Depuis Frères (2013), David Clerson construit une des œuvres les plus magnifiquement étranges de la littérature québécoise. Il continue de creuser dans Mon fils ne revint que sept jours son obsession pour les milieux humides, peuplés d’essaims de bibittes, au cœur desquels les liens familiaux sont à la fois menottes et ancrages.

Dans son chalet de la Mauricie, une femme vieillissante reçoit la visite de son fils, qui l’a quittée il y a plusieurs années pour s’enfoncer en solitaire sur les routes d’une Amérique hostile, lui donnant pour seules nouvelles des lettres confuses et paranoïaques envoyées des recoins les plus reclus du continent.

« Le premier jour mon fils me confia avoir la sensation que son cerveau pourrissait. [...] De plus en plus souvent il voyait en rêve des champignons lui pousser dans la tête. Ceux-ci y prenaient racine dans son cortex, y proliféraient. » La mère et son garçon, usé prématurément par l’errance, renoueront vite avec la tourbière qu’ils aimaient visiter ensemble, celle dont le centre semble agir comme un trou noir, entouré de sphaigne.

La plus grande qualité de David Clerson, dans ce quatrième livre, tient à ce qu’il demeure un des trop rares écrivains refusant de tout expliquer ce qui se produit dans ses romans. Romans qu’il ancre dans des univers essentiellement réalistes, mais qui partagent toujours une frontière avec le paranormal, ainsi qu’avec les forces d’un monde ancien, dont l’aspect immémorial est autant source d’angoisse que de réconfort.

Proliférant de descriptions de champignons, de plantes et d’insectes, cette brève chronique de l’entrée d’une femme dans une longue nuit de l’âme emploie la beauté trouble d’une nature énigmatique comme le miroir grossissant de la vie intérieure de ses personnages aux abois. La lucidité est chez eux non seulement la blessure la plus proche du soleil, mais aussi le chemin le plus court vers l’insanité.

Mon fils ne revient que sept jours

Mon fils ne revient que sept jours

Héliotrope

126 pages

7,5/10