Mononcle Hugo se répète et radote de plus en plus, que voulez-vous, ça ne s’améliorera pas avec l’âge : la minisérie Aller simple de Noovo remporte le prix de la plus belle surprise de la télé hivernale québécoise. C’est bon de chez bon.

Quel formidable suspense rythmé, punché, avec un souci du détail remarquable. C’est une courtepointe d’indices tissée avec finesse par trois auteurs (Bernard Dansereau, Annie Piérard et Étienne Piérard-Dansereau) qui ont poli leurs textes comme une pierre précieuse. D’ailleurs, chaque détail « anodin », qui a filé innocemment sous nos yeux, réapparaît et s’imbrique dans la finale percutante d’Aller simple, que Noovo relaie ce mercredi à 20 h.

Si vous pensiez qu’il ne restait plus d’essence dans le réservoir de ce thriller à la Agatha Christie, vous vous trompez royalement. Sans rien divulgâcher, sachez que la mort rôde toujours autour de ce chalet bourré de caméras. Pour les téléspectateurs vierges de DSTROY et de vidéos de « méchant trou de cul », cachez-vous les yeux immédiatement.

Alors, l’étau se resserre autour du professeur d’éthique Denis Théberge (Luc Picard), grand manitou de ce jeu de Clue servant à punir les « mauvaises personnes ». Vraiment, Luc Picard brille dans ce rôle de méchant, ambigu à souhait. Tantôt mielleux et faussement naïf, puis psychopathe à tendance maniaque, son regard, sa posture et son ton de voix changent au gré de sa personnalité. C’est digne d’un Gémeaux.

La coscénariste d’Aller simple, Annie Piérard, parle de Luc Picard comme d’« un Stradivarius pouvant toujours donner la bonne note ». Elle n’a pas tort.

Après cinq épisodes compacts, Aller simple se boucle ce mercredi et attache toutes les ficelles pendantes. Le dernier plan évoque même un certain appel d’Hannibal Lecter à Clarice Starling dans Le silence des agneaux.

PHOTO YAN TURCOTTE, FOURNIE PAR NOOVO

Jean-Nicolas Verreault et Anick Lemay (sergente-détective Justine Michaud) interprètent un couple dans Aller simple.

Avant de plonger davantage dans l’analyse, la question que tous les fans se posent : les scénaristes pondront-ils un deuxième chapitre d’Aller simple, qui ramènerait la policière Justine Michaud (Anick Lemay) sur une autre affaire nébuleuse ? « Oui, on aimerait ça, faire une deuxième saison », avance Bernard Dansereau en entrevue. « Mais seulement si on trouve la bonne idée », ajoute Annie Piérard.

Les trois auteurs jonglent avec la possibilité soit d’impliquer la détective Michaud sur une enquête différente, soit de développer un huis clos complètement indépendant de l’intrigue de Val-Beaulac. Par contre, oubliez Épidémie 2. Ils ne l’écriront pas.

Comme beaucoup d’entre nous, les Piérard-Dansereau ont adoré raconter un polar en six épisodes fermés, merci, bonsoir. « C’est un format avec lequel nous sommes tombés amoureux », indique Bernard Dansereau.

Série de fiction la plus populaire de Noovo avec ses 754 000 accros, Aller simple est ce qu’on appelle en anglais un whodunnit, un « quilafait » ou, plus simplement, un « qui l’a fait » ? L’exigence des téléspectateurs pour ce type de minisérie à énigmes est plus grande que pour un téléroman classique de 24 épisodes par année, qui s’étale sur cinq saisons, mettons. Il peut y avoir du mou dans une histoire de téléroman, on pardonne. Mais pas dans un « quilafait », qui se veut court, angoissant et efficace.

« Il y a beaucoup de travail dans Aller simple. Dans toute ma carrière, je ne me souviens pas d’avoir dû réécrire autant de passages. On a été beaucoup challengés, et ce n’était pas désagréable », se souvient Bernard Dansereau.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Le trio de scénaristes d’Aller simple : Bernard Dansereau, Annie Piérard et leur fils Étienne Piérard-Dansereau

La finale d’Aller simple braque, entre autres, les projecteurs sur la femme d’affaires Julie Sicotte (Caroline Dhavernas), qui n’a pratiquement rien dévoilé de son passé. C’était la dernière sur la longue liste du prof d’université retraité.

Vous comprendrez également l’implication du pilote bizarre Guillaume Frenet (Marc Beaupré), qui a encaissé plusieurs chèques du milliardaire Robert Beaulac (Germain Houde).

Au fil des six semaines d’Aller simple, magnifiquement réalisée par Yan Lanouette Turgeon, ses créateurs ont semé plusieurs fausses pistes extrêmement crédibles.

Avez-vous deviné si le conjoint de la sergente-détective Michaud, campé par Jean-Nicolas Verreault, jouait avec les bons ou les pas fins ? Et l’excentrique Robert Beaulac, que fabrique-t-il dans cette toile gluante ?

Aller simple a aussi saisi ses fans en se débarrassant rapidement de gros noms au générique, comme l’acteur Éric Bruneau, tué à la fin du premier épisode. Honnêtement, qui aurait cru qu’un acteur du calibre d’Éric Bruneau mourrait vite comme ça ? Personne. L’effet de surprise a fonctionné à fond.

« Ce qui nous a beaucoup aidés dans le casting, c’est que tout le monde a vu Game of Thrones. Éric Bruneau savait ce qu’il s’en venait faire et il trouvait ça cool », raconte l’auteur Bernard Dansereau.

Maintenant, le prof Denis Théberge pourrait-il organiser une marche expiatoire à la Cersei Lannister pour punir les prisonniers du chalet maudit ? Réponse dans quelques heures (ou immédiatement sur la plateforme Crave, pour les plus impatients).