Faire de l’argent, oui, mais pas au détriment de la planète ou du bien-être des employés. C’est ainsi que l’on pourrait résumer la mission des entreprises arborant la certification B Corp, qui pousse depuis 2006 la communauté d’affaires à respecter de rigoureuses normes environnementales, sociales et de gouvernance (ESG). Et ce mouvement prend de l’ampleur au Québec.

Dans le monde des B Corp (que l’on pourrait traduire par entreprise bénéfique pour la société), Gestion immobilière Quo Vadis fait figure de pionnière. L’entreprise qui gère 1,5 million de pieds carrés loués à des PME a été la première à recevoir la certification au Québec en 2013.

« À l’époque, j’ai examiné plein de différentes certifications environnementales et aucune n’était très attachée aux valeurs », se souvient la présidente-directrice générale, Natalie Voland. L’ancienne travailleuse sociale croyait déjà fermement qu’on peut « utiliser le capitalisme de façon responsable ».

Après avoir découvert la certification B Corp par l’entremise de la Fondation McConnell, elle s’est elle-même rendue à Toronto pour rencontrer l’organisme B Local, qui gère cette reconnaissance ESG, et les entreprises certifiées au Canada.

« J’ai adoré le concept. Ça correspondait à nos valeurs et au type d’entreprise qu’on voulait avoir », explique-t-elle.

« Force rassembleuse »

Dix ans plus tard, Natalie Voland demeure aussi convaincue du bien-fondé de B Corp. Quo Vadis a d’ailleurs suivi le processus rigoureux à quatre reprises, la certification devant être renouvelée tous les trois ans.

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Natalie Voland, PDG de Gestion immobilière Quo Vadis

On ne reste pas assis sur nos lauriers. Ça nous permet de faire une mise à jour de notre plan stratégique, de continuer à faire des améliorations dans un monde en constante évolution. Ça nous assure aussi de rester des leaders ESG.

Natalie Voland, PDG de Gestion immobilière Quo Vadis

Le processus couvre un large éventail de sujets. De la diversité et l’inclusion à la quantité de déchets générés en passant par les façons de faire des fournisseurs, tout y passe. « Parmi nos locataires, le nombre de B Corp augmente. Le mouvement est en forte croissance au Québec », se réjouit Natalie Voland, qui voit là un moyen de se démarquer des concurrents.

« Ça nous donne une crédibilité, précise-t-elle. La certification attire des employés, des locataires et des fournisseurs. Nos travailleurs nous donnent même des exemples d’améliorations possibles dans leurs tâches pour avoir plus d’impact. C’est une force rassembleuse. »

Une communauté qui grandit

Les propos de Natalie Voland rejoignent ceux d’Aurelia Talvela, présidente de B Local Québec, qui regroupe des entreprises certifiées et des amis du mouvement. « Les entreprises B Corp veulent un monde meilleur même si elles font des profits. L’attention qu’elles portent au bien-être de leurs employés réduit le taux de roulement. Les relations qu’elles construisent avec leurs fournisseurs sont aussi plus profondes, puisqu’ils partagent leurs valeurs. »

Au Québec, la plupart des membres de la communauté B Corp sont des PME, et la majorité compte moins de 20 employés. « On voit de plus en plus de grandes sociétés québécoises certifiées B Corp », constate néanmoins Aurelia Talvela.

Danone, Borealis ou The Unscented Company : les 119 entreprises proviennent de secteurs très variés.

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Aurelia Talvela, présidente de B Local Québec

Peu importe le milieu, la certification permet de démontrer qu’elles ont un haut niveau d’implication sociale et environnementale. Les consommateurs font de plus en plus confiance aux sociétés engagées, et leurs produits se distinguent.

Aurelia Talvela, présidente de B Local Québec

Aurelia Talvela souligne qu’en 2022, le Québec était la région avec la plus forte croissance d’entreprises certifiées B Corp en Amérique du Nord, après la Californie. « D’ailleurs, dans la province, près de 90 sociétés ont la certification depuis moins de trois ans. Ça témoigne de l’engouement récent pour le mouvement. »

Vers une standardisation ?

Selon Luciano Barin Cruz, professeur titulaire au département de management à HEC Montréal, l’avantage premier de la certification B Corp est sa légitimité. « Les gens la reconnaissent de plus en plus. Certaines études soulignent aussi l’attrait des entreprises socialement responsables auprès des employés. »

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Luciano Barin Cruz, professeur titulaire au département de management à HEC Montréal

L’expert remarque avec intérêt que les gestionnaires actuels n’ont pas nécessairement été formés sur le développement durable ou la transition énergétique. « Par contre, les écoles de gestion intègrent depuis quelques années des cours obligatoires sur ces sujets. Les jeunes y sont donc sensibilisés. »

Selon lui, les employeurs doivent désormais être prêts à expliquer ce qu’ils font pour l’environnement lors du processus d’embauche. « La certification permet de démontrer qu’on fait des efforts concrets pour contribuer à améliorer le sort de la planète », croit-il.

Sans prédire la fin des certifications volontaires comme B Corp, Luciano Barin Cruz a hâte de voir l’effet qu’aura la normalisation des normes ESG sur ces dernières.

« L’ISSB [pour International Sustainability Standards Board] essaie par exemple d’implanter des normes de divulgation financière environnementale pour l’ensemble des entreprises du monde. Il faudra voir si les entreprises continueront à rechercher d’autres certifications quand les critères seront les mêmes pour tous. »