Oui, c’est bon, House of the Dragon. C’est du divertissement de qualité, bourré d’effets spéciaux, garni de batailles sanguinolentes et tapissé de détestables personnages qui parlent des langues inventées tout en buvant du vin rouge râpeux. Jorane n’a rien inventé, les amis.

Par contre, cette nouvelle série dérivée de Game of Thrones, qui décolle dimanche à 21 h sur Crave, en français et en anglais, risque de décevoir les fans finis de l’auteur George R. R. Martin par sa simplicité. Car House of the Dragon s’avère une version dépouillée et réduite de Game of Thrones, une série qui a pourtant été portée par son ambition dévorante et sa densité scénaristique.

Le premier épisode de House of the Dragon démarre même avec un narrateur (argh !) qui nous explique, sur un ton hyper solennel, que les évènements dépeints dans la série se déroulent 172 ans avant la naissance de Daenerys Targaryen, mère des dragons et femme imbrûlée. C’est un peu infantilisant comme procédé.

Surtout pour tous ceux d’entre nous qui ont traversé huit saisons foisonnantes de Game of Thrones en passant un nombre incalculable d’heures sur Wikipédia pour démêler les Sept Couronnes, pour comprendre les multiples alliances entre les maisons et pour identifier les personnages barbus habillés en brun qui finissent tous par se ressembler après un banquet arrosé, mais bien mal éclairé. Maudites chandelles.

La complexité des histoires, c’était à la fois la force et la faiblesse de Game of Thrones. Impossible à suivre, ont raillé les téléphages moins courageux. Les autres, plus braves, ont été aspirés dans un vortex qui les forçait à une écoute très proactive de la série culte de HBO.

Les épisodes de l’épique Game of Thrones nous ont catapultés au-delà de la glace du Mur, dans les sables brûlants de Yunkai ou au cœur du luxuriant Hautjardin. Le superbe générique d’ouverture, qui se déroulait sous forme de mappemonde interactive, nous indiquait toujours quels endroits de Westeros nous allions visiter. Nous y avons croisé une sorcière rouge maléfique, un vieil arbre qui parle et une corneille à trois yeux, Seigneur !

En ce sens, House of the Dragon est plus sage. C’est plus épuré, plus circonscrit et moins touffu. L’intrigue se concentre sur les luttes de pouvoir et les chicanes internes qui mèneront à la chute de la famille Targaryen, dont tous les membres arborent une longue chevelure blanche platinée. Pensez à Succession, mais dans un château simili-médiéval où les protagonistes se donnent du « Votre Grâce » toutes les deux minutes. Avec un accent britannique.

L’action se déroule principalement dans le Donjon rouge, à King’s Landing. Le roi Viserys Ier Targaryen, qui a déjà une fille, la princesse Rhaenyra, attend depuis une dizaine d’années la naissance d’un héritier afin que sa famille (à mauvaises perruques) poursuive son règne sur les Sept Couronnes. Car à cette époque rigide, toujours à Westeros, les femmes n’accèdent jamais au trône de fer.

Mais avec son caractère fougueux et son intelligence affûtée, la princesse Rhaenyra Targaryen, 15 ans, pourrait pulvériser ce régime féodal patriarcal. Chose certaine, ce n’est pas son oncle libertin Daemon Targaryen, très Twilight dans son esthétique, qui possède les qualités d’un bon souverain. Le violent Daemon vit dans un bordel – classique Game of Thrones – et adore quand le sang gicle. Bref, c’est un personnage parfait pour cet univers de fantasy gore.

Dans le conseil du roi Viserys Targaryen, il y a évidemment une commère et un homme ratoureux spécialisé dans les manigances politiques. On ne change pas une formule aussi gagnante qu’efficace.

J’ai vu six des dix épisodes de House of the Dragon, que vous devrez, hélas ! consommer à la petite semaine. C’est de la télé prestigieuse, très bien ficelée. Le récit y progresse rapidement et incorpore la plupart des ingrédients fétiches de Game of Thrones : des scènes gargantuesques de mariage, des décapitations, un parfum d’inceste, des combats à l’épée et à la dague, une montagne de corps nus, de même que de saisissantes attaques au dragon. Ah oui, une portion de l’excellente musique du générique original a aussi été récupérée dans House of the Dragon.

Ce qui manque dans les émissions ? D’abord, des personnages secondaires attachants comme Samwell, Brienne, Podrick ou Hodor. Dans House of the Dragon, personne n’est vraiment drôle ou sympathique ou même agréable au premier contact. En comparaison avec les Lannister ou les Stark, les Targaryen sont, comment dire, plates ?

Ensuite, on s’ennuie de la flamboyance et de la générosité des premières saisons de Game of Thrones. Donnez-nous plus de viande et plus d’indices, on est capables d’en prendre.

Et House of the Dragon ne renferme pas, pour l’instant, de moments choquants qui déclenchent des hurlements dans les chaumières. Du genre des Noces pourpres ou du meurtre de Ned Stark.

Bref, oui, c’est correct, House of the Dragon. Mais c’est loin d’être aussi solide que l’acier valyrien dans lequel Game of Thrones a été trempé.