Dave Richer, courageux ? Le comédien grimace. « Ce mot-là, je ne suis pas capable », réplique en souriant celui qui s’apprête à présenter son premier spectacle d’humour, Spasme de rire. « Je ne suis pas courageux, je ne suis pas un superhéros. Je suis juste un gars ordinaire, avec un vécu un peu plus rough, qui n’a jamais arrêté de penser qu’il avait sa place, comme n’importe qui. »

Juste un gars ordinaire ? Son désir de ne pas être considéré avec cette incrédulité que l’on réserve à la moindre réalisation d’une personne handicapée, tout aussi compréhensible soit-il, ne devrait pas nous détourner de la vérité : Dave Richer – sa trajectoire du moins – n’a rien d’ordinaire.

Rares sont les comédiens, encore moins ceux en situation de handicap, ayant à ce point marqué l’imaginaire des téléphages québécois en une seule scène, qui le réunissait dans la série Jasmine (1996) avec une Marie-Soleil Tougas en prostituée bienveillante. Un moment charnel d’une vibrante authenticité, comme le petit écran en produit peu, qui marquait alors un tournant dans la représentation de la sexualité des handicapés.

« Le monde m’en parle encore presque tous les jours », lance celui qui se réjouit d’encore occuper une telle place dans le cœur des gens, mais qui s’explique mal qu’on célèbre davantage son prétendu courage que sa performance d’acteur. « C’est comme si on avait de la difficulté à reconnaître qu’un comédien handicapé peut être beau ou bon. »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

« Je ne suis pas courageux, je ne suis pas un superhéros. Je suis juste un gars ordinaire, avec un vécu un peu plus rough », dit Dave Richer.

Malgré une feuille de route d’une trentaine de rôles depuis la fin des années 1990, Dave Richer s’est fait discret, à la télé comme sur scène, au cours des 12 dernières années, en grande partie en raison du boccia. Ce handisport, auquel il s’est initié grâce à sa blonde, physiothérapeute de l’équipe nationale, lui aura permis en 2011 de remporter une médaille de bronze aux Jeux parapanaméricains du Mexique et de participer en 2012 aux Jeux paralympiques de Londres.

« J’ai laissé de côté le jeu et l’humour, mais durant la pandémie, ça m’est apparu clair qu’il fallait que je revienne à mes premières amours », explique celui pour qui le seuil de la cinquantaine, qu’il a traversé en juin dernier, aura aussi été l’occasion des bilans.

Je ne vais pas mourir de mon handicap [la paralysie cérébrale], mais mon cœur vieillit plus vite que les autres et je l’entends me dire : OK, là, vas-y avant qu’il soit trop tard. J’ai encore du temps, mais je n’ai pas de temps à perdre.

Dave Richer

Comme une musique

« Penses-tu que le monde est prêt pour ce genre de show là ? », demande Dave Richer à l’auteur de ces lignes au sujet de son premier spectacle d’humour, Spasme de rire. Une question difficile à laquelle il serait tentant de répondre un oui sans équivoque, le sujet de l’inclusion, sous toutes ses formes, étant plus que jamais au cœur de l’espace public.

Malgré son positivisme en béton armé, Dave Richer peine pour sa part à trouver autour de lui des raisons de ne pas conclure que les personnes handicapées demeurent confinées à l’angle mort de tous les efforts déployés afin que la proverbiale diversité rayonne sur toutes les tribunes.

« Je pense que le monde a encore peur de ne pas me comprendre », regrette le comédien, une peur que le réel démonte pourtant très rapidement.

« Quand je parle, c’est comme une musique. Au début, tu ne comprends rien, mais après deux, trois minutes, tu prends mon tempo. Mais le problème, c’est que tout va tellement vite et qu’on ne prend plus le temps d’écouter les autres. »

Des questions universelles

« C’est paradoxal, mais celui qui m’a ouvert la porte en humour, c’est Mike Ward », s’esclaffe Dave Richer, un clin d’œil à l’affaire Ward-Gabriel, qui a réduit son ami humoriste à une image de vil tourmenteur. Le premier de plusieurs numéros communs les a réunis en 2003 à Juste pour rire, festival auquel le comédien avait déjà participé en 1998 en tenant un des rôles principaux de la pièce 15 secondes de François Archambault, qui lui a valu le Masque de l’interprète de l’année en 1999.

Autrement dit : l’autodérision a toujours compté parmi les principaux outils lui permettant d’aller vers l’autre et c’est ainsi que Dave Richer entremêle dans Spasme de rire de nouveaux numéros à d’autres tirés de la conférence qu’il trimballe dans les écoles et les entreprises depuis 25 ans.

À l’heure où la parole comique semble parfois, à tort ou à raison, user de circonspection, l’amateur d’humour noir se plaît beaucoup, confie-t-il, à dire des choses qui « ne passeraient plus du tout si elles sortaient de la bouche de n’importe qui d’autre ».

Mais avec des sujets comme la carrière, la sexualité et la parentalité – il est père d’une fille et d’un garçon de 12 et 10 ans –, Dave Richer espère surtout présenter un spectacle d’humour… comme les autres ! « Le show parle de moi, donc il parle forcément de handicap, souligne-t-il, mais à la fin, je pense que les gens vont repartir avec des réflexions et des questions qui nous appartiennent à tous. »

Spasme de rire, les 24 avril et 19 juin au Lion d’Or, le 27 avril au ComediHa ! Club de Québec

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