Ce ne sont pas les raisons d’être effrayé qui manquent ces temps-ci. Peu importe de quel côté on regarde – politique, économique ou écologique –, il y a de quoi avoir peur. Voilà pourquoi les anxieux, dont je suis, se réfugient dans les films d’horreur.

Oui, oui. Les peureux et les angoissés deviennent souvent de grands amateurs de films d’horreur parce que ça leur permet de combattre le mal par le mal en s’infligeant des frousses incroyables, qui purgent celles qu’ils vivent dans la vraie vie.

L’automne, à mesure qu’on approche Halloween, est leur saison préférée, car c’est un peu leur Festival de Cannes tous les jours quand les films et les séries d’horreur déboulent. Pendant que l’on débat sur les costumes d’Halloween problématiques selon les diverses sensibilités, ils se gavent volontiers de trucs qui les traumatisent à répétition. Plus ils vivent des malaises, plus ils sont heureux.

Une des raisons de mon coup de foudre pour mon chum est que nous sommes tous les deux des amoureux de films d’horreur. Pas de chicane de télécommande, et l’algorithme de Netflix nous rappelle qu’on en regarde souvent. Il est mon Jason, je suis sa Carrie, notre première sortie au cinéma ensemble était pour voir Halloween H20, le septième film de la franchise – on a su que ça cliquait quand on s’est dit que le troisième, qui n’a aucun rapport avec Michael Myers, était sous-estimé.

Ce que j’aime le plus du cinéma d’épouvante est justement le côté fan, qui se fiche pas mal de la notion de chef-d’œuvre.

Parfois, il suffit d’une scène forte dans un film pas très bon pour qu’elle reste coincée dans votre tête jusqu’à la fin de vos jours, ce qui justifie votre amour profond envers ce que d’autres cinéphiles pourraient considérer comme un navet.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Brigitte Poupart durant le tournage du film Les affamés, du réalisateur Robin Aubert

Prenez par exemple un film comme Blood Quantum, de Jeff Barnaby. J’ai été très attristée d’apprendre la mort précoce, à 46 ans, de ce brillant réalisateur micmac, le 13 octobre dernier, d’un maudit cancer. J’étais allée en 2018 sur son tournage dans la réserve de Listuguj, j’avais adoré l’expérience et mon entrevue avec lui. Barnaby connaissait à fond son cinéma d’horreur et voulait inscrire sa communauté dans cette lignée populaire. Parce que si Blood Quantum n’est pas parfait, il s’agit tout de même du premier film de zombies autochtone, ce que je trouvais extrêmement important, comme lorsque Robin Aubert a réalisé Les affamés, le premier film de zombies québécois.

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Dans les deux cas, il y avait des trouvailles indéniables et uniques, ce qui est précisément le sujet de la série documentaire The 101 Scariest Horror Movies Moments of All Time sur Shudder, la plateforme consacrée au cinéma de genre, à laquelle je suis abonnée en dépit d’un budget menacé par les abonnements multiples. En huit épisodes, on établit une liste des moments les plus marquants du cinéma d’horreur, et je dois préciser ici que l’autre dada des amateurs, ce sont les palmarès. Il peut y avoir des heures d’engueulades à propos de ces listes dont les premières positions bougent très lentement. À ce chapitre, l’écrivain Patrick Senécal, beaucoup trop difficile parce que professionnel de l’horreur, est le plus fatigant sur les réseaux sociaux, mais tout le monde aime se pogner avec lui.

Impossible d’échapper à The Exorcist, Jaws, The Shining ou Psycho, qui sont des classiques indélogeables malgré les décennies qui passent. Je pense que cela tient à une chose en particulier : les effets spéciaux par ordinateur n’arrivent pas à surpasser l’incroyable inventivité des artisans qui fabriquaient à la mitaine des choses horribles, comme Rick Baker, Tom Savini ou Rob Bottin. Ce qui compte surtout est lorsque les acteurs ont vraiment la chienne devant ces créations (et la caméra), plutôt que de faire semblant d’avoir peur devant des écrans bleus.

La peur est une émotion particulière, moins respectée que la tristesse ou le rire, qui est pourtant viscérale. Je pense qu’elle peut faire des ravages dans une société qui refuse de la reconnaître.

