Paul Houde n’est pas amer, il n’est pas en colère.

Mais l’homme de radio qui affiche au compteur 47 années d’expérience est tout de même « étonné » que la direction de Cogeco ait décidé de ne pas annoncer officiellement que les choses s’arrêtaient là pour lui après une quinzaine d’années sur les ondes du 98,5 FM.

Je suis perplexe. Compte tenu de mon long parcours, me faire dire qu’on ne va pas publier de communiqué pour annoncer cela, j’avoue que ça m’a surpris.

Paul Houde

C’est donc lui qui a dû rédiger un communiqué de presse dans lequel il confirme qu’il animera sa dernière émission le 19 juin prochain. « La direction désirant réorienter sa programmation matinale de week-end, je respecte cette décision », écrit-il.

Il respecte cette décision, mais il a du mal à comprendre ce qui la justifie. « On a fait des bonds spectaculaires au niveau des sondages. On n’est pas sans savoir que c’est Radio-Canada qui domine le week-end. Mais en trois ans, on a réussi à multiplier par trois ou même par cinq les parts de marché. On est maintenant deuxièmes après Radio-Canada, assez pour qu’elle regarde derrière son épaule. »

En fin de journée vendredi, Christine Dicaire, directrice des communications chez Cogeco, m’a écrit : « Effectivement le 98,5 a décidé de revoir la programmation de ses week-ends. La suite des choses sera annoncée dans les prochaines semaines […] Pour le moment nous souhaitons remercier Paul pour son travail des 15 dernières années et nous confirmons notre intérêt commun de collaborer au cours des prochaines années. »

Paul Houde a appris il y a quelques semaines que ses patrons n’allaient pas prolonger son contrat. « J’avais une entente de trois années ferme et deux années d’option, m’a-t-il dit lors d’un entretien, vendredi après-midi. Ils ont décidé de ne pas se prévaloir de ces deux années. J’ai gardé cela pour moi, car ce n’est pas drôle pour une équipe d’aller travailler quand il reste une longue période à faire. »

Paul Houde est à la barre des Week-ends de Paul Houde depuis l’automne 2019. Avant cela, il a animé à partir de 2007 les émissions Montréal maintenant et Le Québec maintenant. Toujours pour la même entreprise, il a été morning man à Rythme FM. C’est donc une grosse pointure de Cogeco qui quitte le navire.

« Tout le monde connaît cette maladie qui m’afflige, celle des chiffres. Le 4 mai dernier, ça a fait 47 ans que je fais de la radio. Ce n’est pas un beau chiffre. Je veux me rendre à 50. »

Paul Houde demeure fier du ton qu’il a réussi à donner à son émission durant ces trois saisons marquées par la pandémie. « On s’est rendu compte assez rapidement que les gens avaient envie d’entendre parler d’autres choses. On a décidé d’aborder des sujets qui touchent le quotidien des gens. Immédiatement, les auditeurs ont adhéré. C’est la première fois dans toute ma carrière que j’ai senti des auditeurs aussi proches que cela. »

J’aimais beaucoup la présence de Paul Houde les samedis et dimanches matin. J’ai eu l’occasion de l’écrire. En compagnie de sa grande complice Thérèse Parisien, de même que Jérémie Rainville, Kathrine Huet et Stéphane Boucher, il abordait toutes sortes de sujets avec rigueur, mais sans jamais se prendre au sérieux.

Paul Houde m’a toujours fait rire. Si ce gars-là devait être un objet, il serait sans doute un crayon surligneur jaune. Sa façon de mettre l’accent sur les mots et les idées fait de lui un communicateur qu’on prend plaisir à écouter.

Son érudition, son côté maniaque pour les statistiques, les dates et les résultats sportifs, tout cela est mis de l’avant sans jamais une once de prétention. C’est rare de nos jours.

