Le jeu des métamorphoses auquel se prêtent les médias a connu tout un rebondissement jeudi dernier lorsque la radio numérique QUB est entrée à la télé. Le phénomène de la radio visuelle est apparu au début des années 2010, mais connaît un formidable essor depuis quelques années.

Aujourd’hui, la plupart des grands réseaux de radio, publics ou privés, possèdent des studios munis de caméras. Ces radios exploitent l’aspect visuel pour offrir des émissions sous forme de balado ou créer un buzz sur les réseaux sociaux.

La particularité avec la chaîne spécialisée de QUB, c’est que toutes les émissions, diffusées en semaine, de 6 h à 18 h, seront présentées en direct et en totalité à la télé.

Le soir et les week-ends, les meilleurs segments de la journée seront rediffusés. On prévoit d’offrir de nouveaux contenus originaux, de même que des balados.

Les studios de QUB Radio étaient déjà équipés de caméras. Mais la technique a été enrichie, de même que la façon de présenter les images au public (plans larges, plans serrés, boîte au coin de l’écran, vue de la régie, etc.). J’avoue que le résultat, quoique redondant, est impressionnant.

Mais est-ce qu’offrir un animateur de radio et ses invités dans un écran fait de cela une émission de télé ? « J’aime à dire que nous faisons de la radio à la télé avec une facture podcast, m’a dit Jean-Nicolas Gagné, directeur général de QUB. On va retrouver l’ambiance conversationnelle qu’il y a déjà dans les balados. Ça demeure des animateurs de radio qui sont captés avec de l’audiovisuel. Je m’attends à ce qu’ils boivent de l’eau ou fassent un signe au régisseur pendant leur émission. Il y a des imperfections et c’est ce qui fait son charme. »

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Le directeur de QUB, Jean-Nicolas Gagné

Le site web de QUB est une plateforme où l’on découvre plein de contenu. Mais ce n’est malheureusement pas là que vous allez retrouver la chaîne QUB. Celle-ci s’installe dans l’ancien espace laissé vacant par la chaîne jeunesse Yoopa qui a tiré sa révérence dans la nuit de mercredi à jeudi.

Les émissions de QUB sont diffusées sur Illico (chaîne 651) et Helix (chaîne 70) pour les abonnés de Vidéotron. Elles seront aussi offertes aux abonnés de Telus (chaîne 528).

En semaine, on pourra entendre Alexandre Dubé (à partir de 6 h), Richard Martineau (à partir de 9 h), Benoit Dutrizac (à partir de 11 h 30), Yasmine Abdelfadel (à partir de 14 h), Sophie Durocher (à partir de 15 h) et Mario Dumont (à partir de 16 h). Quant à Mathieu Bock-Côté, il anime une nouvelle émission à partir de Paris (du lundi au jeudi, à 8 h).

Les studios de QUB sont situés au rez-de-chaussée de l’immeuble d’Archambault. Dans quelques mois, les équipes déménageront dans de nouvelles installations du 4545, rue Frontenac où seront réunis les journalistes et animateurs du Journal de Montréal et de TVA.

On le sait, les émissions de QUB sont surtout basées sur l’opinion et le débat. Dans ce contexte, allons-nous jouer sur le terrain des émissions de télé qui rassemblent des analystes politiques ? Je pense à La joute ou aux Mordus de politique.

« Oui et non, dit Jean-Nicolas Gagné. Ces émissions font véritablement du débat. Nous sommes plus dans l’opinion et l’analyse. Notre rythme est différent. Il est plus détaché. »

Il m’arrive de tomber régulièrement sur des extraits d’émissions de radio qui ont été croqués par des caméras. Selon la qualité du studio, le résultat peut parfois désavantager le minois des animatrices et des animateurs. À QUB, où un éclairage sophistiqué a été prévu, il n’y aura pas de maquilleuses ou d’habilleuses.

« Les animateurs restent les mêmes, ajoute Jean-Nicolas Gagné. Ils vont continuer de prendre soin d’eux comme ils le font tous les jours. »

La question que je me pose est : les animateurs changeront-ils leur manière de faire maintenant qu’ils savent qu’ils sont filmés en permanence et en direct ?

Je suis tombé sur une étude d’une chercheuse française qui s’est intéressée à la présence des caméras dans les studios de France Inter.

Celle-ci en vient à la conclusion que la vidéo change le style des animateurs, journalistes et commentateurs. Le fait d’être filmé modifie le comportement et les propos des personnes en studio (rythme, intensité de la voix, contenu). De plus, cela aurait un impact sur la relation avec les invités. La liberté de leur propos serait affectée par la présence des caméras.

Bref, pour les animateurs qui ne connaissent pas déjà le pouvoir de l’image, ce changement peut avoir un impact. Ne l’oublions pas, on reconnaît davantage au supermarché un animateur qui fait de la télé que celui qui est à la radio.

Tout cela est fascinant et la chaîne spécialisée de QUB sera à cet égard un excellent laboratoire pour qui aime observer ce genre de phénomène.

La radio est écoutée, mais aussi regardée sur les téléphones intelligents, les tablettes et maintenant à la télé. Cette radio « filmée », « visuelle » ou « augmentée » est en train de révolutionner un médium qui, au risque de me répéter, vieillit formidablement bien.

Mais cette ère de « radiomorphoses » serait-elle en train de retirer à ce média ce qui est au cœur de son ADN, c’est-à-dire son mystère et le pouvoir qu’il exerce sur notre imaginaire ? La question se pose.

En tout cas, avec QUB, on aura le choix de privilégier nos yeux ou nos oreilles selon notre humeur.