Le meilleur et le pire se côtoient depuis l’époque de Loft Story dans cette chronique. Une recommandation chaleureuse pour la minisérie Irma Vep de HBO, une citation creuse d’Amanda dans L’île de l’amour, il n’y a rien de gênant à naviguer entre la télé haut de gamme confectionnée avec soin et celle de type « mode rapide » dont les coutures cèdent après trois essayages.

Cette chronique ne discrimine pas en fonction du profil socioéconomique ou de l’origine d’une émission. Oh non. Le meilleur se trouve souvent dans de la téléréalité bien trash. Le pire se déniche dans des séries ultra-prétentieuses que même leurs créateurs ne comprennent pas tout à fait.

Parfois, le meilleur et le pire se fréquentent dans la même catégorie. C’est le cas aujourd’hui en comédie avec deux titres aux deux extrémités du spectre. Le meilleur : la sitcom Abbott Elementary du réseau ABC, dont tous les épisodes ont été déposés – en français et en anglais – sur la plateforme Disney+. C’est The Office dans une école primaire de Philadelphie et c’est délicieux.

Le pire : le navet God’s Favorite Idiot de Netflix, offert en anglais et en français (L’idiot préféré de Dieu), qui met en vedette la pourtant drolatique Melissa McCarthy. Seigneur que c’est mauvais. Mauvais de chez mauvais.

Le magazine Variety a même statué qu’il s’agissait du point le plus bas de la carrière de Melissa McCarthy (Spy, Bridesmaids) et de son mari, Ben Falcone, qui signe les textes des huit épisodes d’une demi-heure de God’s Favorite Idiot, en plus d’y tenir un des rôles principaux.

J’ai abandonné au quatrième épisode, sans avoir ri une seule fois. Un supplice pire que celui du cilice. C’est confus, mal écrit, simplet et « indrôle », un néologisme que j’essaie très fort de faire entrer dans Le Petit Robert 2024.

God’s Favorite Idiot se déroule dans un bureau de soutien informatique, en Californie. Tous les employés y partagent des traits excentriques, qui ne les rendent toutefois pas attachants. La tête forte du groupe s’appelle Amily (Melissa McCarthy). Cette femme affirmée boit du fort sur les heures de travail, envoie promener son patron (qui s’appelle Frisbee) et pique régulièrement des sommes à son bureau.

Par un hasard tout sauf drôle, Amily découvre que son collègue Clark (Ben Falcone) brille dans le noir. Oui, comme un Luminou dans une chambre d’enfant en 1985. Et Clark, un homme plus beige qu’un chino de chez Old Navy, possède également le pouvoir de faire jouer la chanson Sign of the Times de Harry Styles.

Pourquoi, comment et c’est quoi ça, cibole ? Bonjour le foutoir. Alors, Clark a été choisi pour répandre la bonne nouvelle de Dieu et barrer la route à Satan, incarné par une femme. Comme Dieu, d’ailleurs. Pour paraphraser Ariana Grande : « God is woman ».

Le comédien québécois Yanic Truesdale (Les mecs, Gilmore Girls) débarque au deuxième épisode avec les ailes de l’ange Chamuel (ha !), l’envoyé spécial et sarcastique, peut-il en être autrement, du tout-puissant. C’est du cliché et du déjà vu.

Honnêtement, c’est triste et tragique d’assister à la débandade d’une actrice aussi douée que Melissa McCarthy, dont chacune des répliques tombe cruellement à plat. Quel gâchis incohérent.

Si vous lisez encore cette chronique, merci de votre persévérance. La récompense s’en vient avec le meilleur : Abbott Elementary, qui compte 13 épisodes que j’ai engloutis en un week-end.

Tournée sous forme de faux documentaire, cette série touchante, intelligente et craquante nous transporte dans une école primaire au cœur d’un quartier défavorisé de Philadelphie. Pensez à Modern Family et Parks and Recreation qui auraient eu un bébé.

Le personnage principal, l’idéaliste Janine, enseigne depuis un an à l’école publique Abbott, fréquentée en majorité par des enfants noirs. Janine a la vocation, en plus d’être une vraie nerd. Elle croit pouvoir changer la vie des élèves, même si ses ambitions se heurtent constamment au manque de ressources du système scolaire.

Mais elle n’abandonne jamais, notre optimiste Janine, qui se bute aussi à une directrice égocentrique et obsédée par la dernière danse sur TikTok. Vous vous en doutez, les collègues de Janine la trouvent lourde et naïve, surtout les profs les plus expérimentés comme la parfaite Barbara et la très directe Melissa, qui a des accointances avec la mafia locale.

À la façon de Ted Lasso, Janine et son enthousiasme contaminent lentement mais sûrement le personnel de l’école Abbott. Tout ça s’effectue évidemment dans le malaise, l’humiliation et une quantité hilarante de faux pas. Le rythme des épisodes est rapide et le texte, brillant. Voilà une sitcom efficace qui attaque des enjeux actuels avec mordant et bienveillance.

C’est le genre d’émission que l’on revoit une deuxième fois pour rattraper des gags nous ayant échappé au premier visionnement.

Pour reprendre deux jeux de mots usés, Abbott Elementary est un premier de classe et dans une classe à part, vraiment.