Ça faisait un bail que je n’avais pas autant ri en visionnant une nouvelle série québécoise. On s’entend que la tendance actuelle penche plus vers les attaques au marteau et les animaux martyrisés que vers les gags punchés et bien ciselés.

Dans cet océan télévisuel de détresse et de violence, la plateforme Crave de Bell Média dépose mercredi une bulle pétillante de fraîcheur, soit la comédie Inspirez expirez, probablement l’œuvre la plus amusante et la plus surprenante de l’année.

Oui, c’est bon à ce point-là. J’ai vu jeudi 3 épisodes – sur un total de 10 – et j’ai été charmé par les délicieux textes de Sonia Cordeau (épaulée par Frédéric Ouellet) ainsi que par la réalisation efficace de Jean-François Chagnon, deux anciens membres des Appendices.

Mais Inspirez expirez, campée dans une retraite de yoga, n’a rien à voir avec l’humour absurde de ce groupe des sept, qui a sévi à Télé-Québec entre 2009 et 2016.

Cette comédie super originale loge à mi-chemin entre The White Lotus et Knives Out. De leur côté, les créateurs d’Inspirez expirez la décrivent comme une fusion entre le film Seven de David Fincher et Scooby Doo.

Comédie noire ou thriller comique, tout ça colle à Inspirez expirez, qui s’articule autour de deux jeunes femmes de 36 ans gravitant dans le même groupe d’amies. Plus masculine dans son énergie, Sophie (Sonia Cordeau) fume comme une cheminée, travaille comme intervenante en centre jeunesse et tripe sur les pools de hockey.

À l’opposé, la coquette Vicky (Virginie Fortin) ne se sépare jamais de son brillant à lèvres et adore flirter avec des hommes et des femmes, peu importe. Comme Sophie et Vicky partagent la même date d’anniversaire, elles déballent un cadeau commun empoisonné, soit un forfait – non transférable – pour un week-end de yoga et de ressourcement dans le fin fond des bois.

AFFICHE DE LA SÉRIE INSPIREZ EXPIREZ

Les deux vedettes de la série, Sonia Cordeau et Virginie Fortin

Mais il y a des mottons dans l’infusion : la caustique Sophie et la parfaite Vicky ne se blairent pas. En apparence, elles se tolèrent dans leur cercle de « chums de filles », mais leurs caractères opposés ne s’arriment juste pas. Cette fin de semaine holistique les force donc à dormir dans la même petite cabine en bois rond (horreur !), à fraterniser (cauchemar !) et à s’ouvrir l’une à l’autre (punition !). Et c’est là que le plaisir démarre, pour nous, les téléspectateurs.

Très rapidement, on comprend qu’un meurtre (et peut-être plus ?) a été commis parmi les participants, tous très flyés, de cette retraite de yoga dirigée par Antara Yoni (Édith Cochrane), une prof louche plus disposée à monnayer les chakras qu’à les replacer.

Parmi les clients de Carolanne, pardon, d’Antara Yoni, il y a Sahara (Linda Malo), une femme ésotérique au plancher pelvien souple et résistant, il y a Lou (Raphaëlle Lalande), une introvertie finie quasi muette, il y a la colérique Manon (Chantal Baril), un croisement entre une employée du Tim Hortons et le lutteur Jacques Rougeau, il y a l’instababe Johany (Justine Ashby), créatrice de contenu web aux faux seins, et il y a Marc-Antoine (François Ruel-Côté), un surfeur niais à la recherche d’une baise.

Et comme les cellulaires ont été confisqués et que la ligne dure a été coupée, pas moyen pour personne de communiquer le monde extérieur.

À ne pas oublier sur la liste des gens ambigus : la mystérieuse cuisinière Paule (Isabelle Vincent) et son conjoint, l’homme à tout faire Frank (Tony Calabretta), deux employés du domaine qui appartient au visqueux conférencier motivateur Richard Sicotte (Marc Labrèche).

PHOTO BERTRAND EXERTIER, FOURNIE PAR BELL MÉDIA

Melania Balmaceda Venegas et Steve Laplante, les deux policiers chargés de l’enquête

C’est un policier un brin nigaud, Damien (Steve Laplante), qui enquêtera sur l’assassinat, flanqué de la policière cadette Andréa (Melania Balmaceda Venegas). Ces deux-là forment une paire, comment dire, particulièrement divertissante.

Les répliques d’Inspirez expirez contiennent des perles sur la lucrative industrie du bien-être, plus axée sur l’argent que sur l’épanouissement. En filigrane, la série aborde des sujets très contemporains comme l’amitié féminine, la maternité et la fluidité de l’orientation sexuelle.

On ne s’emmerde pas une seconde devant chacun des épisodes de 30 minutes. L’action progresse rapidement, les blagues s’enchaînent à un rythme carabiné et notre cerveau de détective s’active à démasquer le tueur. Comme dans Aller simple, mais en version bidonnante.

Oui, ça se peut. Pensez aux univers des frères Coen, le film The Shining, ainsi que les séries Nine Perfect Strangers et Only Murders in the Building. C’est tout ça, Inspirez expirez, avec un ton décalé et un esprit éclaté qui méritent votre temps d’écran.

Toute la distribution de cette comédie possède un sens du comique épatant. Vous y verrez également Katherine Levac et Alice Pascual, qui campent les deux amies ayant acheté le damné forfait en nature des deux « rivalamies » Sophie et Vicky.

Bonus : on entend la chanson L’une va sans l’autre de Vénus 3 dans le premier épisode. Et ça, ça requinque davantage qu’un bain de forêt, un morceau de tofu gluant ou un cristal chargé à l’énergie de la pleine lune.