En politique, des éclipses, il y en a chaque mois.

À en juger par les courriels reçus, vous êtes un peu, beaucoup écœurés d’entendre parler de Northvolt. En février, c’était le quasi-scandale du financement politique. Et en avril, ce sera sans doute autre chose.

Pour rester dans la métaphore céleste, certains sujets agissent comme des trous noirs. Ils bouffent presque tout l’espace médiatique. L’effet d’attraction est irrésistible. Plus les gens en débattent, plus il y a de gens avec qui s’obstiner et de positions à commenter. Comme le dit une caricature du New Yorker : « Désolé, chérie, je ne peux pas me coucher tout de suite, il y a quelqu’un qui a tort sur l’internet ! »

Lors des éclipses, deux autres épiphénomènes ne sont pas très brillants : ceux qui en parlent en déplorant qu’on en parle tant, et ceux qui accusent l’opposition de ne pas s’intéresser aux vrais enjeux alors qu’eux-mêmes n’écoutent pas les élus quand ils parlent justement d’autre chose.

Permettez-moi de sortir brièvement le fouet avant de tomber en mode constructif. Cette critique n’est pas fausse. Ou, pour le dire de façon moins orgueilleuse, elle pourrait peut-être, un peu, s’appliquer à moi aussi…

Pour cette chronique, j’ai proposé aux partis à l’Assemblée nationale de choisir deux propositions ou enjeux qui passent sous le radar. Les voici donc.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

En 2021, Hydro-Québec a installé 2000 panneaux solaires à Lac-Mégantic, notamment sur le toit du centre sportif de la ville (notre photo).

Parti libéral du Québec

Panneaux solaires sur les toits

En 2021, Hydro-Québec a créé un premier « microréseau » à Lac-Mégantic, en y installant 2000 panneaux solaires. Le député libéral Gregory Kelley veut multiplier ces initiatives sur les toits résidentiels, commerciaux et institutionnels. Même si le coût des panneaux a chuté dans les dernières années, il faudra encore de nombreuses années pour l’amortir. M. Kelley propose d’utiliser le Fonds vert pour en subventionner l’achat.

Pour le propriétaire, la facture d’électricité chuterait et l’édifice deviendrait autonome en cas de panne. Pour Hydro-Québec, la pression sur le réseau diminuerait et, par le fait même, le nombre de chantiers à construire alors que la main-d’œuvre manque. Autre avantage : cet ajout d’électricité ne nécessiterait pas la construction de coûteuses et intrusives lignes de transport.

Revenu d’appoint pour l’aide sociale

Le gouvernement Couillard avait créé en fin de mandat l’équivalent d’un revenu minimum garanti pour les personnes assistées sociales souffrant d’une contrainte sévère à l’emploi, comme une déficience physique ou intellectuelle. Leurs prestations étaient ainsi haussées de 40 %. Or, pour y être admissible, il fallait avoir passé cinq années avec de telles contraintes. Durant cette attente, ils ont très peu d’argent. Et dès qu’ils gagnent plus de 200 $ par mois avec un revenu d’appoint, leurs prestations sont amputées. Désirée McGraw, députée libérale de Notre-Dame-de-Grâce, veut corriger cette erreur. Elle a déposé un projet de loi pour permettre à ces personnes, si elles le souhaitent, de gagner jusqu’à 15 000 $ par année sans être pénalisées.

PHOTO ANDRÉ TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Québec solidaire estime qu’on parle trop peu du vieillissement de la population.

Québec solidaire

Vieillissement de la population

Le vieillissement de la population revient périodiquement dans le débat public. Mais par rapport à la gravité de l’enjeu, Québec solidaire (QS) trouve qu’on n’en parle pas assez. Le parti de gauche propose bien sûr d’investir davantage dans les soins à domicile. Mais la réflexion doit aller plus loin, insiste-t-il. Il faut aussi penser à la sécurité financière, à l’habitation, à la mobilité, à l’aménagement des espaces publics et à l’accès au numérique des personnes aînées. Sa députée Christine Labrie propose des États généraux sur la qualité de vie des aînés. Elle s’inspire notamment des exercices similaires organisés pour les soins en fin de vie ainsi que pour les agressions sexuelles et la violence conjugale.

