Après avoir grandement souffert de la pandémie, le milieu du tourisme d’affaires a repris ses activités à pleine vitesse. Or, alors que tout le Québec est frappé de plein fouet par la pénurie de main-d’œuvre, bien des travailleurs ont quitté le secteur pendant la pause.

« Il manque encore du personnel : les gens ne sont pas revenus à 100 % comme avant la pandémie », affirme d’emblée Gilber Paquette, directeur général de Tourisme d’affaires Québec.

En effet, seulement dans le domaine de la restauration, il y a 28 000 travailleurs de moins qu’en 2019, ce qui représente 28 % des emplois du secteur, d’après l’Institut du Québec.

Et cela n’est pas sans conséquences.

On voit par exemple certains établissements refuser des groupes trop nombreux, parce qu’ils n’ont pas le personnel nécessaire pour bien les servir.

Gilber Paquette, directeur général de Tourisme d’affaires Québec

Il est d’avis qu’il est grand temps de valoriser le secteur du tourisme d’affaires. « Il faut faire le tour des écoles, expliquer aux gens pourquoi ils devraient venir travailler dans le domaine, affirme-t-il. Parce que dans les écoles d’hôtellerie, les inscriptions ont baissé. Les gens ont bien vu que l’industrie a été la première fermée et la dernière rouverte, alors ils sont allés ailleurs. »

En fait, la baisse d’achalandage avait commencé avant la pandémie. Denis Castonguay, qui était directeur de l’École hôtelière de la Capitale jusqu’en juillet, se souvient que cela remonte à 2014-2015.

« Le taux de chômage était déjà très bas, particulièrement à Québec, se souvient-il. Il y a eu un désintérêt de la jeunesse pour les métiers du secteur de la cuisine et du tourisme dont les conditions de travail et les salaires n’étaient pas des plus attrayants. Il y a eu beaucoup d’améliorations dans les dernières années à ce niveau-là, mais la pandémie est arrivée, et ça a été la catastrophe. »

Résultat ? Dans certains programmes, les inscriptions sont devenues anémiques.

Recruter à l’international

Plutôt que de s’apitoyer sur son sort, l’École hôtelière de la Capitale a décidé de se tourner vers le recrutement à l’international dès 2015.

Maintenant, environ 20 à 25 % des élèves de l’École hôtelière de la Capitale viennent de l’immigration, et c’est la raison pour laquelle le nombre d’inscriptions est très bon pour 2023-2024.

Denis Castonguay, qui a dirigé l’École hôtelière de la Capitale jusqu’en juillet

PHOTO PASCAL RATTHÉ, COLLABORATION SPÉCIALE

En plus de passer environ 35 heures par semaine en classe, les élèves de l’École hôtelière de la Capitale travaillent souvent une vingtaine d’heures par semaine dans l’industrie.

Il remarque que ces élèves issus de l’immigration, qui sont sur les bancs d’école environ 35 heures par semaine, vont souvent aussi travailler dans l’industrie 20 heures par semaine. « En arrivant ici, ces personnes ont besoin de travailler, alors elles se trouvent un emploi dans un restaurant, dans un hôtel, dans un service de traiteur, etc. Ça donne donc un coup de pouce à l’industrie. Plusieurs voudront aussi rester au Québec après leurs études, alors c’est vraiment positif. »

Le Centre des congrès de Québec s’en sort plutôt bien côté main-d’œuvre parce qu’il a gardé son personnel pendant la pandémie, mais il reste qu’il a aussi recours à l’immigration pour pourvoir ses postes. « Nos partenaires ont commencé à aller à l’international avant la pandémie, par exemple pour les postes en électromécanique et en entretien ménager, puis ça a repris de plus belle après », explique Marc Poirier, directeur, gestion immobilière et soutien aux évènements.

