Après trois ans de discussions, l’aluminium figure désormais sur la liste des minéraux critiques et stratégiques de la province. Qu’est-ce que cela veut dire ? Quels avantages tire le Québec d’un tel changement ? Le point avec Jean Simard, président de l’Association de l’aluminium du Canada.

Qu’est-ce que la liste des matériaux critiques ?

En fait, c’est un tournant très récent dans les économies mondiales et qui concerne la décarbonation. Simplement, il s’agit des matériaux qui ont été ciblés, qui sont accessibles, nécessaires, qui répondent à des enjeux géopolitiques tout en étant cruciaux et irremplaçables pour la fabrication de composantes qui servent aux nouvelles technologies énergétiques. En ce moment, la liste compte une quarantaine de minéraux dont le césium, le cobalt, le cuivre, des éléments des terres rares, etc.

Que vient faire l’aluminium dans cette liste ?

On s’en sert dans toutes les nouvelles technologies énergétiques, en particulier dans l’énergie solaire, où il représente 88 % des composants photovoltaïques (PV). Il ne faut pas oublier les lignes de transmission électrique et le fait que les constructeurs automobiles se servent de ce matériau en ce qui concerne l’environnement batterie et pour alléger leurs voitures afin de compenser le poids des batteries. L’aluminium québécois a une faible empreinte carbone et il est incontournable du début à la fin pour décarboner les économies.

Concrètement, quels avantages tire le Québec d’un tel ajout ?

Il faut savoir que l’aluminium était déjà sur la liste des minéraux critiques des États-Unis. Sauf que c’est le Canada qui produit plus de 80 % du métal primaire de l’Amérique du Nord et près de 45 % de tout le métal primaire de l’Europe et des États-Unis combinés. Au total, 70 % de tout l’approvisionnement d’aluminium qui entre aux États-Unis vient de chez nous. Cela permet de nous asseoir avec les Américains et de nous assurer que le traitement donné à notre métal comme la tarification soit fait de manière juste et équitable. C’est aussi une façon de le hiérarchiser et d’assurer une plus grande fluidité lors des passages frontaliers. En gros, ça entre quasiment dans les questions de sécurité nationale.

Croyez-vous que cela donne un signal attractif aux investisseurs ?

C’est un signal très clair aux investisseurs et qui indique qu’on attache une priorité stratégique à l’aluminium. Cela aide aussi à faire la promotion du secteur. Les grandes entreprises comme Ford, par exemple, ont besoin d’avoir une vision claire de l’approvisionnement futur de leurs métaux et c’est ce qu’on leur assure. Par ailleurs, il faut comprendre que la production d’aluminium primaire est très énergivore en matière d’électricité. Le fait que nous ayons cette énergie en quantité et qu’elle soit renouvelable correspond aussi de plus en plus aux valeurs environnementales de plusieurs entreprises.

Quand allons-nous voir les effets d’une telle modification ?

Accorder une priorisation à l’aluminium veut aussi dire qu’on met plus d’énergie sur la recherche et développement. Par exemple, on fait tout pour extraire et exploiter cette ressource de façon optimale, mais il y a encore des pas à faire pour créer de la valeur avec les résidus. L’avenir sera d’optimiser les processus, tant la production que le niveau de recyclage. En résumé, l’ajout de l’aluminium sur cette liste n’est pas une promesse d’argent, mais une reconnaissance politique du Québec. Non, ça ne changera rien demain matin, mais il ne faut pas oublier qu’il y a des géants comme la Chine qui s’imposent et ce n’est pas sans danger sur le plan géopolitique. Cette reconnaissance ajoute une couche de protection et assure une cohérence politique.