Bol de Ruffles sur les cuisses, vous traversez, en version française, les cinq premiers chapitres de Queen of the South sur Netflix. Rendu à la sixième saison, sorry, la version française n’est plus offerte aux clients.

Il est possible de regarder Queen of the South 6 en polonais, en turc ou en japonais, mais pas en français. Dans votre salon, vous sacrez. Assez fort, quand même.

Le lendemain, vous entamez les quatre premières saisons — doublées en français – d’Animal Kingdom sur Netflix. Rendu à la cinquième, le français s’efface du menu. Impossible de visionner Animal Kingdom 5 dans une autre langue que l’anglais. Pourquoi ? Vous hurlez un chapelet de mots d’église.

Ces situations irritantes, où les versions françaises de vos séries favorites disparaissent ou n’apparaissent tout simplement pas, se multiplient depuis quelques années. Le cas kafkaïen de New Amsterdam illustre à quel point les émissions se dispersent, sans règle claire pour les consommateurs, sur différentes plateformes payantes. Examinons la situation de plus près.

Donc, TVA relaie Hôpital New Amsterdam dans sa grille ordinaire et le Club illico de Vidéotron la propose en rafale. Là, c’est clair. Mais l’Extra de Radio-Canada offre également les trois premières saisons de New Amsterdam à ses abonnés, la chaîne Global détient la primeur anglophone, tandis que Netflix ne met en ligne que les deux premières saisons de cette populaire série médicale américaine, en anglais et en français.

Non, mais, quel casse-tête inutilement compliqué. Je vous comprends d’être perdus dans ce labyrinthe qui force le téléphile à jouer au ping-pong de plateformes. C’est mon travail d’être au courant de ces détails et moi-même, je suis mêlé comme un jeu de cartes brassé par Luc Langevin.

PHOTO PETER KRAMER, FOURNIE PAR NBC

Parveen Kaur et Melissa Roxburgh dans Manifest, dont les trois saisons ne se visionnent qu’en anglais sur Netflix.

Le cas de la série Manifest Turbulences, en version française — démontre à quel point le téléspectateur perd au change dans cette guerre de plateformes. Actuellement, les trois saisons de Manifest ne se visionnent qu’en anglais sur Netflix. Impossible de les regarder en français, nulle part. Pourquoi ? Parce que Radio-Canada a perdu les droits de diffusion numérique de Manifest/Turbulences quand Netflix a racheté la série au réseau NBC, à l’été 2021. Conclusion : vous ne consommerez pas Manifest/Turbulences 3 sur l’Extra de Tou.TV. Il faudra se brancher sur Netflix pour la voir, un jour, quand Netflix se décidera à ajouter les pistes en français, à une date fantôme qui n’a pas été annoncée.

Maintenant, comment fait-on pour savoir où passera, en français, notre émission chouchou ? Hélas ! il n’existe pas de truc simple pour connaître ces infos, qui découlent d’ententes commerciales confidentielles.

« C’est une réponse plate et c’est dur à résumer, car il s’agit toujours de cas par cas. Chaque contrat est différent, tout dépendant de qui distribue, de qui produit et de qui achète », indique le directeur des acquisitions de Radio-Canada, Simon Dupuis.

La directrice des chaînes spécialisées francophones chez Corus, Julie Godon, acquiesce : « C’est rendu très, très compliqué, je suis quasiment aussi mélangée que les consommateurs et ce sera encore pire dans le futur. Les droits deviennent de plus en plus pointus et sont négociés de façon encore plus spécifique », explique-t-elle.

Voilà pourquoi la sixième saison d’Outlander : Le chardon et le tartan est absente de Netflix. La primeur francophone appartient à ARTV. Voilà pourquoi Peaky Blinders 6 ne s’affiche pas en français sur Netflix. La première diffusion a été acquise par TV5Unis. Et voilà pourquoi la sixième saison de Riverdale est introuvable sur Netflix. C’est Vrak, propriété de Bell Média, qui la présente en premier, en version française.

Encore ici, la durée de ces exclusivités francophones varie énormément d’un contrat à l’autre. Ça peut aller de six mois jusqu’à cinq ans. Chacune des clauses se négocie en privé.

Souvent, ces primeurs provoquent des délais de diffusion qui fâchent les téléspectateurs. Prenons Notre vie (This Is Us). Après six saisons, NBC a diffusé la grande finale de cette saga familiale à la fin de mai. En français, personne n’a encore vu « légalement » la conclusion de Notre vie, car ARTV l’a inscrite à sa grille d’automne 2022. En France, cet épisode ultime de This Is Us a été rendu disponible quasiment en même temps que la version originale anglaise. Bref, il n’y a rien de simple pour le simple client.

Pour fermer des dossiers en rafale, sachez que Queen of the South 6 loge chez Séries Plus, une chaîne spécialisée de Corus. Pour Animal Kingdom 5, il faut zyeuter du côté de Z.

Maintenant, comment faire, par exemple, pour rattraper les huit saisons de Homeland, un captivant thriller d’espionnage ? Prenez des notes, les amis, c’est byzantin. En anglais, les huit saisons de Homeland crèchent chez Netflix. En français, il faut ouvrir Disney+, qui héberge les sept premières saisons, mais pas la huitième.

Alors, où se déniche cette huitième saison des aventures internationales de l’espionne bipolaire Carrie Mathison (Claire Danes) ? Du côté de Télé-Québec, imaginez-vous donc. La chaîne publique détient encore les droits de Homeland 8, qui n’est toutefois pas accessible sur son site web. Et aucune rediffusion n’est inscrite à l’horaire.

Bref, trouver une version française de Homeland 8 ou infiltrer les talibans en Afghanistan, même combat, qui ne se dispute pas à armes égales.