Que peut-il arriver de pire, mais de vraiment pire, dans la carrière d’un humoriste québécois ? D’être plus pertinent en animateur de télé que sur une scène ?

De faire la première partie des trois ténors de l’humour ? Ou d’arrondir les fins de mois en vendant des fours à pizza ?

Rien de tout ça, même si ces trois situations demeurent hautement traumatisantes. La catastrophe ultime pour un comique, c’est que ses numéros ne déclenchent aucun rire dans la salle. Genre, rien du tout. Comme dans un spectacle de (insérez ici le nom d’un groupe humoristique de l’époque des Foubrac).

Ne pas rigoler, voilà ironiquement le but du grand jeu comique LOL – Qui rira le dernier ? que pilote l’excellent Patrick Huard pour la plateforme Prime Video d’Amazon.

C’est vraiment très, très bon. Simple, efficace et fort divertissant. Je ne pensais jamais rire autant en essayant de ne pas rire, justement. Les trois premières demi-heures de LOL – Qui rira le dernier ? ont été mises en ligne le 6 janvier et les trois dernières suivront vendredi. Il s’agit de la première production financée par le géant américain Amazon chez nous.

Le concept, qui dérive du format japonais LOL : Last One Laughing, se résume de façon succincte. Dix humoristes – ou personnes drôles comme Édith Cochrane – passent six heures dans un manoir coloré à la Big Brother. La seule consigne que Patrick Huard leur impose : interdiction de pouffer, de glousser ou même d’esquisser le début d’un sourire pendant leur séjour dans le loft.

C’est face de poker, face de po-po-po-ker pour tout le monde, dirait Lady Gaga. Installé dans une régie à multiples écrans, l’animateur Patrick Huard guette le moindre rictus se formant au coin des lèvres des dix joueurs. À la première infraction, carton jaune d’avertissement. Comme sur un terrain de soccer. Au deuxième accroc, carton rouge et expulsion de la maison.

À la toute fin, celui ou celle qui aura résisté aux sympathiques attaques de ses collègues empochera 100 000 $, qu’il versera à l’organisme de charité de son choix.

S’affrontent dans cette joute d’improvisation inhabituelle : Marie-Lyne Joncas, Christine Morency, Rachid Badouri, Virginie Fortin, Arnaud Soly, Richardson Zéphir, Yves P. Pelletier, Laurent Paquin, Édith Cochrane et Mathieu Dufour.

Pour essayer de se faire craquer entre eux, les candidats disposent de perruques colorées, de costumes loufoques et d’une petite scène, où ils exécutent chacun un numéro original.

Là, vous soupirez sûrement : bon, un autre party d’humoristes qui se parlent entre eux, qui niaisent en circuit fermé et qui se trouvent tellement drôles, au secours, c’est emmerdant et plate. Pas du tout. Dans votre sofa, essayez juste de ne pas sourire en les regardant et vous comprendrez l’ampleur du défi imposé.

Pour éviter l’éviction, les dix candidats se mordent les joues ou font la bouche de poisson, question d’effacer toute expression rieuse sur leur visage. Virginie Fortin offre des moments hilarants, Marie-Lyne Joncas aussi, mais c’est Christine Morency qui vole la vedette au deuxième épisode dans une scène burlesque qui implique un pet et le visage d’Arnaud Soly.

Le numéro de Laurent Paquin et ses poupées gonflables est mourant. Le cours de diction de Cherze Siachon (Yves P. Pelletier) m’aurait fait flancher en deux secondes.

L’intérêt de LOL – Qui rira le dernier ? réside également dans les vannes que s’échangent les concurrents sans ciller. Ça prend de la repartie, du contrôle et de l’agilité pour triompher à cette émission. Quand les joueurs s’apprêtent à flancher, soit ils marchent en fixant le sol, soit ils publicisent leur statut : « je suis fragile, je suis fragile ».

Patrick Huard évolue dans cet univers éclaté avec une aisance remarquable. Il est bon public, très impliqué, mais ferme dans l’application des règlements. Dans cette production hyper amusante, ce n’est pas parce qu’on ne rit pas que ce n’est pas drôle. Au contraire.

Où est le public, seigneur ?

Visiblement, si l’on se fie aux données d’écoute de Numeris, de moins en moins de gens visionnent leurs séries préférées en direct. Prenons mardi soir, par exemple, l’une des soirées les plus riches en nouvelles émissions cet hiver.

Évidemment, STAT (1 357 000 téléspectateurs) et Indéfendable (1 187 000) continuent de caracoler au sommet. Mais à 20 h, terrain de bataille des grosses fictions de l’hiver, aucune émission n’a franchi la barre des 700 000 téléspectateurs. Le premier épisode des Bracelets rouges 2 a été vu par 681 000 adeptes à TVA, se faufilant tout juste devant le nouveau téléroman À cœur battant de Radio-Canada, qui a intéressé 676 000 fidèles. Chez Noovo, Virage : Double faute a obtenu une cote d’écoute évaluée à 176 000 curieux.

Les chiffres de 21 h n’ont pas été plus impressionnants. Le téléroman Nous (418 000) à TVA et la série policière Larry (393 000) de Radio-Canada n’ont pas cassé la baraque, tandis que La semaine des 4 Julie a été visionnée par 198 000 fans. C’est Big Brother Célébrités (549 000) qui a procuré à Noovo son meilleur score de la soirée.

Reste que des séries qui ne tirent qu’à 400 000 téléspectateurs à 21 h, c’est faible et inquiétant comme performance. Où est allé tout ce monde qui avait quelque chose à regarder ?