Comme il l’avait fait en 2010, Louis-José Houde repart en guerre contre les sites de revente de billets de spectacles. Dans une vidéo publiée le 6 juin dernier sur Facebook, l’humoriste lance une mise en garde à ceux qui achètent des places sur ces plateformes et parle des dangers qui les guettent.

« Moi, mes billets coûtent 50 $ ou à peu près. Il faut les acheter sur mon site », dit-il après avoir nommé quelques-unes des plateformes qui font de la revente : Billets.ca et Billets.com.

« Ce sont des revendeurs, ce sont des scalpers qui achètent des billets et les revendent trop cher, ajoute Louis-José Houde. Ne payez pas 130 $ le billet pour venir me voir. Je travaille très fort sur mes spectacles, mais 50 $, c’est suffisant. »

Il y a 12 ans, l’humoriste avait fait une sortie remarquée contre ces sites de revente. Cela a conduit à l’adoption du projet de loi 25, en juin 2012, qui permet à l’Office de la protection du consommateur (OPC) d’agir plus promptement.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

L’humoriste Louis-José Houde quelques heures avant la première de son dernier spectacle solo au Lion d’or

En substance, cette loi dit « qu’aucun commerçant ne peut exiger d’un consommateur, pour la vente d’un billet de spectacle, un prix supérieur à celui annoncé par le vendeur autorisé par le producteur du spectacle ».

En 2014, l’OPC frappait un grand coup en engageant des poursuites pénales contre quatre sites de revente de billets de spectacles : Billets.ca, Billets.com, 514-billets.com et Billetqualite.com. Ceux-ci ont fait face à 65 chefs d’accusation et reçu des constats d’infraction variant entre 6000 et 40 000 $.

D’où viennent ces billets ?

Dans sa vidéo, Louis-José Houde prend soin de dire que ces sites sont « tolérés et légaux ». En fait, il donne le bénéfice du doute aux propriétaires de ces plateformes qui affirment que les billets offerts proviennent de particuliers et qu’ils ne servent que d’intermédiaires entre le vendeur et l’acheteur, ce qui est permis.

À l’OPC, on a observé une redéfinition de ces sites au cours des dernières années. « Après les sanctions, ces plateformes se sont converties en sites de petites annonces, dit Charles Tanguay, responsable des relations avec les médias. C’est du moins leur défense. Ils disent qu’ils ne touchent pas aux billets. »

Le nouveau branding de ces plateformes n’empêche pas la direction de l’ADISQ d’être dubitative. « Quand on voit apparaître des batchs de billets, il y a lieu de se poser des questions », dit Ève Paré, vice-présidente aux affaires publiques et directrice générale.

 « On voit des rangées complètes ou des lots de billets dans une même section. »

Je me suis entretenu avec Éric Bussières, patron de Billets.ca. Il m’a répété que son site ne proposait que des billets provenant de particuliers. « C’est correct que Louis-José Houde dise à ses fans de passer par la billetterie officielle, m’a-t-il dit. Mais je tiens à dire que nous sommes un site sur lequel les gens peuvent afficher leurs billets pour les revendre. Ils demandent le prix qu’ils veulent. C’est normal qu’ils demandent plus cher, car nous exigeons une commission de 15 %. La personne qui revend ses billets augmente évidemment le prix. »

Cette version des faits ne satisfait pas le producteur Benjamin Phaneuf.

Les employés de certains de ces sites se mettent sur des listes d’abonnés de salles de spectacles ou s’inscrivent dans des fan-clubs d’artistes. Ils reçoivent des infolettres qui leur disent qu’ils ont droit à des préventes. Ils achètent plusieurs lots de deux à huit billets.

Benjamin Phaneuf, producteur

J’ai tenté d’en savoir plus sur la structure de ces entreprises auprès d’Éric Bussières.

« Je ne veux pas le dire », m’a-t-il dit, ajoutant qu’il avait « plusieurs » employés. « On n’est pas juste quatre personnes », a-t-il ajouté.

Benjamin Phaneuf a remarqué que le phénomène de la revente sur le web a grimpé depuis la reprise des spectacles postpandémie. « C’est parti en fou, dit-il. Des artistes ont commencé à recevoir des plaintes de gens qui disaient : “Je t’aime beaucoup, mais je ne paierai pas 125 $ pour te voir.” On a vu des prix monter en flèche. »

Mauvaises expériences

Si Louis-José Houde et l’ADISQ souhaitent donner un avertissement au sujet des sites de revente, c’est notamment pour éviter de mauvaises expériences. Car le problème avec ces transactions, c’est le manque de communication qu’il peut y avoir.

La pandémie suscite un nombre important d’annulations, de reports ou de changements d’heure. Les clients qui font affaire avec ces plateformes sont souvent privés de ces renseignements.

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Mike Ward au Club Soda en 2019

Un évènement récent a mis au jour cette faille. Un spectacle de Mike Ward, en juin, a fait l’objet d’un changement d’heure. On s’est rendu compte qu’un nombre important de retardataires avaient acheté leur billet sur l’une des plateformes de revente.

Louis-José Houde, dont les spectacles ont souvent lieu à 19 h, nous dit qu’un rappel est envoyé à ceux qui se sont procuré des billets auprès d’une billetterie officielle. « Vous avez payé 300 $ pour une paire de billets, vous arrivez à 20 h et vous ne voyez que 20 minutes du spectacle. C’est fâcheux », dit-il dans sa vidéo.

Démêler le vrai du faux

Les clients qui cherchent des billets pour un spectacle ou un évènement sportif sur le web se retrouvent dans une zone de confusion. Est-ce une billetterie officielle ou pas ?

En effet, au bout d’un clic ou deux, on ne sait plus si on navigue sur une billetterie recommandable ou un site de revente.

Les sites de revente sont très bien faits, il faut faire attention.

Benjamin Phaneuf, producteur

Ève Paré recommande aux clients de toujours effectuer une transaction à partir du site officiel de l’artiste ou de la salle de spectacle. « Vous serez dirigés vers une bonne billetterie », dit-elle. Il faut éviter de faire une recherche sur Google avec le nom de l’artiste et le terme « billets ».

À l’OPC, on m’a confirmé qu’on avait de nouveau à l’œil ces sites de revente. « Je ne veux pas trop m’avancer sur les procédures d’enquête, mais je peux vous dire que des vérifications sont faites actuellement, dit Charles Tanguay. Il y a des discussions qui ont cours avec l’ADISQ. »

Le cas Ticketmaster

La Cour supérieure du Québec a autorisé en janvier dernier une action collective contre Ticketmaster. La plateforme américaine est accusée de cacher de l’information lors de la revente de billets de spectacle ou de hockey sur le marché secondaire. On reproche à cette branche de Live Nation Entertainment de vendre des billets en ne fournissant pas l’information sur le prix initial des billets. Cela contrevient à la Loi sur la protection du consommateur. En juin, une autre action collective contre ce géant de la billetterie a été autorisée. Elle vise des manquements dans le remboursement de billets de spectacle à la suite des nombreuses annulations liées à la pandémie.