Le quatrième épisode du talk-show éclaté Je viens vers toi de Marc Labrèche a été le meilleur jusqu’à présent.

L’entrevue à Ogunquit avec Josélito Michaud, le caméo de Mado Lamotte en début d’émission, l’orchestre maison qui reprend la chanson thème de la série The White Lotus, le picossage entre la comédienne Sophie Nélisse et l’humoriste Matthieu Pepper ou Lunou Zucchini qui s’attaque au succès Flowers de Miley Cyrus… Il s’est passé des choses originales et surprenantes autour de la table circulaire de l’animateur et de ses chroniqueurs-chakras.

Après deux semaines de diffusion, on découvre enfin le plein potentiel de cette nouveauté printanière de Noovo, qui a connu un départ raboteux, disons-le.

Les deux premiers épisodes n’ont pas été convaincants ni très rigolos. Les mouvements « spontanés » de Marc Labrèche, qui se lève de son siège et qui se balade en studio, avaient l’air de tout sauf d’être spontanés.

Les entrevues manquaient de tonus, de piquant et de substance, ce qui ne sert jamais les invités, réduits au rôle de figurants dans le théâtre de l’absurde de Marc Labrèche. Le ton n’était pas clair, l’intention non plus. Bref, ce méli-mélo confus était sur le point d’éteindre ma flamme télévisuelle, tel un Patrice Bélanger à la fin d’un conseil de tribu de Survivor.

Mais c’est souvent comme ça avec le grand blond (parfois sournois) de la télé québécoise. Ses projets aboutissent en ondes très, très tôt et se modulent au fil des semaines. L’équipe du talk-show se rode et s’ajuste sous nos yeux, ce qui irrite certains téléspectateurs n’ayant pas le temps ni le goût d’assister à un atelier de création jalonné d’essais et d’erreurs. C’est compréhensible.

Il faut le préciser, Marc Labrèche et Véronique Cloutier sont peut-être les deux seules pointures du showbiz québécois à pouvoir tester la patience de leur public sans trop subir de conséquences. Ils ont la notoriété, l’expérience et le talent pour que les diffuseurs leur fassent confiance à la barre de projets plus audacieux que, disons, celui d’un format acheté dans un catalogue international.

Le danger de ces productions « construites en plein vol » se mesure aux audimètres de Numeris. Eh oui, les sacro-saintes cotes d’écoute. Le premier épisode de Je viens vers toi a été vu, en direct, par 364 000 fidèles, contre 184 000 pour le dernier. La moitié moins. La première impression compte énormément et quand elle est ratée, c’est hyper difficile de renverser la vapeur.

Il y a tellement d’offre, sur une quantité phénoménale de plateformes différentes, que les téléspectateurs fuient au moindre décrochage. C’est la réalité actuelle de la télé et il faut en tenir compte. Si un truc ne nous happe pas rapidement, pouf, on disparaît dans les méandres de Crave, Disney+ ou Netflix, qui regorgent de séries à explorer. C’est cruel de même.

Je viens vers toi s’avère une œuvre étrange et explosée, aussi bien dans sa structure que dans son contenu. L’émission joue deux soirs par semaine, les mardis et mercredis à 20 h, un horaire atypique qui complique la fidélisation de l’audience.

Par ailleurs, les (nombreux) collaborateurs qui entourent Marc Labrèche ne vibrent pas tous sur la même fréquence et disposent de peu de temps pour puncher. Les meilleurs sont ceux qui connaissent bien l’animateur, comme Guylaine Tremblay ou Élise Guilbault, et qui n’essaient pas d’imiter son style flyé, parfois décousu.

Parmi les recrues, l’actrice Fabiola Aladin a été excellente, car elle a déposé son univers singulier à la table, et non l’inverse, ce qui a débouché sur des interventions drôles et charmantes.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE L’ÉMISSION

Élise Guilbault et Ricardo Larrivée à l’émission Je viens vers toi

On le voit tout de suite quand ça clique sur le plateau de Labrèche, notamment entre Ricardo Larrivée et Élise Guilbault, ou entre Fabien Cloutier et Claude Legault. Ce type de complicité ne se feint pas.

J’adore la chanson thème de Je viens vers toi, de même que l’orchestre de l’émission, qui occupe une place de choix, avec raison. On veut toujours plus de saxophone dans nos vies.

On veut également plus de surprises comme Ariane Moffatt qui a revisité Nuit magique de Catherine Lara dans l’épisode de Katherine Levac.

Sur papier, l’idée du feuilleton Les Labrèshian, parodie de la célèbre famille Kardashian habillée en beige et crème, est géniale. À l’écran, c’est moins réussi et pas super comique. Le plus rigolo vient souvent des invités spéciaux comme Martin Matte ou Denis Lévesque.

Quant aux parodies, c’est variable, comme ce l’était à Cette année-là. Le coach Martin St-Louis a été hilarant et le ministre Bernard Drainville, plutôt décevant.

Le plus important, c’est de ne jamais oublier d’inclure le téléspectateur dans ce joyeux délire. En studio, tout le monde pouffe et s’esclaffe, mais ce party d’initiés ne traverse pas nécessairement dans nos salons.

Heureusement, ça se place. Les chakras viennent à Marc Labrèche qui, lui, s’approche un peu plus de nous et de l’extase en 3600 secondes.