Le régime enregistré d’épargne-retraite (REER) de conjoint présente son lot d’avantages pour fractionner le revenu d’un conjoint et alléger la facture d’impôts du couple. Mais que devient cette épargne en cas de séparation ? Réponses avec Stéphanie Castonguay, conseillère senior, investissement et planification financière, à la Banque Nationale, et Jimmy Verdule, gestionnaire privé et planificateur financier chez Desjardins Gestion de patrimoine.

À quoi sert le REER de conjoint ?

« Le REER de conjoint permet d’alléger la facture fiscale globale du couple en attribuant une déduction fiscale au conjoint qui paie le plus d’impôts, explique Jimmy Verdule. Le calcul doit être fait globalement : il ne faut pas se concentrer uniquement sur le montant d’impôts payé cette année, car on doit aussi prévoir celui qui sera payé au décaissement du REER. On doit donc regarder qui paie le plus d’impôts aujourd’hui, mais aussi qui paiera le plus d’impôts lorsqu’on retirera les sommes. Le conjoint qui a les plus gros revenus aujourd’hui n’aura pas forcément le revenu de retraite le plus important. Ces deux calculs doivent être faits afin de vérifier l’économie réelle d’impôts pour le couple. »

Peut-on utiliser un REER individuel comme REER de conjoint ?

« Il s’agit de deux choses différentes, explique Stéphanie Castonguay. On ne peut pas utiliser son REER individuel et le nommer REER de conjoint. Il faut ouvrir un compte spécifique, destiné à recevoir les cotisations versées par le conjoint. »

PHOTO FOURNIE PAR LA BANQUE NATIONALE

Stéphanie Castonguay, conseillère senior, investissement et planification financière, à la Banque Nationale

« Les deux personnes doivent se qualifier comme conjoints, c’est-à-dire être mariées ou conjoints de fait. La personne qui cotise au REER de conjoint doit avoir des droits de cotisation inutilisés. C’est elle qui reçoit la déduction fiscale. Quant à celui qui reçoit la cotisation dans son REER de conjoint, c’est lui le détenteur des fonds, et il n’a pas besoin d’avoir de droits inutilisés pour recevoir cette cotisation. »

Peut-on cotiser au REER de conjoint après 71 ans ?

« Le conjoint cotisant qui a dépassé l’âge de 71 ans peut continuer de cotiser au REER de son conjoint si celui-ci n’a pas atteint cet âge limite, dit Stéphanie Castonguay. C’est un rare cas où on peut continuer de cotiser à un REER après 71 ans. On voit ici que l’écart d’âge permet de différer plus longtemps l’impact fiscal d’un revenu de placement. »

Si les choses tournent mal, peut-on récupérer les sommes sans impact fiscal lors d’une séparation ?

« Il y aura toujours un impact fiscal, mais il sera moindre en fonction de la règle des trois 31 décembre. Je m’explique : si trois 31 décembre se sont écoulés depuis les cotisations, c’est le conjoint détenteur du REER qui fera face à l’impact fiscal, dit Jimmy Verdule. Mais si on retire les fonds sans attendre que trois 31 décembre soient passés, ces retraits ont un effet sur le revenu du conjoint cotisant. Il est à noter qu’on peut transformer un REER de conjoint en REER individuel si on peut fournir une preuve légale de séparation. Par ailleurs, on n’a pas à attendre les trois 31 décembre quand on fait des retraits en vue d’un régime d’accession à la propriété [RAP]. »

Que devient le REER de conjoint après une séparation ?

« Pour les couples mariés, le REER de conjoint fait partie du patrimoine familial, habituellement partagé à moitié-moitié entre les époux quand il y a un divorce, dit Stéphanie Castonguay. C’est différent pour les conjoints de fait, car en cas de séparation, chaque conjoint conserve ses propres biens acquis pendant la période de vie commune. Le détenteur du REER de conjoint est donc propriétaire des sommes qui ont été cotisées. Cependant, si une convention de vie commune a été conclue entre les conjoints de fait, ce document peut prévoir un autre partage des avoirs en cas de séparation. »