Si vous enfilez, coup sur coup, 5e Rang, Sorcières, Doute raisonnable et Alertes les lundis soir, il y a de fortes chances qu’un psychiatre vous diagnostique un trouble de l’adaptation avec humeur anxio-dépressive.

Aucune lampe de luminothérapie ne vous extirpera de cette noirceur fictive. Aucun comprimé pharmaceutique ne remplira vos banques de sérotonine. C’est peine perdue. Adieu, joie de vivre et insouciance.

Comprenez-moi bien. Consommées individuellement, ces quatre séries québécoises livrent la marchandise en nous enveloppant de gros drames ensanglantés. Mais mises bout à bout, aïe, c’est une séquence fatale pour le moral.

J’ai refait l’expérience de visionner les quatre émissions à la queue leu leu cette semaine et j’ai vite atteint mon quota de terroristes survivalistes à Prévost, dans les Laurentides, et de mafieux trafiquants d’organes humains dans une ferme de la Montérégie.

Complètement absorbé par Doute raisonnable de Radio-Canada (on se reparle bientôt de sa finale traumatisante), j’ai rattrapé mon retard dans Alertes à TVA, qui a récemment bouclé une intrigue particulièrement glauque, celle d’une préado de 12 ans, Alice Tanguay (Juliette Aubé), radicalisée par son beau-père complotiste Pat Lamarre (Pierre-Paul Alain), puis transformée en bombe humaine. Avec ceinture de dynamite et détonateur, oui, madame.

PHOTO TIRÉE DE L’ÉMISSION

Alertes a récemment bouclé une intrigue particulièrement glauque.

L’escouade Cerbère de la SQ a remué ciel et conduites d’égout pour localiser Alice, que sa grand-mère Lucie (Marie-Chantal Perron) forçait à participer à des concours de Mini Miss, gros souvenir de JonBenét Ramsay ici.

Endoctrinée par l’ex-militaire Pat Lamarre et entraînée pour devenir une enfant martyre, Alice parlait comme les disciplines d’Anatole Dufresne (Martin Drainville) dans L’échappée, qui détestaient le gouvernement manipulateur et les maudits cochons (comprendre : les policiers).

La minuscule mercenaire Alice attendait le « jour de la lumière », où elle était censée se faire exploser dans un centre de recherche énergétique, au nord de Montréal. Heavy, vous dites ? Métal, oui.

Le sauvetage d’Alice a viré en fusillade, où la capitaine Stéphanie Duquette (Sophie Prégent), dans un geste héroïque, a pris une balle dans la tête pour protéger l’enfant de sixième année. Plongée dans le coma depuis une semaine, le futur ne s’annonce pas très « wah » pour notre valeureuse capitaine Duquette, pilier du téléroman de TVA depuis sa mise à feu, en février 2021.

La nouvelle enquête de l’unité Cerbère, aux accents un peu moins sombres, tombe totalement dans mes cordes. Les sergents-détectives de la SQ fouillent pour déterminer comment un concurrent de la populaire téléréalité Love-moi, l’influenceur chouchou Justin Calixte (Samuel Gauthier), a pu mourir en direct à heure de grande écoute.

Végane, sportif, positif et supposément sobre, le beau Justin s’est effondré dans le salon du manoir, pris de convulsions, alors qu’il s’apprêtait à gagner cette cinquième édition de Love-moi devant sa grande rivale, l’esthéticienne Corinne (Jeanne Roux-Côté).

Dans un revirement semblable au fiasco des amigos toxiques d’Occupation double, la productrice de Love-moi, Virginie Dumontier (Elizabeth Duperré), vapote et capote : les commanditaires fuient, les réseaux sociaux s’enflamment et il faut tout de même livrer un show au diffuseur, malgré la mort du participant vedette.

Des opioïdes ont été retrouvés dans le flacon de vitamines de Justin Calixte. Et la liste des suspects de ce possible meurtre n’est pas infinie, car il ne reste que quatre candidats dans l’aventure téléréelle : l’étudiante en travail social Florence (Naïla Louidort), le technicien en soins infirmiers Louis (Patrick-Emmanuel Abellard), l’ex-enfant acteur Thomas (Alexandre Bacon) ainsi que Corinne, l’esthéticienne louche en cavale.

Je voudrais que cette histoire de Love-moi ne se boucle jamais, merci. En fait, je regarderais plus Love-moi que L’île de l’amour, on dirait.

Du côté de Sorcières, les auteurs pigent joyeusement dans le chaudron à traumatismes des trois demi-sœurs qui ont grandi dans la secte du royaume de la triple déesse, à Sainte-Piété. Ce qui ressemblait à une banale commune de hippies devient un musée des horreurs, avec tente de sudation, chambre de torture et équipement de stérilisation digne d’American Horror Story : Asylum.

Aide médicale à mourir pour le bon Camil (Roger La Rue), anorexie d’un enfant de 11 ans (pauvre Alistair !) et meurtre d’un bébé camouflé en disparition (l’animateur Alain Leclerc va payer !), c’est loin d’être le festival de la gaieté à Sainte-Piété.

Du côté des bonnes nouvelles, le facteur bizarre Fred (Maxime Genois), aussi concierge de nuit à l’hôpital, a ajouté une corde à son arc : il peint des œuvres d’art, d’immenses murales inspirées de la technique du collage. Certains ont tous les talents, c’est injuste. Aussi, les enlevants matchs de pickleball reprendront entre l’adolescente Charlotte (Maé Jenkins) et son mystérieux compagnon Christian (Thomas Vallières), il reste de l’espoir.

Tout comme il reste de l’espoir pour le chef Pascal Faubert (Antoine Durand) dans 5e Rang, quasiment battu à mort au poing américain par la mafia de Valmont.

Dans l’épisode diffusé lundi soir, Pascal Faubert a commencé à respirer par lui-même. Miracle ! On s’entend que le célèbre restaurant Le Tourneur n’aurait pas survécu à la disparition de son fondateur.

Le décès de Pascal Faubert aurait également torpillé l’alléchante association entre Fou de Food (ou la ferme Goulet ?) et la multinationale Fresh & Family, qui occupe tout l’espace mental de Marie-Louise (Martine Francke).

Valmont a survécu à la pègre russe, à la mafia italienne et au tueur en série Marc Trempe (Marc Béland), mais le désistement de Fresh & Family, oh non, ça n’aurait juste pas passé dans le village. On prend le suspense où il passe, les amis. Et on garde le moral haut, malgré ces lundis gris.