Se rapprocher des finissants

Le Centre des congrès de Québec a aussi tissé des liens avec le Centre d’études collégiales de Montmagny, qui fait partie du cégep de La Pocatière. Il offre le programme Production scénique – régie et techniques scéniques.

« Nous les avons approchés pour voir comment nous pourrions travailler ensemble et finalement, depuis mai, nous leur prêtons nos locaux avec haut plafond pour réaliser certaines étapes de la formation des étudiants, indique Marc Poirier. Nous accueillons aussi des étudiants en stage. C’est gagnant-gagnant, parce que ça les aide à offrir une meilleure formation et nous pouvons avoir un œil sur les finissants et tenter de les attirer chez nous une fois qu’ils auront leur diplôme. »

Revoir ses processus

Si les employeurs dans le domaine du tourisme d’affaires doivent être créatifs pour recruter du personnel, ils doivent aussi parfois revoir leurs façons de faire. « Comme il manque de main-d’œuvre, nous devons nous adapter pour être plus efficaces, affirme Marc Poirier. Par exemple, si nous avons le personnel sur place, nous essayons de voir ce qu’on peut faire en prévision du prochain évènement qui peut avoir lieu dans deux ou trois jours. On fait du prémontage de salles. »

Le travail de jour est aussi maintenant privilégié. « Avant, il y avait souvent du montage de soir et de nuit, souligne-t-il. Mais il est difficile en ce moment de trouver des gens qui souhaitent travailler avec ce genre d’horaires. Pour simplifier la vie de nos fournisseurs, nous essayons de concentrer le travail à faire pendant la journée. Il a fallu revoir tous nos processus. »

Consultez le site du Centre des congrès de Québec

Là où la pénurie frappe fort

Audiovisuel

Le Palais des congrès de Montréal s’en est plutôt bien sorti par rapport à la pénurie de main-d’œuvre, mais la situation a tout de même été très difficile dans l’audiovisuel. « Plusieurs personnes expérimentées sont parties à la retraite, plusieurs jeunes sont retournés étudier ou ont voulu un horaire plus prévisible, remarque Élaine Legault, du Palais des congrès de Montréal. L’an dernier, la situation a été vraiment critique, mais ça va mieux maintenant, même s’il reste compliqué d’avoir du personnel les soirs et les fins de semaine. »

Cuisine

Un petit tour sur le web suffit pour voir à quel point les cuisiniers et les cuisinières sont recherchés sur le marché du travail. L’École hôtelière de la Capitale multiplie aussi les efforts pour en former. En grande partie grâce au recrutement d’élèves à l’étranger, elle a réussi à lancer cet automne trois groupes complets dans le diplôme d’études professionnelles en cuisine de jour, et un de soir, et deux continuent leur formation commencée en janvier. Nombre de ces personnes travaillent d’ailleurs dans l’industrie à temps partiel pendant leurs études.

Service de la restauration

Depuis plusieurs années déjà, l’École hôtelière de la Capitale a de la difficulté à recruter en service de la restauration. « Nous avions trois groupes en 2014, puis nous sommes descendus à un seul même pas complet, raconte Denis Castonguay, qui dirigeait l’établissement jusqu’en juillet. C’est que les entreprises dans le domaine ont tellement besoin de main-d’œuvre qu’elles engagent des gens sans formation. Et on le voit lorsqu’on va dans les restaurants. Mais nous continuons nos efforts de recrutement, et la situation va en s’améliorant. »

Entretien ménager

Ce n’est pas d’hier que le personnel dans le domaine de l’entretien ménager est très difficile à trouver au Québec. Pour cette raison, avant la pandémie, le fournisseur du Centre des congrès de Québec dans le domaine a ouvert un bureau satellite en Colombie pour recruter. Ces personnes qui viennent s’installer à Québec ont l’espagnol comme langue maternelle et elles ne maîtrisent pas encore nécessairement très bien le français. Le Centre des congrès a donc fait des vidéos qui expliquent les tâches à réaliser en français, avec sous-titres en espagnol.