J’ai découvert FouKi lors de longs trajets en voiture avec mon frère à la campagne, et j’ai tout de suite succombé à sa voix paisible et mélancolique, qui nous berce tout en nous faisant bouger.

Il y a toujours dans sa musique un appel à la douceur de vivre malgré l’époque lourde dans laquelle nous vivons. J’ai l’impression qu’on se sent tout le temps bien quand on écoute du FouKi, et c’est un compliment qui semble lui faire plaisir. « Quand j’ai commencé à faire de la musique, j’écoutais souvent des artistes comme Koriass, et lui, sa voix est dans le tapis, contrairement à moi où tu as l’impression que je te chuchote dans l’oreille, dit-il, attablé au bar Le renard, de la rue Sainte-Catherine, à Montréal. J’ai déjà essayé de faire ça, mais ça ne marchait jamais, et un moment donné, j’ai découvert que mon truc, c’était d’être smooth et relax. »

Cette voix continue de nous envelopper dans Zayon, le quatrième album de l’artiste de 26 ans qui s’est imposé dans le paysage du rap québécois très jeune et en très peu de temps, notamment en remportant le prix de l’interprète masculin de l’année en 2021 à l’ADISQ. C’est celui sur lequel il dit avoir le plus travaillé, entouré de ses complices, QuietMike, Pops and Poolboy, Ruffsound, Adem Boutlidja, BYNON et Jay Century, pendant la pause forcée de la pandémie qui n’a cependant pas freiné son ascension. « J’ai fait moins de shows, c’est sûr, mais j’ai eu plein de présences à la télé. »

On l’a vu par exemple au Bye bye, dans les pubs de Couche-Tard et dans La mélancolite de Bruno Blanchet, jusqu’à cet amusant lapsus de Ginette Reno qui l’a rebaptisé Funky lors du dernier gala de l’ADISQ, où il a gagné le prix de la meilleure chanson pour Copilote en collaboration avec Jay Scott. « Ça, c’était drôle. Il y a tout le temps des petites affaires comme ça, et veux, veux pas, c’est un peu de la chance, ça fait que les gens en parlent, ça fait que mon monde devient plus gros. »

Les affaires roulent bien pour FouKi, qui présentera deux grands spectacles pour la sortie de Zayon, le 8 avril à la Place Bell de Laval et le 22 avril au Centre Vidéotron à Québec. En ne se prenant pas la tête et en ne jouant pas les mauvais garçons, il fait le pont entre les générations, assez pour dire dans On l’fait, troisième pièce de l’album en collaboration avec Imposs, qu’il est le « rappeur préféré de Ricardo ».

Honnêtement, c’est l’un des plus beaux compliments qu’on puisse me faire, quand je vois autant des enfants que des parents et des grands-parents qui connectent avec ma musique. Je dois continuer à me faire plaisir et ça va leur faire plaisir aussi. Il y a comme l’effet Dans une galaxie près de chez vous, qui était censé être pour les enfants, mais au final, tout le monde aimait ça.

FouKi

Mais qu’aurait-il à dire aux puristes du rap qui pourraient trouver qu’il flirte trop avec la pop, à plaire autant à Ricardo qu’à des madames comme moi ? « J’ai envie de faire ce que j’aime. Ma musique va toujours changer, je ne veux pas être la copie de moi-même. C’est mon pire cauchemar de vouloir refaire du FouKi. Je veux que ce soit du FouKi, no matter what, mais que je puisse explorer de nouveaux territoires musicaux. Ne pas faire toujours Gayé, tu sais. Des gens quittent peut-être mon type de musique, mais c’est correct, je vais aller en chercher d’autres. Il y en a peut-être qui vont revenir à un moment donné, mais je ne peux pas gérer ça. Je fais ma musique et that’s it. »

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

FouKi

Enfin, dans un petit marché comme le Québec, où faire du rap en français demeure une affirmation (même si les ayatollahs de la langue chialent contre le franglais qui colore le genre), il faut savoir ratisser large, il n’est pas naïf. « Déjà, on est chanceux d’en vivre, croit-il. Si je faisais du gros rap gangsta, je ne pense pas qu’on aurait une entrevue ensemble aujourd’hui. Il faut être un peu mainstream, on n’a pas le choix. »

Paradis artificiels

FouKi est particulièrement fier de cet album sur lequel il a planché pendant deux ans en se donnant le temps de la minutie, où se côtoient la joie et la nostalgie et un métissage d’influences musicales. On sent une quête de bonheur dans Zayon, qui donne son titre à l’album. « C’est une des premières tounes que j’ai faites, qui évoque ces moments où on était tous chez nous pendant la pandémie. Il fallait se faire un genre de paradis fictif. C’est un peu ça le Zayon, un paradis qui n’existe pas. Dans cet album, il y a deux lignes directrices en parallèle, un côté plus sombre et un côté plus happy, ça se chevauche bien jusqu’au Zayon à la fin. »

Dans Ségala, il se rappelle sa folle jeunesse quand il « chillait » avec ses amis sur le Plateau où il a grandi, en s’achetant des « 100 grammes de hasch » – il y a encore beaucoup d’herbe chez FouKi et elle est toujours verte. Il se montre même nostalgique d’une époque qu’il n’a pas connue dans 80’s, une ode aux années 1980 qui vient d’être lancée avec un vidéoclip où il s’amuse à s’habiller dans les couleurs criardes de cette décennie, alors qu’il est né dans les années 1990.

Pourquoi cette génération-là tripe-t-elle autant sur les années 1980 ? La faute à la série Stranger Things, dit-il, mais aussi parce qu’il estime que c’est dans cette période que la musique s’est décloisonnée, pour lui qui n’aime pas les barrières entre les genres. « J’aurais aimé vivre ces années-là ! »

FouKi s’est même permis une chanson très rigolote pour la fête de la Saint-Jean, en tandem avec P’tit Belliveau. St-Han Quinzou fait un clin d’œil à notre fête nationale en même temps qu’à la fête nationale des Acadiens, ainsi qu’à ces accents bien de chez nous. Parce qu’après tout, on a toujours besoin de nouvelles chansons pour faire la fête, comme on a toujours besoin de nouvelles tounes de Noël.

« C’est exactement ça ! Ça fait quelques années que je fais des spectacles de la Saint-Jean-Baptiste et c’est toujours un évènement plus gros que nature. On aurait dit qu’il fallait que je fasse une chanson pour la fête nationale et pourquoi pas aller chercher un Acadien francophone ? Je trouvais ça le fun d’avoir un merge des deux fêtes, qui est le 15 août pour eux. Qui sait, cette chanson-là aura peut-être 2 millions de stream à chaque Saint-Jean et dans 30 ans, ce sera un jeune rappeur qui la chantera sur scène ! »

Mais où se voit-il lui-même dans quelques années ? « Je ne sais pas. On dirait que je n’ai pas le goût de penser à ça maintenant. Je vais peut-être déménager en Inde et devenir bouddhiste ou aller rejoindre Bruno Blanchet en Thaïlande. Je vais peut-être habiter encore sur le Plateau où j’aurai ma statue. Je ne sais pas et je m’en fous, peu importe ce sera quoi. »

« Right now des problèmes j’en ai zéro », chante-t-il dans la pièce No Stress, où il affirme aussi que « la musique a tout remis en ordre ». Ça veut tout dire, non ?

En tournée du Québec à partir d’avril. À la Place Bell (Laval) le 8 avril et au Centre Vidéotron (Québec) le 22 avril.

L’album sortira le 17 février.

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