Après 25 ans à évoluer dans un monde traditionnellement masculin, Bicha Ngo veut ouvrir la voie aux femmes. Première vice-présidente aux placements privés chez Investissement Québec, elle affirme avec fierté que les entreprises québécoises financées par la société d’État qui comptent une femme dirigeante sont passées de 10 à 19 % depuis trois ans.

« C’est quelque chose qui me tient à cœur, dit-elle. En 2020, on était autour de 10 %. On s’est donné les paramètres pour se rendre graduellement jusqu’à 18 % en 2023. En date de février 2023, on était autour de 19 % ! »

Pourtant, rien n’est forcé. « On sensibilise nos directeurs d’investissements à donner des opportunités aux femmes. On fait beaucoup de marketing pour inviter les femmes dirigeantes à nous rencontrer. Et on encourage nos fonds partenaires à être plus sensibles à cet égard. »

En 1997, Bicha Ngo était l’une des trois seules femmes à évoluer en investissement bancaire au Québec, à ses débuts chez Merrill Lynch. « Une amie m’avait dit que c’était un milieu de requins et que je ne survivrais pas. Elle pensait que j’étais trop gentille. » Le commentaire ne l’a jamais freinée.

PHOTO KARENE-ISABELLE JEAN-BAPTISTE, COLLABORATION SPÉCIALE

Bicha Ngo, première vice-présidente aux placements privés chez Investissement Québec

J’étais dans un environnement masculin très agressif, mais je ne me suis jamais posée en victime. J’apporte quelque chose de différent. Et je pense que plus il y aura de femmes en finances et en investissement bancaire, plus les jeunes suivront nos pas.

Bicha Ngo, première vice-présidente aux placements privés chez Investissement Québec

Ironiquement, rien ne la prédestinait à défricher le chemin. « Je viens d’une famille vietnamienne traditionnelle. Papa voulait que je devienne médecin et que je reprenne sa clinique. J’ai fait mes sciences pures au cégep. Le chemin était tracé pour moi. »

Elle s’est toutefois inscrite en histoire de l’art. « C’était par pur intérêt. Je me voyais déjà curatrice pour un musée à Florence. Mais c’était surtout une année pour moi, afin de savoir quels étaient mes rêves. »

Son côté cartésien et son aisance en mathématiques l’ont redirigée vers un baccalauréat en administration des affaires, avec spécialisation en finances, à HEC Montréal. « Jacques Bourgeois, qui dirigeait le volet finances du programme MBA, m’avait conseillé de me diriger vers l’investissement bancaire pour être stimulée intellectuellement. Quand j’ai découvert l’adrénaline transactionnelle des dossiers de fusions et acquisitions ou des admissions sur les marchés, j’ai adoré ! »

Il faut dire qu’elle a vécu le boom de la bulle techno à la fin des années 1990 chez Merrill Lynch, avant de développer ses compétences dans une diversité de secteurs (aérospatiale, manufacturier, techno, pâtes et papiers, sciences de la vie) chez CIBC Capital Markets. Puis, elle a participé au développement d’une nouvelle ligne d’affaires chez Domtar, alors que l’entreprise vivait le déclin de son industrie.

En poste chez Investissement Québec depuis décembre 2019, Bicha Ngo s’efforce de propulser les entreprises québécoises ici et à l’étranger. « On est prêt à prendre beaucoup plus de risques qu’avant. »

Cela dit, chez elle, les risques sont calculés.

Mes parents ont quitté le Viêtnam et ils ont recommencé à zéro au Québec. Mon père voulait que je choisisse une profession beaucoup plus stable, car il avait tellement peur de ce risque-là. Pour moi, au contraire, ce risque est calculé.

Bicha Ngo, première vice-présidente aux placements privés chez Investissement Québec

La gestionnaire cartésienne est toutefois loin des décisions dénuées d’humanité. « Mon intelligence émotionnelle m’aide beaucoup. Je m’inspire de ma mère. Même si papa prenait le leadership et qu’elle était très effacée, elle faisait preuve d’une sensibilité incroyable. En investissement, on investit dans une entreprise et dans un plan d’affaires, mais au final, on appuie surtout des entrepreneurs. »