L’écriture, chez Olivier Bodart, est née de ses tremblements de terre personnels. De ses déménagements fréquents, au cours de la dernière décennie, mais aussi de ses errances sur le continent américain qui ont finalement fait atterrir ce Parisien d’origine et artiste plasticien de formation… à Montréal.

Dans son deuxième roman, Après moi le désert, Olivier Bodart raconte son installation, après un divorce douloureux, dans le désert de Sonora, en Californie, avec l’intention de fonder une petite école de photographie avec sa nouvelle compagne. Mais celle-ci tarde à le rejoindre, son divorce traînant en longueur, et il se retrouve seul, dans les premières semaines de la pandémie, à contempler tous ses projets s’effondrer comme un château de sable.

« Tout ce qui est dit au début du roman est totalement réel », confie Olivier Bodart, rencontré dans un café montréalais.

« Quand on s’est rencontrés à Chicago, ma compagne, qui est photographe, vivait en parallèle à peu près la même histoire que moi avec son ex-mari. On s’est dit : cette ville est trop marquée par notre échec de mariage, choisissons sur la carte un endroit qui nous excite et créons un projet qui nous appartienne. »

Puis tout a été mis en suspens à cause de ce « germe » mystérieux qu’il évoque dans le roman. Ce qui survient par la suite est un mélange de réel et de fantastique. « On a eu de vrais déboires financiers, le coronavirus a vraiment eu lieu », dit-il en riant. Mais dans sa solitude, en plein désert, son alter ego romanesque se met à souffrir d’étranges hallucinations olfactives. Puis, incapable de rester confiné, il se met à rouler sur des autoroutes désertes, où de curieuses visions lui apparaissent.

Sur son chemin, alors qu’il est hanté par l’idée de se trouver un endroit où il pourrait élire domicile – du moins temporairement –, il tombe sur des villes érigées au milieu de rien : Slab City, « une espèce de camp, un peu dépotoir, de gens laissés pour compte » ; ou encore Felicity, cette communauté « complètement inventée de toutes pièces par un Français, uniquement pour deux personnes », raconte-t-il.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Olivier Bodart

Je suis fasciné par cette question : comment habiter quelque part ? Comment est-ce qu’on deal avec l’environnement, avec les autres personnes qui vivent là ? Le désert est tellement immense qu’on peut complètement inventer sa façon d’habiter. Parce que j’ai bien compris qu’habiter, ce n’est pas simplement de s’enfermer dans un espace, mais c’est aussi de laisser la porte ouverte vers l’extérieur. Et cette question, je me la pose encore ici, à Montréal.

Olivier Bodart

L’anti-rêve américain

Après cette parenthèse dans le désert et une autre à Los Angeles, Olivier Bodart et sa compagne ressentent le besoin de se réinventer. « Et ça, ce n’est plus dans le livre, mais ça a été finalement de créer notre anti-rêve américain, c’est-à-dire de se dire : ‟Ça suffit, les États-Unis, on a été trop secoués.” Et c’est surtout ma compagne – elle est canadienne – qui a dit ça : ‟Je suis fatiguée, j’ai envie de rentrer dans mon pays.” »

Ils ont donc ressorti leur carte en l’élargissant pour inclure le Canada, à la recherche d’un endroit où ils pourraient reprendre leur souffle. « On a compté nos pièces et on a regardé où était l’endroit le plus cheap pour vivre au Canada ; c’était l’Île-du-Prince-Édouard. Moi, je ne connaissais même pas ! »

Décidés, ils ont acheté une maison par l’internet, loué un camion U-Haul et pris la route. Ils ont atteint la frontière entre le Maine et le Canada 13 jours plus tard, le 10 mars 2021 – en pleine pandémie –, alors que l’entrée était interdite pour les étrangers. « Je n’étais pas sûr d’être accepté au Canada, alors on a construit un dossier épais comme ça pour expliquer qu’on était ensemble depuis deux ans », explique-t-il.

Coup de chance, il obtient l’autorisation de se rendre jusqu’à leur maison à l’Île-du-Prince-Édouard, avec interdiction de s’arrêter au Nouveau-Brunswick. « Ç’a été un moment assez magique et assez euphorique », raconte Olivier Bodart – d’autant plus que son premier roman, Zones à risques, paraissait le jour même en France.

C’est durant cette année transitoire qu’il a écrit Après moi le désert, accompagnant l’écriture d’œuvres plastiques, comme pour le précédent. Depuis son installation à Montréal avec sa compagne, l’été dernier, il s’est trouvé un emploi – il enseigne les arts plastiques au collège Jean-de-Brébeuf. « On a acheté un appartement, c’est quand même un signe qu’on va rester un certain temps. Maintenant, j’ai appris à ne jamais penser de manière définitive ; on m’a dit parfois que j’avais la bougeotte, que j’étais instable – ça, c’est pour le côté négatif. Ceux qui le voient autrement me disent que je suis aventureux, que j’aime les expériences. Mais peut-être que ma place dans ce monde, elle est dans le mouvement », dit-il, songeur.

Olivier Bodart sera à la Librairie du Square d’Outremont ce mercredi, à 17 h 30, pour le lancement de son roman ainsi qu’une exposition de ses œuvres réalisées en parallèle à l’écriture d’Après moi le désert.

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Après moi le désert

Après moi le désert

Éditions Inculte

338 pages