C’est un ajout au modèle d’affaires et un excellent moyen de fidéliser la clientèle : en partie inspirés de l’agriculture soutenue par la communauté, en partie par les clubs de vins plus traditionnels, des vignerons du Québec proposent maintenant à leurs clients de s’abonner avant le début de la saison, avant même que le premier raisin soit récolté.

Pour de petites entreprises agricoles, dans un contexte où le prix des intrants est en hausse, avoir un revenu alors que les vignes sont encore sous la neige donne évidemment un coup de pouce.

Le Clos Sainte-Thècle est une petite entreprise de la Mauricie. Il fait partie de ces vignobles dont on s’arrache les vins, qui deviennent donc des raretés. Cette année, le Clos a lancé son Conclave qui permet à un groupe très restreint, une cinquantaine de personnes, de mettre la main sur six bouteilles, d’avoir une visite personnalisée dans les vignes et d’autres avantages exclusifs, prisés de ceux qui aiment le vin québécois.

Coût de cet abonnement : 250 $.

« Quand on a commencé, on faisait 300 bouteilles et on fonctionnait avec une liste d’envoi », se rappelle Éric Blouin. Le projet de ce groupe était dans l’air depuis les débuts de l’entreprise, qui a fait 7500 bouteilles l’année dernière. Ce qui la place toujours dans la catégorie des petits vignobles.

« À notre échelle, ça n’est pas négligeable, explique Éric Blouin. On va le renouveler chaque printemps, avant les ventes du millésime [de l’année précédente]. C’est du revenu qui arrive plus tôt. »

En achetant les bouteilles à l’avance, les clients s’assurent donc de mettre la main sur ces cuvées, ce qui n’est pas chose garantie autrement. « On voulait que ces gens-là puissent avoir accès au vin », dit Éric Blouin.

Et en plus, à moins que la loi ne change avant le moment de la livraison des six cuvées, ce sont les vignerons eux-mêmes qui iront porter leurs bouteilles aux membres de leur groupe. On peut difficilement rêver d’un service plus personnalisé.

Une des principales raisons qui ont motivé la création du Conclave est aussi de réunir ces fidèles, notamment par l’intermédiaire d’un groupe privé sur Facebook où les vignerons échangent des informations qui intéressent davantage les passionnés de viticulture que l’amateur de vin moyen.

« Ça n’est pas un coup de marketing, on fait ça parce qu’on aime parler de nos vins avec des gens intéressés. » Et cela crée un sentiment d’appartenance recherché par une partie de la clientèle.

Sara Gaston, directrice générale du Vignoble du Ruisseau, de Dunham confirme : la création d’un club crée inévitablement un sentiment d’appartenance parmi ses membres. Et vice-versa : pour les vignerons, c’est aussi très valorisant d’avoir une clientèle sélecte, qui choisit d’aller sur place chercher ses vins, si c’est ce qu’elle souhaite.

Il y a 250 membres dans le club. L’entreprise souhaite doubler la taille du groupe qui a accès en priorité aux vins et spiritueux, parfois en exclusivité pour des créations rares. Idem pour certaines bouteilles vieillies.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Sara Gaston

« C’est un modèle qui interpelle les vrais amateurs de vins », précise Sara Gaston qui était elle-même adepte de ce genre de groupe dans des vignobles canadiens.

Le Vignoble du Ruisseau a stratégiquement choisi le moment de ses envois de vins, trois par année, dans des périodes plus tranquilles en achalandage et, donc, en revenus.

D’autres entreprises choisissent ce genre de programme qui offre des services VIP à une partie de la clientèle. Au Domaine Bergeville, un des très rares vignobles certifiés biodynamiques au Québec, le club (400 $ de frais annuels pour neuf vins) permet de participer au dosage des vins effervescents, spécialité de la maison. Ici comme ailleurs, les membres sont traités aux petits oignons.

« Bien que le concept de club de vin soit assez répandu en Californie et dans la Vallée de l’Okanagan au Canada, notre inspiration est davantage celle des paniers des fermiers de famille. Le principe est d’encourager l’achat de vins locaux ayant parcouru peu de kilomètres et de soutenir la viticulture locale. De notre côté, notre engagement est d’offrir des allocations incluant nos meilleures cuvées, des vins éphémères produits en plus petite quantité et un accès privilégié à nos primeurs », explique Caroline Chagnon, coordonnatrice aux communications et marketing, du Domaine Bergeville.

Parrainer les vignes

Le Vignoble et Domaine des arômes, de Saint-Bernard-de-Lacolle, a opté pour un modèle différent : la clientèle peut parrainer la vigne.

« C’est très rare au Québec, mais en France, c’est un modèle populaire, explique l’avocat devenu vigneron, Richard Généreux. Les gens vendent des forfaits de parrainage de vignes. »

Le principe est tout simple : le programme partenaire vigneron permet à la clientèle de s’engager selon quatre catégories, chacune offrant des privilèges différents : repas du vigneron, plantation des vignes, étiquette personnalisée, dégustations… Il en coûte 150 $ par pied de vigne parrainé. Le très jeune vignoble, né en 2019-2020, ne produit pas encore de vin. Les parrains et marraines devront être patients.

« Ç’a été très populaire durant la pandémie », précise Richard Généreux, les gens étant alors à la recherche de moyens de sortir de la ville et du quotidien. Le Domaine étant diversifié, on y côtoie autant des animaux que du raisin ou des plants de lavande, ce qui en fait un bel endroit pour un pique-nique ou un BBQ.

Les parrains recevront leurs bouteilles (trois par pied de vigne) lorsque le vin sera élaboré et prêt, probablement en 2025.