On s’attendait à rencontrer des situations de stress aigu durant notre visite des coulisses d’En direct de l’univers, le week-end dernier. Alerte au divulgâcheur : on n’a rien observé de tel… malgré deux incidents qui auraient certainement déstabilisé une équipe moins expérimentée.

On s’attendait à plonger au cœur d’une course effrénée, car après tout, chaque semaine, le populaire rendez-vous télévisuel de France Beaudoin est diffusé – comme son titre l’indique – en direct, après deux journées de répétitions intensives aux Studios Grandé, dans l’arrondissement du Sud-Ouest, à Montréal. Une quinzaine d’heures de répétitions pour accoucher d’une émission de 60 minutes, qui compte une pléiade de numéros musicaux ambitieux, réunissant des professionnels, mais également des amateurs, des proches de l’artiste invité, lesquels n’ont jamais chanté en public. Le tout, sans filet.

Et pour exacerber cette tension potentielle, la moindre erreur est commise devant, en moyenne, 1 208 000 téléspectateurs, selon les données confirmées de Numéris.

Bref, on s’énerverait à moins. Beaucoup moins.

Et pourtant, les sourires détendus supplantaient largement les fronts soucieux, parmi l’équipe de 125 personnes qui préparaient l’émission, samedi. Aucun semblant d’altercation, plutôt de nombreux high five, quelques câlins, des blagues et beaucoup, beaucoup (attention au terme tendance des années 2020) de bienveillance.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Marie-Mai en prestation

En entrevue durant une pause lunch, après s’être abondamment excusée du manque de détails croustillants qu’elle pouvait nous livrer, France Beaudoin parle d’une politique « zéro énergie perdue », qui s’articule autour d’une réduction des agitations inutiles. En d’autres mots, personne ne « brûle de gaz pour n’importe quel conflit et/ou niaiserie », précise l’animatrice.

« Il y a des gens qui pourraient se trouver importants, des gens qui pourraient être tentés de crier parce qu’on passe en direct le samedi soir. Mais personne ici n’a besoin d’élever la voix pour montrer qu’il est en vie. Tout le monde peut être efficace en ayant du plaisir. Tout le monde fait son max, max, max, mais personne n’engueule personne », souligne l’animatrice, productrice associée et collectionneuse de trophées Gémeaux.

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France Beaudoin

Productrice au contenu avec Josée Beaudoin (la sœur de France), Marie-Claude Lévesque qualifie l’ambiance de « familiale ». Preuve à l’appui : la nouvelle maman est souvent accompagnée d’Alexis, son fils de 18 mois, lorsqu’elle assiste aux répétitions. Muni d’un casque d’écoute antibruit pour atténuer les sons particulièrement forts, comme ceux émanant du batteur Paul Brochu, le petit homme paraît heureux comme un poisson dans l’eau.

« La conciliation travail-famille fait partie des valeurs de France [Beaudoin] comme leader, indique Marie-Claude Lévesque, qui habite à Baie-Comeau, à huit heures de route de Montréal. Quand je viens, j’amène souvent mon enfant, mon chum, mes parents… C’est très ouvert. »

C’est un plateau très joyeux parce qu’on crée une surprise pour quelqu’un, poursuit-elle. Quand on prépare l’émission, on est toujours dans l’esprit : ‟Mon Dieu qu’on a hâte qu’il ou qu’elle voie ça !”

Marie-Claude Lévesque, productrice au contenu

Tissée serré

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Très émue, Marianne St-Gelais étreint son ancienne coéquipière Kim Boutin durant une pause publicitaire. Au même moment, en coulisses, on distribuait des mouchoirs pour permettre aux artistes d’essuyer leurs larmes.

Ça crève les yeux, l’équipe d’En direct de l’univers est tissée serré. Plusieurs y travaillent d’ailleurs depuis son lancement sur ICI Télé, en septembre 2009.

Au fil des saisons, l’équipe a instauré divers rituels. On chante la même chanson juste avant d’entrer en ondes, pendant que France Beaudoin distribue les poing-à-poing (fist bumps). Après l’émission, on décante autour d’une bière, d’un verre de vin ou d’un cocktail sans alcool au deuxième étage du studio. Et quand on finit de répéter un numéro quelques minutes plus tôt que prévu (ce qui arrive rarement, étant donné l’horaire serré et l’énorme charge de travail), un mini-jeu-questionnaire musical est organisé. (Anecdote qui manque crûment d’humilité : le journaliste qui signe cet article a remporté l’édition-éclair tenue en milieu d’après-midi, après avoir reconnu A View to a Kill de Duran Duran en 0,5 seconde.)

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Andréanne A. Malette, après son passage au maquillage-coiffure, en après-midi

« On travaille ensemble depuis tellement d’années, commente le directeur musical, Jean-Benoit Lasanté. C’est une ambiance hors du commun. Tout ce qu’on fait, c’est triper. »

Les joies du direct

Malgré une décharge d’adrénaline à 19 h tapant, au moment où l’enregistrement commence, cette atmosphère conviviale, voire décontractée, a perduré, samedi dernier… même lorsque l’équipe eut appris, en consultant les commentaires sur Facebook, qu’un nombre croissant de téléspectateurs déploraient des pertes intermittentes de son. L’existence du pépin technique (résultant d’une pièce d’équipement défectueuse, nous expliquera par la suite Radio-Canada) s’est répandue comme une traînée de poudre en studio, d’où cette course effrénée d’un régisseur, observée en coulisses en début d’émission.

Mais aussitôt que l’équipe a réalisé qu’il s’agissait d’un problème de mise en ondes qui affectait la région de Montréal, et qu’elle n’y était pour rien, l’état de zénitude est revenu au galop.

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Mariana Mazza replace ses cheveux en coulisses, avant son numéro.

Même phénomène lorsque Mariana Mazza a dévoilé accidentellement sa poitrine, alors qu’elle bondissait frénétiquement en entonnant Get Down des Backstreet Boys. La principale concernée paraissait décontenancée après l’incident, mais personne n’a paniqué, d’autant plus qu’après vérification des images, le pire avait été évité. De justesse.

Continuer à surprendre

Pendant encore combien d’années l’émission En direct de l’univers réussira-t-elle à égayer nos samedis soir ? Difficile à dire. Chose certaine, France Beaudoin s’efforcera de trouver des façons de surprendre le public – et surtout son équipe – jusqu’au tout dernier épisode.

« Aussitôt qu’on s’assoit, c’est fini, croit l’animatrice. C’est pour ça qu’en début de saison, c’était important pour moi d’arriver avec Zaz, Paul Piché qu’on kidnappe, une spéciale Petite vie, des idées nouvelles… Pour stimuler les troupes. Notre équipe est composée de personnes qui carburent aux défis. Des gens pour qui c’est un moteur. Des gens qui remettent tout en question tout le temps, pour qui ce n’est jamais fini tant que l’émission n’est pas faite. Quand tu réunis ce type de personnes dans une même équipe, ça crée une machine de télévision extraordinaire. »

En direct de l’univers est diffusée sur ICI Télé le samedi à 19 h.