Dans 117 Nord, son excellent premier roman paru en 2016, Virginie Blanchette-Doucet parlait de l’Abitibi et des gens qui l’habitent. Si elle s’éloigne géographiquement beaucoup de sa région natale dans Les champs penchés, qui se déroule entre l’étendue des Prairies canadiennes et la nature sauvage de la Nouvelle-Zélande, on reconnaît le goût de l’autrice pour l’âpreté des paysages et les personnages taiseux. Bref, on ne sort pas l’Abitibi de la fille si facilement.

Dans ce livre à l’écriture poétique aussi contenue que les sentiments et les lieux explorés sont bouillonnants et grandioses, on suit plusieurs générations d’êtres qui transportent en eux douleurs et non-dits, portant un héritage dont le poids invisible les influence malgré eux.

Le récit se déploie autour de Neil, ostéopathe charismatique et colérique en couple avec la douce Judith, leur fille Alyssia, poussée vers l’autodestruction par une force mystérieuse, son fils Ivan, à la soif d’amour inassouvie, et une patiente de Neil, Leslie, qui survit à son passé et fait en quelque sorte partie de la famille depuis 15 ans. On suit chaque personnage à différents moments clés de sa vie, pas nécessairement en ordre chronologique, par fragments qui dévoilent d’autres liens, d’autres désirs, d’autres blessures.

Virginie Blanchette-Doucet tisse habilement ses histoires qui s’éclairent mutuellement et se répercutent les unes sur les autres jusqu’à la dernière page, et ne laisse dépasser aucun fil. Même si on sent parfois une distance avec les protagonistes, on finit par se laisser happer par cet ambitieux roman, étrange et vaste, qui comporte une part de mystère. Parce que leur humanité est palpable, et que même s’ils sont exacerbés, les sentiments explorés, l’instinct parental, le désir, l’amour, sont universels.

Les champs penchés

Les champs penchés

Boréal

310 pages

7/10