De Portier de nuit à Benedetta en passant par 45 Years, pour lequel elle a été nommée aux Oscars, Charlotte Rampling a joué dans plus de 100 films au cours d’une carrière qui s’étend sur plus de 55 ans. À la veille de la sortie du long métrage Juniper (Le passé retrouvé), La Presse a joint la comédienne chez elle à Paris.

Elle a le charme classique de ces Anglaises amoureuses du continent. Avec Jacqueline Bisset et Jane Birkin, Charlotte Rampling est l’actrice britannique la plus admirée des Français. Installée à Paris depuis plusieurs années, elle nous accorde une entrevue au téléphone dans la langue de Molière.

Charlotte Rampling s’est illustrée dans des séries cultes (Dexter, Broadchurch) et des superproductions hollywoodiennes, comme Dune de Denis Villeneuve. La comédienne a joué surtout des rôles de femmes fortes dans des films d’auteur audacieux. Chez Cavani (Portier de nuit), comme chez Ozon (Sous le sable) ou Ōshima (Max mon amour, qui demeure un de ses films favoris).

Dans Juniper, le premier long métrage de Matthew J. Saville, on la retrouve dans la peau de Ruth. Une grand-mère alcoolique et rivée à son fauteuil roulant, après un accident. Une femme contrariée qui, peu à peu, va se rapprocher de son petit-fils, Sam, un adolescent aux pensées suicidaires. Et tisser un solide lien d’amitié sur fond de drame et de tristesse.

PHOTO JEN RAOULT, FOURNIE PAR TVA FILMS

Charlotte Rampling dans Juniper (Le passé retrouvé)

« C’est une belle histoire, très personnelle, car liée à l’enfance du réalisateur », explique la comédienne en entrevue.

Le film nous montre bien ce rapprochement entre Ruth et Sam, deux solitudes dans une famille brisée. Malgré la différence d’âge et d’expérience de vie, ces deux êtres vont se reconnaître dans leurs blessures profondes. Et finir par s’aimer. L’amour, c’est souvent se reconnaître dans les blessures de l’autre.

Charlotte Rampling

Comment choisit-elle ses rôles ? « C’est comme un appel. À chaque nouveau rôle, c’est comme si je retrouvais une partie, une extension de moi-même dans le personnage. Je reconnais des traits de caractère qui sont les miens. Je ne crois pas pouvoir changer au point de me transformer pour un rôle ni de me perdre dans un personnage. C’est pour ça que je refuse de jouer des personnages réels. Mon jeu serait moins intéressant, une copie de la personne qui a existé. »

Pour Juniper, l’actrice a d’abord refusé la proposition du cinéaste, en partie parce qu’elle ne voulait pas tourner à l’autre bout du monde, en Nouvelle-Zélande. Mais le réalisateur s’est rendu en Europe pour la courtiser. Il lui a dit que le rôle de Ruth avait été écrit pour elle : « Depuis mes débuts, j’ai toujours travaillé avec le désir de l’autre, dit Rampling. Je n’ai jamais sollicité de metteur en scène pour faire un film. C’est formidable de sentir qu’on vous a choisi ! »

Ce sentiment, elle l’a aussi ressenti lors de sa première rencontre avec Denis Villeneuve. Le cinéaste québécois lui a confié le rôle de la révérende mère Mohiam dans les deux premières parties de Dune. « Denis [Villeneuve] réalise des blockbusters, mais sur le plateau, il travaille comme s’il faisait un petit film d’auteur. C’est un réalisateur très proche de son équipe, de ses acteurs. Pour moi, jouer dans Dune n’est pas différent de mes films précédents. C’est juste la machine autour qui est beaucoup plus grosse. »

Vieillir, la belle affaire

À l’écran, Charlotte Rampling a toujours la classe et la beauté d’une femme de caractère. Une femme qui assume son âge. L’actrice, qui a eu 77 ans en février, n’a pas envie de masquer le passage du temps : « Je ne suis pas exemplaire, mais j’essaie de montrer le chemin aux acteurs plus jeunes. Cette voie, c’est celle de la nature. Un interprète ne peut pas tricher avec l’authenticité. Ce n’est pas crédible d’interpréter une grand-mère de 70 ans si on semble avoir la moitié de cet âge à l’écran. »

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Charlotte Rampling, dans le cadre du Festival international de la littérature à la PDA, en 2014

« Bien sûr, vieillir ce n’est pas joyeux, poursuit-elle. L’idée de penser qu’on va perdre l’éclat de sa jeunesse fait peur. Mais il faut être réaliste. On va tous passer par là. Moi, je préfère rester naturelle et me reconnaître, malgré mes rides, dans le miroir. »

Juniper (Le passé retrouvé) prend l’affiche le 3 mars.