Insécurité alimentaire chez les enfants

Il y a une catégorie d’individus qui souffrent de la hausse du coût de la vie, mais qui ne votent pas, et dont on parle moins : les enfants. Près d’un enfant sur cinq a vécu une forme d’insécurité alimentaire. Pas moins du tiers des personnes qui recourent aux banques alimentaires sont des mineurs. Ce n’est pas normal, surtout pas pour une société riche comme le Québec. La proposition de QS : un programme d’alimentation scolaire universel à l’école primaire et secondaire publique. Le coût estimé : entre 600 millions et 1,5 milliard, selon la contribution exigée aux parents. Le Canada est le seul membre du G7 à ne pas proposer un tel programme.

PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE

Le Parti québécois estime qu’il serait de mise d’augmenter la visibilité des œuvres québécoises sur les plateformes étrangères.

Parti québécois

Promouvoir la culture d’ici

La preuve est faite : les œuvres québécoises sont moins visibles sur les plateformes étrangères, et on attend encore de voir si la réforme fédérale corrigera le problème. L’enjeu est vital, prévient le Parti québécois (PQ). Que reste-t-il de notre identité si on n’a pas accès à notre culture et si nos artistes n’ont plus les moyens de créer ? Le PQ se bat pour protéger le français, mais cette langue doit aussi pouvoir continuer de porter une culture, d’où cette initiative. Le péquiste Pascal Bérubé a proposé en 2021 de créer un Bureau de promotion du contenu québécois qui interviendrait auprès des grandes plateformes afin de s’assurer que les œuvres d’ici y soient accessibles et visibles.

Accès à la propriété

L’automne dernier, le PQ a déposé un plan d’accès à la propriété. On a surtout parlé – pour le critiquer – du taux d’intérêt garanti de 3,5 % pour les premiers acheteurs. Mais le plan comportait plusieurs suggestions pour stimuler la construction de logement.

Pour adapter l’offre : convertir en logements des bâtiments gouvernementaux vacants, inciter les entreprises à faire de même et modifier le zonage en conséquence.

Pour augmenter l’offre : créer un fonds pour encourager la construction immobilière, fournir un catalogue de plans préapprouvés, donner des incitatifs financiers pour les logements préfabriqués en usine, bonifier des rabais de TVQ pour de premiers acheteurs et réviser les programmes dont la bureaucratie retarde les mises en chantiers.

Et enfin, réduire l’immigration pour alléger la demande.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

La Coalition avenir Québec a tenu sa promesse d’implanter le réseau internet haute vitesse (50 Mb/s) dans toutes les régions du Québec.

Coalition avenir Québec

Internet en région

Bonnes nouvelles, pas de nouvelles. Ou du moins : pas de nouvelles qui fassent réagir. On a certes parlé un peu de l’exploit de la Coalition avenir Québec (CAQ) d’implanter le réseau internet haute vitesse (50 Mb/s) dans toutes les régions, mais ce fut vite oublié. Pourtant, il s’agit d’un réel exploit. Le dossier était piloté par le député d’Orford, Gilles Bélanger. Le Québec l’a réussi avant l’Ontario. Et, surprise, il a respecté son budget. Le tout en réussissant à obtenir l’aide du fédéral. La promesse faite en 2018 a donc été réalisée. Un petit nombre de Québécois sont orphelins – à cause de leur éloignement géographique, il était trop coûteux de les brancher au réseau filaire. Mais une solution a été trouvée : donner accès à l’internet par l’entremise d’un réseau satellite.

Nouvelle génération d’écoles

Depuis son arrivée au pouvoir, la CAQ a accéléré la construction d’écoles. Le rythme est trois fois plus rapide que sous le précédent gouvernement. Et elle y a ajouté une signature architecturale. Il ne s’agit pas seulement d’une couche de bleu nationaliste. Elle intègre des matériaux de chez nous, comme le bois et l’aluminium, élargit les espaces de vie, favorise la lumière naturelle et intègre un système de géothermie et de récupération d’eau, comme celle inaugurée en novembre dernier à L’Ange-Gardien. On dénonce la désuétude des écoles existantes, avec raison. Mais on partait de loin, et le retard ne peut pas être réglé en quelques années. Depuis son arrivée au pouvoir, la CAQ a plus que doublé le budget attribué à la construction et à la rénovation des écoles.