Comme la Chambre des représentants aux États-Unis, la scintillante série The Crown de Netflix renouvelle tout son personnel tous les deux ans.

Le cinquième chapitre de cette somptueuse et sulfureuse saga, en ligne depuis mercredi, visse au palais de Buckingham une nouvelle princesse Diana (émouvante Elizabeth Debicki), un nouveau Charles (Dominic West, alias le détective McNulty dans The Wire) et une nouvelle reine Élisabeth II, maintenant jouée par Imelda Staunton (la cruelle Dolores Ombrage dans Harry Potter), qui succède à l’impériale Olivia Colman, qui, elle, succédait à la lumineuse Claire Foy. Vous suivez toujours ? Super.

Une coche au-dessous de la quatrième saison qui a été phénoménale, la cinquième livraison de The Crown, qui couvre la période tumultueuse des Windsor comprise entre l’été 1991 et le début de 1997, s’avère plus salace, sensationnaliste et moins harmonieuse que les précédentes.

Par contre, une saison plus faible de The Crown demeure un divertissement de qualité royale, devant lequel il faut quasiment faire la révérence. C’est de la télé de prestige confectionnée avec un souci du détail aiguisé, si on exclut quelques libertés factuelles prises par le scénariste Peter Morgan. Nous y reviendrons plus tard.

Cet opus grinçant et sombre ravive de nombreux scandales humiliants pour la couronne, dont le fameux tampongate, qui ont nourri les tabloïds de l’époque. Voilà pourquoi des monarchistes ont serré leurs colliers de perles avant même la sortie des épisodes. Quel manque de respect envers la famille royale, deux mois après la mort d’Élisabeth II, ont-ils pleuré dans les journaux britanniques.

Au Québec, personne ne s’indignera que cette série étrille des personnages riches, privilégiés et déconnectés de la réalité, qui vivent dans une bulle dorée inaccessible. Et le tampongate ? demandez-vous avec insistance. Il se déroule au cinquième épisode. La transcription d’un appel privé entre le prince Charles et sa maîtresse Camilla Parker Bowles (Olivia Williams) a fuité dans une feuille de chou, en janvier 1993. On y entend Charles roucouler qu’il aimerait se réincarner en tampon – un Tampax, précise-t-il – afin de pouvoir vivre à l’intérieur de sa Camilla. La honte internationale, quoi.

The Crown 5 consacre aussi un épisode complet à l’annus horribilis de la reine Élisabeth II en 1992. Incendie au château de Windsor, séparation de Charles et Diana, rupture entre le prince Andrew et Sarah « Fergie » Ferguson (la duchesse d’York) ainsi que le divorce de la princesse Anne et son remariage rapide n’ont pas épargné la souveraine, entraînée de façon militaire à sauvegarder les apparences et à maintenir le décorum.

Déconstruite, cette saison ne se déroule pas 100 % de façon linéaire et comprend des épisodes bouclés, qui ressortent des pans de vie moins connus de ces aristocrates dysfonctionnels. La captivante troisième heure se consacre entièrement à la montée de la famille égyptienne Al-Fayed, dont le fils, Dodi Al-Fayed (Khalid Abdalla), a également péri dans l’accident de voiture qui a tué la princesse Diana en août 1997.

Divulgâcheur : la séquence funeste au pont de l’Alma, à Paris, n’apparaîtra que dans la sixième et ultime saison de The Crown.

Maintenant, comment les Al-Fayed, qui n’ont pas de sang bleu, ont-ils gravi les échelons de cette société ultra rigide et fermée aux étrangers ? Ça, c’est fascinant. Le père Mohamed (Salim Daw) achète d’abord le Ritz à Paris, puis le luxueux magasin Harrod’s de Londres, et finance même le long métrage Les chariots de feu, gagnant de l’Oscar du meilleur film en 1982.

Malgré quelques apparitions de Boris Eltsine, de Tony Blair et du premier ministre conservateur John Major, The Crown s’éloigne davantage des enjeux géopolitiques classiques pour se consacrer aux drames intimes. Évidemment, Diana et Charles éclipsent la reine et le prince Philip (Jonathan Pryce, le Grand Moineau dans Game of Thrones) avec leurs infidélités, leurs entrevues controversées et la guerre ouverte qu’ils se mènent pour gagner la bataille de l’opinion publique. Le deuxième épisode détaille la création secrète du célèbre livre d’Andrew Morton (Andrew Steele), auquel Diana Spencer a contribué en cachette et en cassettes. Deux épisodes (7 et 8) creusent également l’interview explosive qu’a accordée la princesse des cœurs au journaliste Martin Bashir (Prasanna Puwanarajah) de la BBC, en novembre 1995.

PHOTO TIRÉE DE LA SÉRIE, FOURNIE PAR NETFLIX

Martin Bashir est interprété par Prasanna Puwanarajah.

Le premier épisode ressemble plus aux premières éditions de The Crown, alors que le yacht royal, le célèbre Britannia, commence à prendre l’eau, tout comme la monarchie à la dérive, que les citoyens jugent dépassée et coûteuse, alors que le pays traverse une difficile récession.

Pour la première fois en cinq saisons de The Crown, Netflix a ajouté un avertissement qui précise qu’il s’agit d’une œuvre de fiction inspirée de faits réels. Merci pour la précision, mais on s’en doutait. Le fond de l’histoire racontée par The Crown est vrai. Les éléments plus poignants ont été romancés ou altérés pour accommoder la structure et la courbe dramatique d’une télésérie. Il me semble que c’est évident.

Un autre point de discorde dans The Crown 5 concerne la relation particulière qu’a entretenue le prince Philip avec Penny Knatchbull (Natasha McElhone). Penny avait 30 ans de moins que Philip et avait épousé son filleul, Norton Knatchbull. Le scénariste Peter Morgan laisse entendre que Philip et sa confidente Penny ont été amants, alors que cette info n’a jamais été confirmée officiellement.

Ce détail vaut-il la peine de grimper dans les lourdes tentures du palais de Kensington ? Comme on dit à Balmoral, oh, bloody hell, no !