J’ai quelques amis qui ont eu la chance de travailler avec lui et tous m’ont dit à quel point c’est un camarade agréable et généreux. Thérèse Parisien, qui est l’un des piliers du 98,5 FM depuis sa création, en 2004, multiplie les éloges quand vient le temps de parler de son collègue.

« Dieu que j’ai du plaisir à travailler avec lui. Avec le temps, on a développé une relation où je suis un peu son faire-valoir. Je suis gaffeuse de nature, alors il s’en donne à cœur joie. »

Paul Houde et Thérèse Parisien ont commencé à travailler ensemble à CKAC au début des années 1990. « On n’est pas du genre à se fréquenter en dehors des ondes. Mais parfois il débarque chez moi avec son VR. Il essaye de se garer quelque part et il se fâche. Avec lui, c’est toujours la rigolade. »

Thérèse Parisien avait fait part à la direction du 98,5 FM de sa décision de ne pas revenir à l’antenne l’automne prochain. Celle qui a subi une grave opération l’automne dernier a envie de profiter de la vie. « J’ai des amis qui sont malades et je regarde ce qui se passe autour de moi. Quand j’ai appris pour Michel Côté, ça m’a donné un grand coup. Pour toutes ces raisons, je veux avoir du temps pour moi. »

Paul Houde tient à être clair sur une chose : ce départ ne marque pas le début de sa retraite. « Ça serait stupide », dit l’animateur de 67 ans.

J’estime que je suis au maximum de mon énergie mentale et physique. La radio a été l’essentiel de ma vie. Je demeure profondément un homme de radio.

Paul Houde

Ce travailleur acharné prépare une série de 10 émissions sur l’Amérique. Il est régulièrement invité sur divers plateaux et a deux autres projets en chantier. Ce samedi matin, il va s’adresser à ses auditeurs, car il pense d’abord à eux. Et aux membres de son équipe.

« Il y a des sujets dans la vie qui sont bien plus importants que nos avenirs respectifs. Mais je veux quand même dire que les moments d’intimité que j’ai eus avec les auditeurs et mes collègues vont terriblement me manquer. »

Le départ de Paul Houde s’ajoute aux nombreux autres annoncés récemment. Cette semaine, la direction d’ICI Première nous informait que Michel Lacombe quittait cette institution à laquelle il a été fidèle pendant une cinquantaine d’années. Ses entrevues serrées étaient un atout pour cette chaîne. Ses questions transportaient toujours des fragments de sa vaste culture.

La fin de La soirée est (encore) jeune et de Plus on est de fous, plus on lit chamboule la grille horaire d’ICI Première. D’autres changements ou départs sont sans doute à prévoir. Bref, il paraît que les journées de la directrice de la programmation, Sylvie Julien, sont bien remplies depuis quelques mois.

Du côté de Québec, on a appris le départ de Claude Bernatchez, animateur de la matinale sur ICI Première. Après de nombreuses années à devoir se lever tôt, celui qui est numéro un dans la Vieille Capitale a eu envie de passer à autre chose. Pour avoir été chroniqueur culturel à l’émission du matin à Ottawa, je peux vous dire que la sonnerie du réveil à 3 h, au milieu de la nuit, surtout quand on est en janvier, est le pire son qu’un humain souhaite entendre.

On ne sait pas ce que l’avenir réserve à Claude Bernatchez, mais il serait dommage que la direction de Montréal passe à côté de ce beau talent.

Il ne faudrait pas oublier Pierre Therrien, qui, après 40 années à Radio-Canada, a quitté ICI Musique. Et Jacques Fabi, le « phare dans la nuit » du 98,5 FM, qui a décidé de prendre sa retraite.

Chaque année, les saisons de radio sont marquées par des départs, des changements d’horaire et de nouvelles embauches. Moi qui suis le monde de la radio depuis de nombreuses années, je peux vous dire que ce printemps est très particulier.

Sont-ce les effets de la pandémie ? Visiblement, beaucoup de gens ont eu le temps de réfléchir au cours des derniers mois. De là cet incroyable bouillonnement.