Les anglophones appellent « spooky season » cette période de l’année aux nuits plus fraîches qui précède l’Halloween. La saison des frissons où les feuilles rougissent, où les lattés à la citrouille s’épicent et où les films d’horreur se glissent dans nos soirées de patate de sofa — idéalement sous une couverture de laine éthique tricotée par une entreprise écoresponsable de Pointe-Saint-Charles.

C’est également le moment idéal pour se clencher de nouveau les 153 épisodes originaux de Gilmore Girls et, peut-être, mourir de tachycardie caféinée avec Luke et Lorelai à Stars Hollow, sous le gazebo.

La saison des frissons coïncide également avec la sortie (très attendue par les fans) du film Hocus Pocus 2, Abracadabra 2 en version française, en ligne sur Disney+ depuis la semaine dernière. Les sœurs sorcières Sanderson de Salem, jouées par Bette Midler, Sarah Jessica Parker et Kathy Najimy, y ressortent potions, chaudrons et s’éclairent à la flamme noire d’une chandelle bien spéciale.

Mais ne mélangeons pas nos légendes d’automne, d’accord ? Revenons aux nuits effrayantes, aux terreurs nocturnes et aux chauves-souris en plastique du Jean Coutu. Quoi de mieux pour trembler – en toute sécurité – qu’une télésérie sur le pire tueur des États-Unis, Jeffrey Dahmer, alias le cannibale de Milwaukee ?

D’autant plus que c’est Ryan Murphy (American Horror Story, Ratched), le maître de l’épouvante télévisuelle, qui produit les dix épisodes de Dahmer, offerts en français et en anglais sur Netflix.

Pour faire très court : c’est ordinaire, long et nauséeux. Je suis rendu au quatrième épisode et ça me suffit. Pas besoin de voir autant de reconstitutions de meurtres crapuleux pour comprendre la « fabrication » de ce monstre détraqué.

Mais si le cœur vous en dit, sachez que Dahmer n’épargne aucun détail gore. Lobotomie à la perceuse performée à froid, meurtre à l’haltère et éviscération au couteau de cuisine électrique, les épisodes dégoulinent de sang et sentent la putréfaction. C’est salement dégueulasse, tous ces lieux crasseux filmés en tons de sépia.

Certaines scènes destinées à nous faire « comprendre » l’humain derrière le maniaque sexuel frôlent le ridicule. Au deuxième épisode, Jeffrey Dahmer vole un mannequin dans une boutique de vêtements, ramène le mannequin dans son lit et se frotte dessus en écoutant la chanson Please Don’t Go de KC and the Sunshine Band.

Dans l’heure suivante, les parents de Dahmer divorcent et sa mère dépressive – et accro aux barbituriques – abandonne Jeffrey alors qu’il n’a que 17 ans. Et quelle pièce joue alors que le monde affectif de Jeffrey s’écroule dans ce flashback ? Oui, Please Don’t Go, bingo. Voilà donc où se trouve l’origine du mal : dans l’abandon parental, c’est aussi simplet que ça.

Par la suite, les répliques reprennent ce discours fondateur de Dahmer : il n’en peut plus d’être abandonné, tout le temps, par tout le monde, le pauvre. Pleure-moi une rivière, comme on dit au Wisconsin.

Dahmer insiste beaucoup sur l’enfance du psychopathe, qui a drogué, tué, mangé et dépecé 17 jeunes hommes entre 1978 et 1991. Plusieurs séquences interminables montrent le jeune Jeffrey prépubère qui s’entraîne, encouragé par son père, à vider l’intérieur de petits animaux, dont il triture les boyaux avec une pulsion sexuelle déviante (oui, on voit Jeffrey se masturber en repensant à ses séances d’anatomie macabre).

La série l’évoque à plusieurs reprises, mais aurait pu insister davantage sur cet aspect crucial du récit : l’aveuglement et les biais de la police locale. Homosexuel, Jeffrey Dahmer recrutait ses victimes dans des bars gais, en majorité des hommes noirs ou issus de communautés marginalisées. Au début des années 1990, quand une personne gaie, pauvre et racisée disparaissait, ce n’était pas une priorité, loin de là.

À plusieurs reprises, les policiers ont failli pincer le boucher de Milwaukee, mais ont coupé court aux recherches parce qu’ils avaient peur d’attraper le sida dans l’appartement pourri de Dahmer ou parce qu’ils se foutaient carrément du sort des homosexuels. L’épisode qui raconte la capture et l’assassinat d’un ado immigrant de 14 ans, qui avait pourtant réussi à s’échapper des griffes de son tortionnaire, est enrageant.

Titre le plus populaire sur Netflix, Dahmer commence par la fin, soit le soir fatidique qui débouche sur l’arrestation du sociopathe. Le scénario ne laisse aucune place à l’imagination.

Tout est dit, tout est montré, comme cette tête humaine déposée dans le tiroir à légumes du frigo, ce pénis dans le congélateur ou ce gros baril d’acide qui ronge trois torses humains. Les épisodes suivent ensuite une chronologie décousue et répétitive (avance, recule, avance, recule) qui étourdit.

Depuis sa mise en ligne, il y a deux semaines, Dahmer a déclenché plusieurs polémiques. Des familles des victimes ont de nouveau crié à l’exploitation commerciale de leurs traumatismes, on peut les comprendre.

Et il y a tout le débat entourant la glorification, l’humanisation et la sexualisation des tueurs en série, dont la cote explose avec la montée en flèche des émissions de crimes réels.

À force de le voir être intimidé, écœuré et largué par sa propre famille, on finit par quasiment éprouver de l’empathie pour Dahmer, c’est ça qui est le plus tordu et fâchant.

Il paraît que Dahmer gagne en profondeur au sixième épisode. Je ne pense pas avoir le courage ni l’estomac pour me rendre jusque-là.