Étrange récit que voilà. Mi-poésie, mi-liste d’épicerie, Voir Montauk ressemble par moments à une lettre, un journal, peut-être ? Voilà une lecture éclatée, assurément un exercice de style, qu’on devine quelque part thérapeutique.

Cela étant dit, et peu importe sa forme, le texte, signé Sophie Dora Swan, un premier livre de cette autrice canado-suisse, se lit tout seul. Et d’un trait.

On pourrait résumer le propos ainsi : une jeune femme, dont la mère se retrouve entre les quatre murs blancs d’un hôpital psychiatrique, lui fait cette promesse de voir un jour Montauk. Monquoi ? Une destination dont on ne saura pas grand-chose, finalement, à part qu’elle est près de la mer, au bord de l’eau, avec ses transats, ses parasols et ses limonades pressées. Une destination qui prend au fil des pages des allures de phare. Ou de bouée.

Une bouée salvatrice, dans ce quotidien douloureux de la narratrice, où le classique métro-boulot-dodo s’est transformé en « hosto-flos-dodo ». Doutes, angoisses et larmes en sus. Entre les rendez-vous psychiatriques et les différents traitements, elle y raconte un univers où le DSM est la « dépression sévère de la mère » et où les larmes se boivent désormais au goulot. « Tôt ou tard, on me retrouvera dans la baignoire », saigne-t-elle. Et on saigne un peu avec elle.

Les clins d’œil littéraires sont nombreux, de Fanny Britt à Simone de Beauvoir en passant par Catherine Mavrikakis, Camus ou Véronique Grenier, et servent de pilier à une réflexion sur le lien filial en général, et la relation mère-fille en particulier, bousculée par la maladie. Quand cet équilibre acquis, admis et rassurant est complètement renversé, et que la fille se doit d’être forte, parce que la mère est désormais (et à tout jamais) fragile. Quand l’univers s’écroule, finalement.

Saluons l’audace d’un texte par moments déroutant, porté par une plume pleine de poésie sur un sujet psychiatrique qui en manque cruellement.

Voir Montauk

Voir Montauk

La peuplade

168 pages

7/10