Le temps des grandes discussions sur le déploiement des énergies renouvelables au Québec est révolu. Il faut passer à l’action, et vite, soutient Gabriel Durany, PDG de l’Association québécoise de la production d’énergie renouvelable (AQPER). Surtout que le Québec a tous les outils en main pour atteindre la carboneutralité tout en assurant son autonomie énergétique.

Oui, nous sommes des champions en matière d’hydroélectricité, rappelle M. Durany. « Nous avons décarboné notre électricité, c’est vrai, dit-il. Mais 52 % de l’énergie que nous consommons au Québec est issue du pétrole et du gaz importés. Il faut remplacer tout ça. »

« Si on veut atteindre la carboneutralité, ajoute-t-il, il faudra être capables de produire 25 TWh supplémentaires en 2032 et 100 TWh en 2050. Ce sont les objectifs climatiques qui poussent ces chiffres-là. »

Heureusement, dit Gabriel Durany, l’idée qu’un bouquet d’énergies renouvelables soit déployé à court et à moyen terme aux quatre coins du Québec n’est plus une vue de l’esprit. « Ça fait maintenant partie du discours ambiant », se réjouit-il.

L’AQPER compte environ 130 membres actifs dans le secteur des énergies renouvelables, notamment dans l’éolien, le solaire, la biométhanisation, la biomasse, les biocombustibles et « la petite hydro », c’est-à-dire les petites centrales hydroélectriques.

Et toutes ces entreprises et autres organisations prennent la forme de firmes de génie-conseil, d’équipementiers, de développeurs de projets, de producteurs d’énergie, etc. Bref, avec une expertise dans autant de filières, qui rayonnent localement, mais aussi ailleurs dans le monde, il est temps de passer à l’action sur notre propre territoire, dit-il.

PHOTO KARENE-ISABELLE JEAN-BAPTISTE, COLLABORATION SPÉCIALE

Gabriel Durany, PDG de l’AQPER

On ne peut pas mettre en opposition notre autonomie énergétique et notre stratégie climatique. Il faut réussir les deux. Et ça passe par les énergies renouvelables qui se déploient rapidement. À l’horizon 2030, il est trop tard pour les grands projets de barrages hydroélectriques.

Gabriel Durany, PDG de l’AQPER

Le gouvernement québécois semble d’ailleurs vouloir aller dans cette voie, c’est-à-dire ne plus vouloir harnacher de rivières à tout prix, et miser à court terme sur l’éolien qui, malgré son attrait, demeure une énergie intermittente.

Il faut malgré tout considérer l’éolien, admet M. Durany. Il cite en exemple le projet Apuiat, par lequel les Innus développent actuellement, de concert avec Boralex, un parc éolien de 200 MW sur le territoire traditionnel de la Première Nation d’Uashat Mak Mani-utenam, près de Port-Cartier, sur la Côte-Nord.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Éoliennes à Cap-Chat

Le Québec, rappelle le PDG de l’AQPER, est un leader naturel en énergie éolienne. À sa mise en service en 1999, Le Nordais (et ses 130 éoliennes à Cap-Chat et à Matane) était le plus grand parc éolien au monde.

Le solaire est également un secteur où le Québec se démarque, rappelle Gabriel Durany. Une entreprise comme STACE, fabricant québécois de panneaux solaires et développeur de projets en ce sens, en est un exemple probant.

Gabriel Durany croit également qu’il faut à tout prix implanter de nouveaux projets de « petite hydro ». Cette expertise que « nous maîtrisons depuis 100 ans », dit-il, pourrait se déployer rapidement. D’ailleurs, la sous-utilisation de certaines petites centrales hydroélectriques par Hydro-Québec a récemment fait la manchette.

La filière de la biométhanisation

Il existe d’autres filières porteuses, dont la biométhanisation. Un modèle qui retient l’attention : Coop Carbone. Fondée en 2011, cette coop de solidarité de 35 employés est derrière un site de biométhanisation à Warwick (Centre-du-Québec), où 12 fermes transforment, à l’aide de biodigesteurs, leurs rejets agricoles à la fois en biogaz et en engrais à valeur ajoutée. Près de 2,3 millions de mètres cubes de gaz renouvelable sont ainsi envoyés dans le gazoduc d’Énergir.

« Les entreprises agricoles obtiennent des revenus pour le gaz vendu et récupèrent des fertilisants plus efficaces, explique Jean Nolet, directeur général de Coop Carbone. Ça fait une grande différence avec les problèmes d’approvisionnement et les prix des intrants qui sont à la hausse. »

PHOTO FRANÇOIS PERRAS, FOURNIE PAR COOP CARBONE

Aperçu du site de biométhanisation de Coop Carbone à Warwick, dans le Centre-du-Québec.

Coop Carbone, qui aime se présenter comme un partenaire dans la réduction des gaz à effet de serre, travaille également sur la mobilité durable par le truchement de son équipe MOBIS. L’un des services qu’elle offre : un site de transbordement dans Rosemont–La Petite-Patrie, où des poids lourds déchargent leur contenu, lequel est ensuite livré à l’aide de petits véhicules électriques, dont des vélos cargos.

« Le Québec est mieux positionné que n’importe qui pour atteindre la carboneutralité, croit Jean Nolet. Mais ça ne se fera pas tout seul. Il va falloir changer nos modes de vie, nos façons de produire, etc. Il y a encore beaucoup de pièces du puzzle à mettre ensemble. »