Toujours est-il que dans la liste des 101 Scariest Horror Movies Moments of All Time de Shudder, sans vous vendre le punch du placement des 100 autres, The Thing, de John Carpenter, arrive en deuxième position. C’est niaiseux, mais j’étais super contente, parce que c’est mon film d’horreur préféré « de tous les temps » et que, sans niaiser, je l’ai vu au minimum 50 fois. Un échec commercial à sa sortie en 1982, l’année où le E. T., de Spielberg, a pris d’assaut la planète (et mon âme d’enfant), j’ai aussi vu The Thing grimper les échelons dans les palmarès, comme si j’avais besoin de cette ascension pour confirmer mes impressions.

Le palmarès de Shudder a le mérite de présenter des films plus récents et d’autres sous-estimés, comme The Exorcist III, qui me fait encore cauchemarder, réalisé par William Peter Blatty, l’auteur du roman qui a donné le chef-d’œuvre de William Friedkin. On tente d’y bousculer la hiérarchie habituelle, le tout commenté par des passionnés qui décryptent des instants d’horreur mémorables. Il y a bien sûr des omissions, et les positions sont fort discutables (voilà tout le plaisir), mais il y a deux ou trois titres là-dedans que je n’ai jamais vus, ce qui va m’inspirer pour ma soirée de cinéma pour Halloween.

À tous les amateurs, je souhaite de beaux frissons !

Mes suggestions

The Thing (V. F. : La chose), de John Carpenter (1982)

Une équipe d’hommes isolés dans une base en Antarctique découvre un parasite extraterrestre qui a la capacité de se substituer à l’hôte qu’il attaque et qu’ils appellent « la Chose », tellement elle est indescriptible. C’est parti pour 109 minutes de paranoïa et de transformations physiques absolument horribles, qu’on n’oubliera jamais. Que voulez-vous, j’ai toujours eu peur des environnements hostiles pour l’humain, et cette bande de gars n’a aucun moyen de fuir sous des températures mortelles. Le plus fascinant est de voir la dynamique de ce boys’ club, car il n’y a aucune scream queen à l’horizon (à moins que « la Chose » soit femelle et, par conséquent, le symbole de la peur du féminin). J’oublie toujours que c’est l’un des rares films de John Carpenter où il ne signe pas la bande sonore, car Ennio Morricone rend un bel hommage à son style.

Prime Vidéo, YouTube, iTunes Store, Google Play

Hereditary (V. F. : Héréditaire), d’Ari Aster (2018)

Il est de plus en plus difficile pour moi d’avoir peur au cinéma, parce que j’ai vu trop de films d’horreur. Hereditary a remédié à cela, à un point tel que j’étais partagée entre la terreur totale et la joie pure de vivre de si grands frissons, qui ne diminuent pas malgré plusieurs visionnements. Ce huis clos familial dont je ne vous dirai rien vient jouer avec nos émotions les plus profondes, et Ari Aster, en un film, a prouvé qu’il était un maître de la mise en scène.

Netflix, YouTube et Prime vidéo. Hereditary est aussi présenté ce vendredi soir au cinéma Moderne à 21 h 30 dans le cadre du festival SPASM.

Fright Night (V. F. : Vampire, vous avez dit vampire ?), de Tom Holland (1985)

Si vous aimez votre film d’horreur plus humoristique, Fright Night est pour vous. C’est mon film bonbon d’Halloween, drôle et inclassable, et, pour tout dire, franchement irrésistible. Un jeune homme, Charlie Brewster, découvre que son nouveau voisin, Jerry Dandridge (suave Chris Sarandon), est un vampire. Le problème est que Dandridge s’en rend compte et veut l’éliminer. Charlie, grand fan de l’émission de télé consacrée aux vieux films d’épouvante et animée par Peter Vincent (génial Roddy McDowall), ira demander de l’aide à cet acteur has-been pour combattre le méchant. Ce film-là est devenu culte chez les amateurs de la communauté LGBTQ parce qu’il est plein d’étranges sous-entendus qui ont troublé beaucoup d’adolescents dans les années 1980.

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