Bien que la demande pour des aliments locaux ne cesse de croître au Québec, le développement d’entreprises agricoles viables demeure un défi de taille pour la relève agricole. Un projet démontre toutefois des résultats intéressants : le motel agricole, un modèle à mi-chemin entre l’incubateur et l’établissement d’entreprises agricoles.

Dans le quartier Ahuntsic, à Montréal, la Centrale agricole regroupe une vingtaine d’entreprises agricoles dans 90 000 pieds carrés d’une bâtisse industrielle de briques brunes. Conçue selon le modèle du motel agricole, elle est la plus grande coopérative en agriculture urbaine au Québec.

« Ce qui distingue vraiment les incubateurs agricoles des motels agricoles, c’est qu’on a compris qu’il y a des gens qui ne veulent pas aller s’établir ailleurs après trois ou quatre ans, qui ont envie de rester dans l’endroit où ils se développent », explique Jean-Philippe Vermette, directeur, intervention et politiques publiques, du Laboratoire sur l’agriculture urbaine. Ainsi, en plus de donner un élan à de nouveaux entrepreneurs en leur fournissant des infrastructures et différents services pour mettre sur pied leurs projets, le motel agricole n’est pas une offre limitée dans le temps. Les entreprises membres de la Centrale agricole peuvent donc rester sur place aussi longtemps qu’elles le désirent.

On a commencé le projet avec 8000 pieds carrés, on est rendus à 90 000. Il y a 5 entreprises fondatrices, on est rendu 20. En tout, on a accueilli 22 entreprises, donc il y en a 2 qui ont fermé pour des raisons personnelles. Notre taux de perte, en quatre ans, c’est 2 sur 20.

Jean-Philippe Vermette, directeur, intervention et politiques publiques, du Laboratoire sur l’agriculture urbaine

« C’est vraiment excellent si tu le compares à l’agriculture en mode général. Ça, c’est dû à notre communauté qu’on a créée, aux échanges qui se font, mais aussi à la mise en place d’un comité de sélection rigoureux », explique M. Vermette, qui est aussi président du conseil d’administration de la Centrale agricole.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Des sacs de café de Torréfaction Québec

Le mot-clé : collaboration

Comme dans toute coopérative, les membres de la Centrale agricole paient une part de qualification à laquelle s’ajoutent des frais pour les différents services utilisés. Des espaces de production et de transformation alimentaire sont mis à la disposition des membres, qui bénéficient également de programmes de formation, de réseautage et de plusieurs autres services pour les aider dans le roulement et le développement de leur entreprise.

Le processus d’acceptation de nouveaux membres est très rigoureux. Les candidats doivent non seulement démontrer qu’ils ont des idées viables, mais aussi qu’ils partagent la vision de la coopérative et qu’ils sont prêts à y investir de l’énergie. « On a des employés, mais on veut quand même que les membres s’investissent », précise le président du C.A. Parlant d’employés, ceux-ci sont mis au service des différentes entreprises membres de la coopérative, un atout majeur en période de pénurie de main-d’œuvre.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Luna Pela, d’Atelier champignons Big Bloc, s’apprête à mélanger le mycélium dans le substrat en vue de la préparation des champignons.

Un défi de taille

Le partage des coûts et de la main-d’œuvre est un réel avantage pour les membres de la Centrale agricole. Une épée de Damoclès plane toutefois au-dessus de ce modèle innovateur en matière de relève agricole : la propriété.

« On n’est pas propriétaires de la bâtisse, on est locataires avec un bail renouvelable tous les cinq ans. Si notre propriétaire décide du jour au lendemain de doubler le loyer, tout ça ne fonctionne plus dans le modèle », souligne Jean-Philippe Vermette.