« J’ai pris une décision », annonce Guillaume Pineault au début de son deuxième spectacle, intitulé Vulnérable. « Il n’y aura aucune anecdote de couple. » Rencontre avec un humoriste qui tient promesse.

Aucune anecdote de couple ? N’allez pas voir dans cette contrainte auto-imposée un jugement sur le travail des autres. L’excellent premier spectacle de Guillaume Pineault, Détour, contenait après tout plusieurs blagues conjugales, même un passage dans lequel il confiait rêver à la paternité.

Donc c’est quoi, le problème ? C’est que ces blagues sont soudainement devenues moins agréables à livrer après que fut survenue, en septembre 2022, sa rupture médiatisée avec la comédienne Anne-Élisabeth Bossé. Comment négocier les nombreux mois de tournée qui restaient à son agenda sans avoir l’impression de mentir à son public, majoritairement composé de gens qui n’ignoraient pas le temps dur qu’il traversait ?

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Guillaume Pineault

« Les premières fois que j’ai fait le spectacle, après ma séparation, je m’étais dit que j’allais improviser quelque chose pour expliquer à la fin du dernier numéro que ma vie avait changé depuis que je l’avais écrit », raconte l’humoriste au sujet des représentations dont Victoriaville se souvient sans doute.

 Ces deux soirs-là, en arrivant au bout où je dis que je pense que je suis prêt à avoir des enfants, je me suis mis à pleurer.

Guillaume Pineault, au sujet de représentations de son premier spectacle, Détour

Bien avec soi-même

Afin d’éviter que son spectacle se transforme chaque soir en visite involontaire à la chute Montmorency, Guillaume Pineault avait ensuite pris la précaution d’y ajouter, en guise d’épilogue, le récit d’une conversation avec sa mère, au cours de laquelle le fils s’était enquis en ces mots de la recette du succès de la relation de ses parents : « Comment t’as fait pour être bien avec p’pa pendant 43 ans ? »

Sage réponse de sa maman : « Le but, ce n’est pas d’être bien en couple, c’est d’être bien avec soi-même. » Une phrase qui sera devenue le fil rouge de Vulnérable, son deuxième spectacle, qui s’intitule ainsi parce que son metteur en scène, Mickaël Gouin, a un jour fait remarquer à son ami qu’il est rare qu’un humoriste se permette de l’être à ce point.

Ce qui est à la fois tout à fait juste et un peu (à peine) trompeur, dans la mesure où le petit deuxième de Pineault repose essentiellement, comme le premier, sur une série d’anecdotes dans lesquelles il tente de s’extirper de pétrins plus ou moins bénins en adoptant les stratégies les moins efficaces. Le gars de 40 ans y demeure, d’abord et avant tout, un conteur attachant et explosif, bien au courant que son personnage le plus fertile en rires, c’est lui-même.

Faire du Pineault

Mais, à l’instar de plusieurs de ses collègues récemment animés par un désir d’ancrer leurs numéros dans une matière plus consistante, voire intime, Guillaume Pineault souhaitait non seulement faire rire, mais aussi dire quelque chose qui lui importe vraiment.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Guillaume Pineault sur scène en 2022

Le mot « vérité » reviendra d’ailleurs à plusieurs reprises durant l’entretien, son script-éditeur, Pascal Mailloux, lui ayant souvent répété au cours des derniers mois qu’il devait à tout prix « faire du Pineault », quitte à mettre de côté, par exemple, un efficace, mais plus générique numéro inspiré de ses mésaventures sur Kijiji.

Être vrai, c’est ne pas avoir peur d’aller dans mes émotions et ne pas me sentir obligé de faire rire à chaque cinq secondes.

Guillaume Pineault

L’humoriste souligne au passage avoir gardé en tête qu’une critique de son premier spectacle faisait valoir qu’il pourrait se permettre, à l’occasion, de descendre « la mitraillette à gags ». Sourire entendu de part et d’autre. « Tu vois : on les lit, les critiques ! »

Qu’il parle de son anxiété, de ses visites chez la psy et d’incommunicabilité qui règne sur sa famille profondément marquée par la surdité de son frère, Guillaume Pineault témoigne sur scène de la quête qui guide son quotidien : détricoter les fils emmêlés de son esprit et de son cœur, plutôt que de court-circuiter le problème en se précipitant dans les bras de la première venue.

« Quand j’ai commencé le rodage, j’étais très stressé, parce que j’avais peur que des gars sortent de la salle en disant : Voyons, c’est quoi son problème, lui, avec ses émotions ? », avoue celui qui n’a rien d’un homme de Cro-Magnon, mais qui, comme bien des représentants de sa génération, ne dit pas nécessairement « Je t’aime » aisément à son père. « Et au contraire, c’est dans ces bouts-là où ça rentre le plus. Je trouvais ça beau que des gars viennent me dire après : Moi non plus, mon père ne me dit pas “Je t’aime ». »

Il y a quelques semaines, son paternel lui rendait visite, le temps de l’aider à peinturer quelques pièces. « Et quand mon père est reparti vers Saint-Hyacinthe, il est venu pour juste me donner la main et, à la place, je l’ai pris dans mes bras, un peu de force. Mais ça valait la peine : on a vécu quelque chose pour vrai et c’est ce que je veux qu’il se passe avec le show. » La vérité est toujours payante.

Vulnérable

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Guillaume Pineault

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