Olivier Bernard, alias le Pharmachien, s’évertue depuis des années à combattre les fausses croyances dans le domaine de la science, de la médecine et des médicaments. Vulgarisateur apprécié des médias, il a décidé il y a quelques années de mener sa croisade autrement.

Le voici donc à la tête d’un projet d’émissions balados regroupées sous le titre de Dérives que je vous invite fortement à découvrir sur OHdio. Après avoir abordé les rituels de la sudation et le mystère de l’ayahuasca, un breuvage hallucinogène préparé par des chamans, voilà qu’il s’intéresse aux scientifiques qui adoptent des idées qui vont à l’encontre de celles mises de l’avant par leur profession.

Pour ce faire, Olivier Bernard place Guylaine Lanctôt (anciennement Ghyslaine) au cœur de la série Les secrets de « La mafia médicale ». Cette Québécoise, aujourd’hui âgée de 83 ans, a créé à la fin des années 1980 un réseau de cliniques spécialisées en phlébologie où elle traitait les varices.

Puis, après avoir assisté à un évènement rassemblant des scientifiques dissidents en 1992, tout a basculé pour elle. Elle s’est alors mise à faire des déclarations pour le moins étonnantes. Deux ans plus tard, elle a publié La mafia médicale, un ouvrage qui a fait beaucoup de bruit à l’époque et dans lequel elle affirme en gros que le système de santé repose sur une gigantesque arnaque.

En 1997, au terme d’interminables audiences, elle a été radiée du Collège des médecins. Militante antivaccin notoire, Guylaine Lanctôt a développé une pensée sur le cancer et le sida qui va complètement à contre-courant de la science.

La série commence d’ailleurs avec l’histoire de Bernard Lachance, un chanteur qui a bâti sa réputation grâce à un fort charisme et une énergie hors du commun. Il a réussi à remplir d’énormes salles (Centre Bell, Chicago Centre) et même à se faire inviter par la célèbre Oprah Winfrey en 2009. Quelques mois plus tôt, il avait appris qu’il était séropositif.

Au début, il s’en remettait aux traitements de la médecine et écoutait les conseils de son médecin, le Dr Réjean Thomas. Mais en 2017, il a fait un virage à 180 degrés : il s’est mis à nier l’existence d’un lien entre le VIH et le sida. Il répétait constamment qu’il s’agissait d’une « fraude ».

Il a cessé tous ses traitements, au grand désespoir des membres de sa famille. Comment ce jeune homme brillant en est-il venu à croire que le VIH était un mensonge, que la vision de « sa gang de scientifiques » primait sur tout et qu’un bon régime de vie allait lui permettre de vivre comme tout le monde ?

On apprend que sur son chemin, il a croisé Guylaine Lanctôt. Celle-ci est devenue son maître à penser. Jusqu’à sa mort, le 11 mai 2021, il a été en contact avec elle. Avant de s’éteindre, Bernard Lachance a fait partie du noyau de complotistes qui a contesté les mesures sanitaires durant la pandémie du coronavirus.

Ce terrible point de bascule, c’est ce que la série Les secrets de « La mafia médicale » tente d’expliquer. Pourquoi et comment de grands scientifiques se mettent-ils à dériver ? Où prend fin une saine critique de certains principes et où commence le délire ? Voilà les questions que soulèvent les huit épisodes pour lesquels Olivier Bernard a interviewé une cinquantaine de personnes.

À dévorer sans retenue !

Une volte-face qui a un coût

Vous aimez bien quand on assure un suivi de certains dossiers. En voici un sur l’histoire de l’émission balado de la CBC dont l’adaptation et la production en français ont d’abord été confiées à un studio parisien.

Vous vous rappellerez que cette version franchouillarde d’Alone : A Love Story offerte sur OHdio l’automne dernier avait attiré l’attention de certains journalistes et chroniqueurs, dont moi.

Lisez le chronique « Cet accent québécois qu’on ne veut pas entendre »

Devant le tollé suscité par cette décision complètement ignorante de l’expertise québécoise, la haute direction de CBC/Radio-Canada s’est empressée de retirer la balado et d’exiger qu’on refasse le travail chez nous. OHdio vient d’ailleurs de confier ce mandat au studio montréalais Pixcom. Bonne affaire !

N’empêche, cette volte-face a un coût. J’ai voulu savoir combien CBC/Radio-Canada avait versé au studio parisien Ochenta pour la production des 10 épisodes en français de la première saison. Précisons que le contrat incluait aussi la commande de 10 épisodes en espagnol. Après une demande en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, j’ai reçu le document. Sans surprise, plusieurs passages, dont les montants d’argent, ont été caviardés.

Devant cela, j’ai pris contact avec les responsables de quatre studios montréalais spécialisés dans la production de balados. Je leur ai demandé quel montant ils demanderaient pour adapter (les textes seront « réécrits », m’a confirmé Radio-Canada) et produire 10 épisodes en français d’environ 20 à 30 minutes avec une narratrice professionnelle.

Fournisseurs de services et clients potentiels de la société d’État, ces producteurs ont répondu à mes questions sous le couvert de l’anonymat.

On m’a offert une fourchette allant de 5000 $ à 7000 $ (possiblement 8000 $) par épisode. Un des producteurs m’a dit, après avoir longuement hésité, qu’il pourrait « peut-être » s’en tirer avec 3500 $ par épisode.

Dans l’ensemble, on parle donc d’un total variant entre 35 000 $ et 70 000 $ pour l’ensemble de cette série qui doit être refaite.

Il est évidemment impossible de connaître l’entente qui a été conclue entre Radio-Canada et Pixcom. « Nous ne dévoilons pas ces renseignements », m’a dit Marc Pichette, porte-parole de Radio-Canada.

L’émission balado Alone : A Love Story, adaptée des mémoires de l’autrice Michelle Parise, remporte un énorme succès auprès des anglophones depuis sa mise en ligne en 2017 sur le site de la CBC.

On souhaite le même retentissement à l’adaptation française qui sera produite au Québec. Au prix qu’elle aura finalement coûté, on espère ressentir de l’émotion, beaucoup d’émotion.