Elles sont les drôles de dames à suivre en humour à l’automne. Marthe Laverdière, 60 ans, et Michelle Desrochers, 28 ans, tentent l’expérience du premier one woman show. Stress entourant cette « première », femmes en humour, santé mentale : conversation croisée avec deux femmes semblables à maints égards.

Mesdames, pouvez-vous décrire votre spectacle en quelques mots ?

Michelle Desrochers : C’est un spectacle qui parle de ma vieille dame intérieure [sourire]. J’ai 28 ans, mais j’ai toujours été comme une « matante » avant l’âge, avec un désir de m’occuper des autres. Je rends visite aux gens dans leur ville, mais j’ai l’impression que c’est moi qui reçois, dans mon show. Dans le titre, il y a aussi un petit côté croustillant ; Marthe le fait avec les graines, et moi, j’ai choisi Pelote. C’est complémentaire[rires]

Marthe Laverdière : Dans ce show-là, je parle des anecdotes que j’ai vécues. C’est moi qui l’ai écrit. Je parle de mes mille et un métiers et de toutes les conneries qui ont pu m’arriver. Et, crois-moi, il y en a ! Je t’emmène dans la serre, au terrassement, en cuisine, en massothérapie… Je te fais découvrir comment je suis devenue horticultrice, par un adon. C’est ma vie ! En 34 ans de métier, tu en vois, des affaires !

Comment gérez-vous le stress accompagnant le lancement d’une première tournée ?

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Marthe Laverdière

M. L. : Quand tu arrives à un certain âge, avec le vécu ramassé dans une vie, tu sais ce que tu es, et surtout, ce que tu n’es pas. Quand je monte sur une scène, je raconte mes affaires et j’ai l’impression d’être dans ma cuisine, autour de l’îlot. Que les gens aiment ou pas, ça ne m’appartient pas. Moi, je sais pourquoi je le fais et je n’ai pas d’attentes. Que la salle soit vide ou pleine, je vais manger pareil. Les critiques diront bien ce qu’ils voudront, je m’en sacre comme de l’an 40 ! [Michelle éclate de rire] Moi, j’ai réussi à vendre des géraniums à la bonne femme Boutin, icitte, qui est le diable sur la terre… Le reste, c’est des peanuts !

M. D. : Je donne aux gens une œuvre d’une heure et demie, et je commence à connaître mon public. Cette relation va au-delà de l’humour ; dans mon show, je parle du fait d’apprendre à s’aimer. Pour moi, rencontrer le public, c’est comme un rendez-vous galant.

M. L. : Tu as raison. On est deux vieilles âmes, chère !

On doit encore, hélas, parler de la place des femmes en humour. La situation s’améliore, mais celles-ci sont toujours moins représentées. Ressentez-vous une pression supplémentaire parce que vous êtes femmes ?

M. L. : Toute ma vie, j’ai fait des métiers d’homme. J’ai fait du pavé à quatre pattes, j’ai chauffé des trucks… Ça ne m’effleure même pas la tête. Si tu es capable de faire la job, tu la fais, peu importe ce que c’est.

M. D. : La seule chose que le sujet m’évoque, c’est de la fierté. On a de plus en plus de représentation et de talent. Je vois souvent des femmes se fixer des objectifs très hauts et les atteindre. Plus il y aura de femmes drôles, plus l’humour sera de qualité, plus ça relèvera le niveau. J’ai de la reconnaissance pour nos grands humoristes, hommes et femmes, qui m’ont inspirée quand j’étais jeune.

M. L. : Moi, je ne peux pas comparer, je n’ai pas de TV. J’habite à trois heures de Montréal, dans le rang de la Fourche [à Armagh, dans Bellechasse, en Chaudière-Appalaches]. Aller voir un show, pour moi, c’est deux heures de route. On me demande parfois si je me compare à Lise Dion ou Claudine… quelque chose… [Mercier]. Lise Dion, je l’ai vue sur YouTube, et l’autre, je ne sais même pas c’est qui. Je sais que j’ai l’air d’un dinosaure… Mais si tu me parles des rosiers, ça, je les connais ! [rires] En ne me comparant pas, je ne mets pas de marche haute.

Vous avez toutes deux traversé des problèmes de santé mentale. Vous en parlez publiquement. Est-ce que l’humour constitue un exutoire ?

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Michelle Desrochers

M. D. : J’ai des problèmes de santé mentale. J’ai un vide intérieur, une souffrance immense. En humour, je peux lancer des messages d’amour, dédramatiser des tabous, tendre la main comme moi j’en aurais eu besoin. L’humour, c’est le sens de ma vie, peu importe la durée de la tournée.

M. L : J’ai fait une dépression de 2007 à 2010 et j’ai perdu ma mère quand j’avais 2 ans. J’ai vécu le sentiment de rejet. Comme Michelle dit, quand on a souffert, on veut rendre les gens heureux, pas seulement réussir à les faire rire. Quand ils sont heureux, on est bien. On aime notre monde.

M. D. : Être dans la salle et connecter avec l’auditoire, c’est le contraire du trac. Pour moi, un spectacle, c’est le contraire du stress. C’est la quiétude. Tout est à sa place, à ce moment-là.

Auriez-vous un conseil à vous prodiguer mutuellement, avant votre rentrée montréalaise respective ?

M. L. : Je n’ai ni conseils ni craintes pour cette fille-là. Elle va aller loin et je la ressens comme une fille qui est très bonne. Moi, je m’attache facilement aux gens vrais et bons. Le paraître ne m’intéresse pas, mais ce que Michelle est, ça m’intéresse. Je vais aller voir ton show, Michelle !

M. D. : Merci, Marthe, c’est doux. Puisque tu n’as pas de télé et de réseaux sociaux, je veux que tu le saches : les gens t’aiment beaucoup ! Tu n’es pas obligée de savoir le nombre de likes, mais sache que les gens t’aiment, et c’est mérité. Et si tu as besoin de conseils précis, pour savoir comment attacher une pièce jointe à un courriel, appelle-moi et je vais t’aider ! [rires]

Marthe Laverdière lancera officiellement Marthe Laverdière fait son show ! le 10 octobre, au Gesù.

Consultez le site de Marthe Laverdière

Michelle Desrochers offrira la première montréalaise de Pelote le 21 novembre, au Gesù.

Consultez le site de Michelle Desrochers