Un transfert d’entreprise ne se fait pas toujours entre un acheteur et un cédant. Parfois, plusieurs acheteurs s’unissent pour effectuer une reprise collective. C’est le cas de Prudent, un groupe conseil en gestion de risque qui a entrepris un virage vers le modèle coopératif en 2017.

La prévention, c’est le pain et le beurre de Prudent. Depuis 30 ans, l’entreprise élabore des plans d’urgence et des mesures de sécurité civile pour de nombreuses municipalités, industries et institutions partout au Québec.

Lorsqu’il a voulu vendre sa participation en 2015, l’ancien président-directeur général de Prudent, Daniel Dancause, a pressenti des changements dans le marché du travail. « On a vu venir la pénurie de main-d’œuvre et l’arrivée d’une nouvelle génération de travailleurs qui valorise la collaboration », affirme Daniel Oligny, président de Prudent. Pour assurer sa survie, l’entreprise a misé sur le modèle coopératif.

« Une reprise collective, c’est l’acquisition d’une entreprise par un groupe de repreneurs », explique Alexandre Ollive, président-directeur général du Centre de transfert d’entreprise du Québec (CTEQ). Après la transaction, l’entreprise devient une coopérative ou un OBNL.

Dans le cas d’une coopérative de travail comme Prudent, les employés sont aussi membres, ce qui leur donne davantage de pouvoir décisionnel. Autre avantage de ce modèle : il renforce les chances de survie d’une entreprise. Au Québec, 44 % des coopératives sont toujours en place après 10 ans, selon le CTEQ. « Pour le reste des entreprises, ce taux chute à 19 % », souligne Alexandre Ollive.

Un projet de longue haleine

La reprise de Prudent est le fruit d’une planification méticuleuse. Après deux ans de préparation, les employés de Prudent ont formé une coopérative et racheté 25 % des parts de l’entreprise. L’an dernier, la coopérative a racheté l’ensemble des parts. Depuis mars 2024, l’entreprise et la coop sont réunies sous la même entité, Prudent Groupe Coopératif.

Cette période transitoire n’a pas empêché Prudent de croître pour autant. Alors qu’elle employait 5 membres en 2017, l’entreprise en compte maintenant 15. Et leur moral est bon, selon Daniel Oligny, notamment grâce au mode de gestion participatif de la coopérative. « Tout le monde peut sans discrimination accéder à un poste de gouvernance, et tout le monde peut voter en assemblée générale », explique le président de Prudent.

Autre avantage du modèle coopératif : la rétention de personnel. « Les gens restent chez Prudent, car ils savent pour qui ils travaillent : ils travaillent pour eux », ajoute Daniel Oligny.

La recette du succès

Pour une reprise collective réussie, trois conditions s’imposent, d’après Daniel Oligny. « Première chose, il faut que le cédant le veuille et comprenne en quoi cette transaction consiste. » Chez Prudent, Daniel Dancause a lui-même proposé la reprise collective. Aujourd’hui, l’ancien président-directeur général siège au conseil d’administration en tant que conseiller stratégique. « Mais il ne joue jamais à la belle-mère, il nous fait confiance », insiste Daniel Oligny.

Deuxième condition : bien expliquer aux futurs membres en quoi consiste une coopérative. « Monsieur et madame Tout-le-Monde associent souvent ce modèle à des petits organismes sans but lucratif », déplore le président de Prudent. Or, de nombreuses entreprises québécoises comme BMR, Olymel et Groupe Sollio sont aussi des coopératives.

Oui, on est une coop, mais on reste une entreprise commerciale ! C’est juste notre structure qui est différente.

Daniel Oligny, président de Prudent

Une fois tout le monde sur la même longueur d’onde, une dernière condition s’impose, selon Daniel Oligny. « L’équipe de gouvernance qui sera nommée ne doit pas s’enfermer dans son petit royaume. » En d’autres mots, la direction doit continuer à promouvoir le volet collectif de l’entreprise en restant transparente avec l’ensemble de ses membres.