Tout ça pour ça ? Voyons donc, saint-câlique de tabarnouche du criffe !

Un chapelet de mots d’église a retenti dans plusieurs foyers québécois, mardi soir, après la diffusion de l’épisode final de la très bonne télésérie criminelle Projet innocence, sur les ondes de Noovo.

Pour ceux qui ont accumulé du retard dans leurs beaux programmes, l’alerte au divulgâcheur tinte au moins dix fois par heure, comme la sonnette de la magnifique maison remplie de boiseries qu’habite Stella Launière (Emi Chicoine) dans la série.

C’est bon ? Alors, pourquoi, doux Jésus, le proxénète Anderson Jean-Louis (Fayolle Jean Jr.) a-t-il été assassiné si peu de temps après sa sortie de prison ? Avec un silencieux et deux pow, la production a quasiment détruit tous les efforts déployés par les quatre stagiaires du criminaliste Armand Coupal (Guy Nadon) et les nôtres, à titre de détectives de salon très – ou trop ? – investis dans l’enquête sur le meurtre de l’escorte Vickie Tremblay (Claudia Bouvette).

Pendant dix semaines haletantes, nous avons suivi les rebondissements de cette affaire complexe et touffue pour que ça se termine de façon aussi sèche et abrupte ? Wo, minute.

Comme beaucoup d’entre vous, j’étais en beau ta… et j’ai appelé le coproducteur et coréalisateur de Projet innocence, Alexis Durand-Brault, pour obtenir des explications.

Et Alexis Durand-Brault, de la boîte ALSO Productions, se défend très bien, sans avocat. D’abord, cette fin « audacieuse » met la table pour une deuxième saison de Projet innocence, que Noovo n’a cependant pas encore autorisée. « Ç’a été pensé en fonction d’une suite. Et oui, on va s’assurer que les téléspectateurs obtiennent une résolution. C’est un hook pour la prochaine saison », glisse Alexis Durand-Brault.

OK, ça se tient. Les liens louches entre le chef de police Bernard Brown (Alex Bisping) et les bandits de Montréal, découverts par Me Coupal, ont été balayés sous le tapis. Pour l’instant. Mais liquider Anderson Jean-Louis, alors que nous avons tous forcé très fort pour le blanchir du meurtre de Vickie Tremblay, ne renforce-t-il pas notre sentiment d’avoir gaspillé dix heures de notre temps ? Non, répond Alexis Durand-Brault.

« Tu as beau sortir de prison, tes crimes, eux, finissent toujours par te rattraper. Anderson Jean-Louis, c’est quand même un pimp, un violeur et un batteur de femmes. Le lâcher lousse dans la nature envoyait un drôle de signal », explique Alexis Durand-Brault.

Vrai. Au fil de cette saison houleuse, nous avons tassé dans un coin le passé ultra violent d’Anderson Jean-Louis pour se concentrer sur les démarches visant à l’innocenter d’un crime qu’il n’a pas perpétré.

Jointe mardi, l’auteure Nadine Bismuth précise qu’enterrer Anderson Jean-Louis s’inscrivait dans « la trajectoire naturelle » du personnage. « C’est cohérent avec le milieu d’où il vient et ce n’est pas un choix moral que de le tuer. Ses amis ne lui ont pas été fidèles, et le but n’était pas de le faire payer pour quoi que ce soit », souligne Nadine Bismuth.

Ce premier chapitre de Projet innocence a rameuté 550 000 accros tous les mardis à 20 h, selon des chiffres de la firme Numeris. Un score légèrement supérieur à la deuxième saison de L’empereur, vue par 497 000 téléphages, les mercredis soir.

Si la deuxième saison de Projet innocence se concrétise, elle explorera un cas flambant neuf, tout en bouclant la portion impliquant le chef de police ripou et l’« indic » des Hells, Mathieu Lauzon (Normand Helms), qui a abattu Anderson Jean-Louis à la sortie du dépanneur.

PHOTO FOURNIE PAR NOOVO

Sophie Lorain dans Projet innocence

L’intrigue de Projet innocence a été habilement tricotée par la scénariste Nadine Bismuth, dans un format évoquant celui de How to Get Away with Murder. Un mentor, quatre étudiants et une cause ambitieuse qui rebondit dans plusieurs directions, les dix heures n’ont pas été ennuyeuses.

Par contre, l’ultime revirement, qui impliquait les flics corrompus Sylvie Nault (Noémie Godin-Vigneau) et Maxime Amyot (Blaise Tardif), nécessitait une dose élevée de bonne foi. Comment aurions-nous pu deviner, avec les pistes existantes, que ces deux enquêteurs des crimes majeurs s’offraient des prostituées pour des ménages à trois ?

La trame principale pointait partout, sauf en direction des deux vrais coupables. Des soupçons ont pesé sur le millionnaire Laurent De Ségur (Yvan Benoît), son épouse philanthrope Johanne (Pascale Desrochers) et le sosie d’Anderson Jean-Louis, Frank Pineau (Ernst Augustin), qui a même dû peindre sa voiture en rouge et blanc pour imiter celle du suspect que Sylvie Nault et Maxime Amyot ont piégé.

L’autre punch du thriller juridique qui a passé plus difficilement concerne le policier Camille Strel (Benoît Brière). Mettons qu’il a été « chanceux » que son collègue Maxime Amyot lui tire trois fois directement sur le gilet pare-balles, et pas un centimètre à côté.

Strel et l’étudiante Stella ont attaché les derniers fils de l’énigme quasiment en même temps : la danseuse nue Vickie Tremblay a été tuée par Sylvie Nault et Maxime Amyot, qui craignaient qu’elle les dénonce.

Projet innocence 2, s’il obtient le feu vert, ramènera le quatuor d’universitaires composé de Stella, Alexis (Juan Arango), Samir (Madi Chirara) et Bénédicte (Audrey Roger), de même que leur superviseur, Me Coupal.

Oui, pour ceux qui se posent la question, la scénariste Nadine Bismuth explorera davantage les relations personnelles entre les futurs avocats de l’université Griffin. Samir et Stella ont déjà échangé un baiser, et il n’y a rien de criminel là-dedans, madame la doyenne !