Jésus était-il écologiste ? Est-il mort puceau ? A-t-il seulement existé ? Un nouveau livre fait le point sur des controverses entourant le Christ. Deux de ses auteurs, les théologiens Anne-Marie Chapleau et Sébastien Doane de l’Université Laval, répondent à nos questions.

Pourquoi écrire ce livre ?

Anne-Marie Chapleau : C’est un livre pour permettre aux gens de délaisser une lecture trop littérale ou infantilisante, de ne pas s’empêtrer dans les questions historiques. J’utilise une approche d’analyse appelée sémiotique. On considère le texte comme un édifice dans lequel on peut entrer, qu’on peut visiter. Un peu comme les analyses de poèmes, on se demande ce que les différents aspects du texte évoquent.

Sébastien Doane : Il y a un moment, j’ai travaillé dans une école secondaire. Les ados ne s’intéressaient pas à la Bible, mais posaient quand même des questions sur des évènements drôles, curieux ou insolites de l’histoire de Jésus.

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’UNIVERSITÉ LAVAL

Sébastien Doane

Y a-t-il un débat sur l’existence de Jésus ?

SD : On a plusieurs mentions de Jésus chez des auteurs postérieurs et qui, donc, ne l’ont pas directement connu. Si on remet en question l’existence de Jésus, il faudrait aussi remettre en question celle de Socrate ou de Platon.

Pourquoi s’attarder à sa fratrie et à ses ancêtres ?

SD : Le Nouveau Testament commence avec une généalogie de Jésus qui est l’inverse d’une histoire sainte. Il y a des rois qui ont tué leurs enfants, des femmes qui font scandale. Les pères de l’Église ont expliqué que Jésus nous sauve des pécheresses. Je pense plutôt qu’il s’agit d’histoires d’espoir, qui montrent qu’on peut toujours se démerder même si on est dans des situations en apparence désespérées. Pour ce qui est des quatre frères et des sœurs de Jésus qui sont mentionnés dans la Bible, ils sont importants parce qu’ils ne deviennent pas les successeurs de Jésus. Son demi-frère Jacques se fait arbitre entre Pierre et Paul, mais Jésus veut transcender la tradition des clans. Traditionnellement, on ne parlait pas de la fratrie de Jésus pour préserver la virginité de Marie.

Et à sa sexualité ?

SD : Il n’y a rien d’historique dans sa relation avec Marie-Madeleine illustrée dans le Da Vinci Code. C’est basé sur un seul document écrit 200 ans après la mort de Jésus. Il y a peu d’hommes célibataires et chastes dans la Bible. Le célibat de Jérémie reflète le drame de l’exil à Babylone. Mais quand Jésus parle d’eunuques au Royaume des cieux, c’est positif. Ça peut signifier le choix radical de choisir la foi, ou alors la tradition de service des eunuques, qui étaient souvent des fonctionnaires, ou encore l’affection pour les marginaux.

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Anne-Marie Chapleau

Vous revisitez l’histoire de Cana, où Jésus transforme l’eau en vin à une noce…

AMC : Des histoires comme celle de Cana ont un côté merveilleux. Après le miracle de Jésus, on déplore que le bon vin ait été gardé pour la fin du repas. Le verbe grec qu’on traduit par « garder » n’existe pas en français, il signifie : « tu as gardé et tu gardes toujours ». Ça a un sens spirituel. On le trouve souvent dans l’Évangile selon Jean. Tout converge vers Jésus sur la croix. On mentionne que la noce de Cana a lieu « le troisième jour ». C’est le même nombre de jours qu’entre la crucifixion et la résurrection. Il y a six jarres de vin. Six, c’est un de moins que sept, un chiffre qui est associé à être complet.

Jésus était-il écolo ?

AMC : Les causes environnementales m’intéressent beaucoup. Mais c’est un anachronisme de poser la question. En Palestine, il n’y avait pas de parti vert. Et à différents moments, Jésus n’a pas l’air très sensible au bien-être animal et végétal. Il ne s’émeut pas du nombre phénoménal de sacrifices d’agneaux et de bœufs. Jésus envoie des milliers de porcs, où ont été déplacés les esprits de possédés, se noyer dans la mer. Et il maudit un figuier qui le lendemain est tout sec. Jésus est fâché parce que le figuier n’a pas de fruits, ce n’est pas la saison. Si on se recule un peu, on peut se demander quel symbole est derrière le figuier. Dans certains passages des Évangiles, un arbre est un perchoir, dans d’autres cas, le lien entre le ciel et la terre. Ici, le figuier devient définitivement stérile. Il faut rapprocher ce passage avec la critique de la stérilité des prêtres du Temple qui semblent effectuer une tâche spirituelle, mais finalement ne se soucient que de leurs propres intérêts. Jésus dévoile leur stérilité, comme celle du figuier.

Questions controversées sur Jésus

Questions controversées sur Jésus

Novalis

220 pages