Absente depuis quoi, trois nanosecondes de la télévision, la famille Kardashian revient sur Disney+ jeudi avec encore plus de friture vocale, plus de « contouring » et plus de vêtements beiges qui coûtent le prix d’une minimaison dans Villeray.

The Kardashians, qui s’accroche à la locomotive des 20 saisons de Keeping Up with the Kardashians, ne déstabilisera pas les fans de la première heure de ces femmes riches et retouchées. Elles brassent encore des salades dans des contenants en plastique, parlent au téléphone sur haut-parleur, conduisent des camions Mercedes « pimpés » et portent des verres fumés de la taille d’une véranda du Biodôme.

Le premier épisode ressemble à une bande-annonce nerveuse de Selling Sunset avec une visite par drone des immenses cabanes des cinq sœurs Kardashian, qui habitent la banlieue de Calabasas, la ville-forteresse des stars hollywoodiennes au nord-ouest de Los Angeles. Juste pour cette porno immobilière, c’est agréable de fouiner dans ces maisons de type hangar d’avion, qui abritent des placards plus grands que le Centre Bell.

Dans The Kadarshians, à la facture visuelle hyper léchée, les sœurs Kourtney, Kim, Khloé, Kendall et Kylie se crêpent moins les rallonges et ne se battent plus à coups de sacs à main à 3000 balles. Leurs nombreux enfants, qui s’appellent North, Psalm, Saint, True ou Stormi, apparaissent davantage à la caméra. D’où le titre de la docuréalité The Kardashians, à prononcer avec un accent britannique, comme s’il s’agissait d’une famille royale — ce qu’elles forment, avouons-le, dans le star-système actuel.

PHOTO MARIA ALEJANDRA CARDONA, ARCHIVES REUTERS

Kourtney Kardashian et Travis Barker

Autre différence majeure d’avec la série précédente : Kourtney Kardashian, l’aînée et la plus ennuyeuse du groupe, baigne dans une soupe d’amour avec son fiancé Travis Barker, le batteur tatoué du groupe Blink-182. Ils se bécotent et se taponnent comme deux ados hormonaux, ce qui devient lourd aux yeux de Khloé, qui possède des ongles assez griffus pour torturer sa sœur de façon violente.

La grande vedette de l’émission demeure Kim Kardashian, en instance de divorce avec le rappeur Kanye West. Le nom de Kanye flotte dans les deux épisodes que j’ai vus, mais jamais l’artiste de Chicago n’apparaît à l’écran.

Les caméras suivent longtemps la milliardaire Kim Kardashian dans la préparation de son animation de l’émission Saturday Night Live. Elle se rend même chez Amy Schumer pour tester des gags très grinçants à son égard. L’accès aux coulisses du showbiz qu’offre cette docusérie débouche toujours sur des moments fascinants.

Ce qui manque dans The Kardashians ? De l’humour, du fun. Ma préférée Khloé a toujours été rigolote, amusante et grivoise. Moins maintenant. Dans les coulisses du talk-show de James Corden, on la voit anxieuse et préoccupée de façon malsaine par les trolls. Ramenez-nous notre Khloé baveuse et bonne vivante !

À la tête d’un empire de cosmétiques, la benjamine Kylie Jenner se la joue discrète, tout comme la mannequin Kendall Jenner, atteinte de la COVID-19 au début des tournages.

Avec The Kardashians, la maman ourse Kris Jenner, qui tire toutes les ficelles dorées, se décarcasse pour couvrir ses filles d’un vernis de respectabilité. Résultat : The Kardashians s’avère une autopromotion étincelante et chatoyante, certes. Mais l’ensemble manque de naturel sur beaucoup d’aspects, mettons.

Ne pas se perdre dans la traduction

C’était la première fois que je voyais un avertissement aussi bienveillant qu’utile. Dans les premières secondes de la magnifique série sud-coréenne Pachinko d’Apple TV+, un panneau nous explique comment bien activer les sous-titres.

Parce que pour visionner et absorber cette superbe fresque historique, il faut lire beaucoup de dialogues à l’écran. Vraiment beaucoup. Cette minisérie ambitieuse a été tournée en trois langues : coréen, japonais et anglais. Et le doublage complet en français aurait gommé toute la spécificité et la musicalité de Pachinko.

Donc, les sous-titres. Jaunes pour le coréen, bleus pour le japonais. Ça prend un épisode complet avant de bien s’adapter à cette mécanique linguistique hyper importante. Car la langue s’ancre au cœur de l’identité et des tourments des nombreux personnages de Pachinko, qui dérive d’un roman de l’écrivaine américano-coréenne Min Jin Lee.

PHOTO FOURNIE PAR APPLE TV+

Scène de Pachinko

Vraiment, si vous raffolez des sagas foisonnantes du type Une amie prodigieuse d’Elena Ferrante, vous devez regarder Pachinko, une œuvre remuante à la Roots, qui raconte l’exil japonais d’une famille sud-coréenne sur quatre générations. C’est magnifique.

L’histoire de Pachinko débute en 1915, dans un quartier pauvre de Busan, en Corée du Sud, et traverse dans le Tokyo prospère de 1989, où poussent des gratte-ciel sur des terres ancestrales. Une partie de l’intrigue se déroule également à New York, où un des protagonistes brasse des affaires dans une banque de Wall Street.

Au cœur du récit, il y a Sunja, une fillette analphabète qui vit dans une Corée sous occupation japonaise. Pour une raison qui divulgâcherait votre plaisir, Sunja s’exile au Japon, où les immigrants coréens subissent énormément de racisme. Pendant huit épisodes d’une heure, qui couvrent un siècle, Pachinko suit Sunja, son fils qui exploite une salle de pachinko à Osaka et son petit-fils tokyoïte, qui a fréquenté les plus grandes universités américaines. Pour votre info, le pachinko est un appareil de loterie vidéo à mi-chemin entre la machine à sous traditionnelle et le jeu de « flippeur ».

Bien sûr, il y a un aspect très mélo à Pachinko : la musique larmoyante, les amours impossibles, la misère noire, la violence envers les démunis. En contrepartie, la série creuse des sillons profonds dans la quête identitaire des personnages, déchirés entre leur pays d’origine et leur terre d’accueil hostile.

Apple TV+ propose les cinq premiers épisodes de Pachinko sur un total de huit. De la télé finement cousue.