pour être montré, dépensé, exposé… Alors qu’Alex court après cet inaccessible argent, les gens qu’elle rencontre en disposent avec une telle désinvolture que ça en devient violent. Elle-même flotte dans ce paysage opulent comme une plume au gré du vent, comme si sa vie ne comptait pas, finalement.

Mine de rien, malgré le soleil qui plombe, les rayures des parasols et le cri des goélands, Emma Cline aborde des questions graves dans cet excellent roman à ajouter à votre liste de lectures d’été.

L’invitée

L’invitée

La table ronde/Quai Voltaire

320 pages

8/10