Mario Jean vieillit. Ce n’est pas nous qui le disons, c’est l’humoriste lui-même qui nous en informe à mots pas du tout couverts, à travers les réflexions et observations de son nouveau spectacle, Les imparfaits bonheurs… et autres tutti quanti de la vie ! Une proposition reflétant les aléas de l’âge qui avance : jalonnée de hauts et de bas.

Le titre de ce septième one man show, officiellement lancé en première montréalaise au Théâtre Maisonneuve mardi, laisse entendre que Mario Jean, 59 ans, épiloguera sur le bonheur au sens large. C’est même en ce sens que tire sa chute, lorsqu’il quitte son public en déclarant que « le bonheur, ça ne sera jamais parfait ».

Pourtant, en écoutant l’homme raconter un séjour aux urgences après qu’une scie eut attaqué ses doigts, sa relation devenue hasardeuse avec sa vessie, ses 39 ans de vie de couple, la ménopause de sa femme et son andropause à lui, on constate que c’est surtout le poids des années qui a inspiré sa nouvelle matière. Ou sa crainte de. Notre fervent client du Canadian Tire semble néanmoins serein et manie adroitement l’autodérision, sans éviter quelques lieux communs.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Mario Jean

Héritier spirituel

La parenté est évidente entre Tommy Néron, vedette de la première partie, et Mario Jean. L’héritier spirituel articule son numéro autour de la différence entre les générations. Les enfants d’aujourd’hui ? « Ils sont faciles à spotter, ils ont des Epipen dans le cou et ils ont des opinions », crâne Néron (à qui on rappellera gentiment que l’émission Deux filles le matin n’existe plus et que son gag à ce sujet devrait être actualisé). Son aîné rapplique avec la même rengaine une heure plus tard, se moquant de l’anxiété de performance à l’âge du primaire, alors que, ironise-t-il, le redoublement est maintenant interdit. « T’auras pas d’échec, t’es même pas sûr d’avoir un prof ! », décrète-t-il pendant que le parterre marque son assentiment par des applaudissements.

Mario, lui, accuse trois décennies de plus que Tommy, et c’est essentiellement là que réside son propos. Lequel s’amorce avec des échantillons sonores d’une vieille radio crachant La vie en rose, de Piaf, puis celle de Valiquette, après quoi le jubilaire passe au bilan médical : amygdales, masturbation et ambiance des urgences, dignement imagée, avec un crochet envers le fils zélé au volant.

Il dévie sur les indices du vieillissement : le pilulier servant désormais d’agenda, la toux dorénavant risquée, les sons et autres « oupelaille » d’emblée associés à l’expérience de vie. Rien de neuf, mais superbement relaté, comme tout le reste, d’ailleurs.

On retient notre souffle quand arrive l’épisode du parrainage d’un petit Africain par l’intermédiaire de Vision mondiale (et sa description physique), craintifs d’entendre craquer les limites du bon goût. Les gens rient poliment ; l’honneur est sauf. De justesse.

N’empêche, un jeune Alexandre Barrette avait déjà suffisamment pioché le créneau Vision mondiale dans une vignette l’ayant rendu célèbre pour qu’on crie ici à l’ingéniosité. Même prudence lorsque Mario Jean en rajoute en imaginant un futur entraîneur du Canadien d’origine mexicaine. « C’est sûr qu’on ne fera pas les séries, parce que lui, en avril, il embarque sur les concombres à Saint-Rémi... »

Rayon ménopause et andropause, l’artiste dépeint minutieusement les bobos accompagnant les deux états, bouffées de chaleur et sautes d’humeur pour madame, fatigue du membre masculin et baisse de libido pour monsieur. Chapeau pour la vanne à l’industrie pharmaceutique, moins prompte à guérir les douleurs des unes que pressée de régler les soucis érectiles des autres.

Et si un achat de sa douce au sex shop peut le complexer, notre joyeux quinquagénaire assume assez sa virilité pour s’imaginer batifolant avec « un bel homme, grand, musclé, épilé, sourd, muet et aveugle », un peu plus jeune que lui... si la Terre devait être frappée par une météorite. « Je serais curieux d’être bicurieux... »

Expressif

Revendiquant son habituel personnage de scène à l’air parfois hébété, qui pourrait être tantôt lui-même, tantôt un voisin à la compréhension du monde un chouïa inférieur à celle de la moyenne des ours, Mario Jean exploite un habile talent de comédien dans cette prestation honnête, sans grande surprise, mais efficace. Il ne déplace pas énormément d’air sur scène, mais incarne son texte avec expressivité dans son joli décor de panneaux rectangulaires ornés de motifs évolutifs.

Ses semblables partageant ses nombreuses réalités, assez rarement abordées en humour, se reconnaîtront assurément dans Les imparfaits bonheurs... Les autres s’en amuseront certainement. Fidèle à son essence, le Mario Jean au rendez-vous se présente sans édulcorant, en n’essayant pas d’imiter les Pierre-Yves Roy-Desmarais et Mathieu Dufour en vogue à l’heure actuelle, une authenticité qui l’honore. Après tout, à quoi bon faire semblant, quand on a l’âge d’assumer son masque d’apnée du sommeil ?

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Les imparfaits bonheurs… et autres tutti quanti de la vie !

Les imparfaits bonheurs… et autres tutti quanti de la vie !

Mario Jean

En tournée partout au Québec

7/10