La télévision britannique regorge de joyaux encore plus étincelants que ceux de la reine. Fleabag, The Crown, Killing Eve, Luther, Downton Abbey, Broadchurch, Sex Education, I May Destroy You, Black Mirror ou It’s a Sin, j’en oublie des tonnes, désolé milord, sorry milady.

Parallèlement à cette télé de qualité éblouissante, les Britanniques ne renient pas un soap assumé à la Anatomy of a Scandal, un délicieux concours de pâtisserie, de captivants thrillers à numéros comme Stay Close d’Harlan Coben ou une téléréalité sulfureuse de type Love Island.

Vraiment, ils savent comment charmer les téléphages, ces Britanniques, avec ou sans accent cockney. Leur dernière offrande m’a hanté pendant tout le week-end. Il s’agit de l’angoissant thriller Chloe, que vous retrouverez en français et en anglais sur Amazon Prime Video. C’est du solide et du très sombre. J’ai été obsédé par cette minisérie qui traite, justement, de l’obsession à l’ère des réseaux sociaux.

Mais avant d’oublier, et tant qu’à parler de télé anglaise, voici la réponse à une question qui m’a été posée, j’exagère à peine, 84 fois dans les dernières semaines. Pourquoi Netflix ne propose pas la sixième saison de Peaky Blinders en français, alors que les cinq chapitres précédents offrent tous le doublage dans la langue de Molière ?

La réponse : parce que les droits francophones de Peaky Blinders 6 appartiennent actuellement à la chaîne Unis TV, qui relaie les épisodes les jeudis à 22 h jusqu’au 24 juillet. Après leur diffusion, les épisodes ne restent qu’une semaine en ligne sur le site web TV5Unis.

J’ai essayé de savoir quand Netflix mettra en ligne la version française de Peaky Blinders 6, mais personne n’a répondu à mes questions. Allô, Netflix, z’êtes là ?

Maintenant, de retour à Chloe, un suspense psychologique qui nous stresse jusqu’au sixième et dernier épisode. Chloe s’inscrit dans la lignée des Single White Female et Gone Girl, où des héroïnes complexes et troublées perdent le contact avec le réel.

Dans un appartement miteux de Bristol, la solitaire Becky Green (Erin Doherty, alias la princesse Anne dans The Crown) mène une existence terne et ennuyeuse. Cette vingtenaire ni laide ni jolie accumule les boulots temporaires de secrétaire. Elle s’occupe de sa mère qui sombre dans la démence. Et elle passe ses heures de sommeil à éplucher Instagram, notamment le compte d’une certaine Chloe Fairbourne, magnifique rousse aux yeux perçants et à la chevelure de pub d’Herbal Essences.

Nuit après nuit, Becky fouille dans la vie numérique de Chloe. Où mange-t-elle ? Qui fréquente-t-elle ? Qui commente ses publications ? La ravissante Chloe au sourire Crest gravite dans un cercle de bourgeois bohèmes, d’artistes et de politiciens locaux. Bref, Chloe incarne tout ce que Becky n’est pas, soit une femme épanouie, riche, mariée et bien entourée.

L’obsession de Becky pour Chloe atteint le niveau de Joe Goldberg dans You quand Chloe meurt en se jetant du haut d’une falaise. Encore plus troublant : avant de sauter vers sa mort, Chloe a appelé Becky à 2 h 45. Pardon ? Quel lien unit donc ces deux femmes aux destins diamétralement opposés ?

C’est ici que la spirale obsessionnelle descend encore plus profond. Aspirée dans un vortex, Becky ne comprend pas pourquoi une personne aussi choyée que Chloe a décidé de se suicider. Becky change donc d’identité – nouveaux vêtements, nouveau nom, nouveau téléphone – et infiltre le cercle proche de Chloe pour obtenir des pistes d’explication.

Chacun des six épisodes de ce palpitant polar reconstruit la nuit fatidique de Chloe à l’aide des infos que récolte Becky au cours de son « enquête », qui s’avère fructueuse, vous verrez. Le compte Instagram de Chloe a traversé plusieurs filtres qui ont tordu sa réalité, ce n’est pas un divulgâcheur que de l’écrire.

L’aspect « meurtre et mystère » de cette œuvre est aussi haletant que son volet psychologique, bien étoffé. Becky est-elle une opportuniste qui saisit l’occasion de s’approprier la vie rêvée d’une autre ? Est-elle une citoyenne impliquée qui cherche à éclaircir une mort suspecte ? Ou est-elle une sociopathe mythomane qui souffre d’une maladie mentale non diagnostiquée ?

Les désirs, les ambitions et les traumatismes de Becky s’entremêlent dans des épisodes ficelés avec doigté et intelligence. Jamais Chloe ne s’aventure sur le territoire invraisemblable d’Inventing Anna, qui raconte un type d’arnaque certes amusant, mais plus bling-bling.

Avec l’expérience, on arrive presque toujours à deviner « qui a fait quoi » dans des émissions de ce genre. Pour Chloe, avant de démarrer le dernier épisode, je me doutais de la fin sans toutefois savoir comment les scénaristes nous y amèneraient. Et ce n’est pas décevant, promis.

Tout au long de la série, on se ronge les ongles furieusement alors que Becky s’empêtre dans ses mensonges et risque de se dévoiler à ses nouveaux amis. Bien sûr, on la trouve sautée, notre pauvre Becky, mais on ne peut s’empêcher de s’attacher à elle, notamment en raison des épreuves qu’elle a traversées durant son enfance.

De nombreux lecteurs ignorent encore qu’un abonnement annuel à la livraison Prime d’Amazon comprend également l’accès à la vidéo sur demande du géant américain. Il ne reste qu’à activer votre compte et voilà, vous pourrez commander vos dosettes Keurig de Tim Hortons tout en dévorant Chloe. Café et Chloe, aurait-on trouvé la combinaison rêvée ?